Les chefs (2): la nouvelle vie de Martin Juneau

Martin Juneau est connu comme l’un des meilleurs chefs de sa génération. Mais son parcours a été semé d’embûches et de déboires, comme c’est si souvent le cas en restauration.

Photo: SAQ (via Youtube)
Photo: SAQ (via Youtube)

À 35 ans, Martin Juneau a déjà été propriétaire de quatre restaurants en plus d’avoir été primé meilleur chef au Canada en 2011, méritant le Golden Plate Award, à Kelowna en Colombie-Britannique. Sa nouvelle adresse, Pastaga, dans la Petite-Italie à Montréal, fait partie des meilleurs nouveaux restaurants au Canada en 2012 du magazine En Route.

Dans sa chronique du Journal de Montréal, Sophie Durocher s’étonnait, il y a quelques mois, de voir Martin Juneau dans une publicité vantant le nouveau hamburger au jalapeno de McDonald’s. Martin Juneau s’est défendu en racontant qu’il traînait notamment une mauvaise dette à la suite de la faillite de La Montée de lait, le restaurant qu’il a dirigé pendant sept ans.

L’histoire de ce restaurant très apprécié du public est symptomatique de la fragilité inhérente à la restauration.

Elle débute avec un tout petit restaurant, situé dans un quartier résidentiel de Montréal. Porté par le succès, La Montée de lait déménage au centre-ville de Montréal. Nous sommes en pleine crise économique, et il n’y aura pas de Grand Prix de Formule un cette été-là à Montréal. Le restaurant ne s’en remettra pas et il redéménagera dans son ancien quartier… pour fermer quelques mois plus tard.

«Pour réussir, un restaurant doit avoir un taux d’occupation moyen de 80 %, raconte Martin Juneau. Il faut aussi contrôler ses coûts jusque dans le moindre détail». Chaque ingrédient doit avoir plusieurs vies, et il faut éviter les pertes.

La comptabilité paraît d’une simplicité élémentaire. La nourriture devrait compter pour 30 % des coûts et pas beaucoup plus si on veut balancer les comptes. Les salaires représentent une autre portion de 30 % alors que les frais de loyer, de chauffage et autres coûts fixes accaparent une autre tranche de 30 à 35 %. Faites l’addition : il ne reste presque rien, peut-être une marge bénéficiaire de 5 % si vous évitez le gaspillage d’aliments et répartissez efficacement les heures de travail du personnel pour éviter le temps supplémentaire.

C’est sans compter les imprévus. Au restaurant Pastaga, Martin Juneau et son associé Louis-Philippe Breton ont cru bien faire en achetant de magnifiques couteaux Opinel à près de 10 dollars l’unité pour rehausser les couverts. Il n’en reste plus que 20 %, tous les autres ayant été volés !

Les métiers de la restauration sont-ils pour autant payants ? Pas vraiment. Un cuisinier bien formé et talentueux a un salaire d’environ 15 dollars de l’heure et un sous-chef, de 35 000 à 40 000 dollars par année. Un chef peut espérer gagner 50 000 dollars, quoi que certains chefs salariés de grandes cuisines peuvent avoir beaucoup plus.

Pour un chef-propriétaire comme Martin Juneau, une telle sécurité n’existe même pas. Si le restaurant va moins bien, les propriétaires ne se verseront pas de salaires.

Vous comprenez pourquoi les livres de recettes, les émissions de télévision et les annonces publicitaires sont irrésistibles. C’est souvent là que les bons chefs peuvent capitaliser sur leur talent. En plus de McDo, Martin Juneau est l’un des chefs invités de l’émission Et que ça saute!, diffusée sur la chaîne V.

Pourquoi donc Martin Juneau, déjà échaudé, tient-il tant à posséder son propre restaurant ? «Pour être capable de partager ma vision et mon expérience. Je tiens à cette liberté», dit-il. Des centaines d’entrepreneurs m’ont avoué la même chose au fil des ans.

Père de deux petites filles, Martin Juneau a quand même décidé de ne pas se faire dévorer par sa passion. «J’essaie de me limiter à 50 heures par semaine, mais je pourrais facilement travailler 80 heures». Un business de détails et de présence, disait-il…




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Une des problématiques de la restauration, c’est particulièrement vrai dans la grande région de Montréal, c’est la fidélisation de la clientèle. Ce sont des fidèles qui viennent qui reviennent et qui font la promotion de leur restaurant préféré qui assurent en quelques sortes la rente du restaurateur, le reste c’est la cerise sur le gâteau.

Étonnamment l’anecdote relative aux Opinel volés que vous relatez ne constitue pas un très bon augure en termes de fidélisation de la clientèle. Quand les gens partent avec ce genre de souvenirs, cela laisse présager qu’ils ne reviendront pas de sitôt. J’en conclus que les gens viennent pour l’expérience. Pour la notoriété du chef et pas spécifiquement pour ce qu’ils retireront de leur assiette. Et s’ils gardent un souvenir, c’est pour faire passer l’addition.

Les couteaux de la marque Opinel sont des trophées emblématiques (La main couronnée), j’ai le mien depuis près de 40 ans, toujours comme neuf, sauf que moi je l’ai acheté.

— Paul Bocuse l’illustre chef français, ne demande jamais à ses clients s’ils ont bien mangé ; il s’empresse de savoir s’ils ont assez mangé. Certaines nuances sont plus importantes que les ustensiles. Un service attentionné vaut plus que les plus subtiles ingrédients.

30% pour le personnel?

Ca veut dire que si je paie 150$ pour une table de 2 personnes, 45$ iront au personnel?

J’en doute fort.

Le serveur est payé en bas du salaire minimum. Si on passe 2 heures, et qu’il sert 4 tables, il ne passera qu’une demi-heure à nous servir. Environ 4$.

Ajoutons le salaire des chefs et sous-chefs pour les 3 ou 4 plats. On est loin du 45$.

Vous oubliez les coûts sociaux que doit payer le patron pour le personnel (assurance-emploi, FSS, etc…) et qui sont malheureusement pour lui beaucoup plus élevés au Québec qu’ailleurs dans le Canada.

Vous œuvrez dans la restauration?

Non.
Mais que le couts de main-d’oeuvre soient un peu plus élevés au Québec qu’au Canada changent quoi?????
Le 30% c’est bien pour le québec non?

La première moitié de l’année a été comptabilisée et notre chiffre pour le « labour cost » (les salaire des employés) est de plus de 35%. Il faut constamment être à l’affut de ces chiffres et les réajuster le plus rapidement possible. Mission très difficile.