
Ce diplômé de HEC Montréal a fait fortune, en 2013, en vendant son agence, NVI (troisième au palmarès des Leaders de la croissance de L’actualité en 2012), au géant de la publicité japonais Dentsu, qui l’a fusionnée avec sa filiale iProspect. À 33 ans, Guillaume Bouchard dirige cette division canadienne, mais il a un autre projet dans ses cartons. Car il fait partie d’une minorité en croissance dont on dit qu’elle pourrait révolutionner le capitalisme : les entrepreneurs sociaux.
La prochaine chose que l’homme d’affaires a envie de « réparer », ce sont les océans. Il imagine déjà une flotte de bateaux avec à leur bord les meilleurs scientifiques, dont les découvertes seraient relayées sur sauvonslesoceans.com — nom de domaine qu’il a déjà réservé.
« Quand quelqu’un devient millionnaire, ça devrait profiter à l’ensemble de l’humanité », dit-il.
Ainsi, Guillaume Bouchard ne créera pas de fondation. Ni d’organisme sans but lucratif (OSBL). Inspiré par Boyan Slat, un Néerlandais de 20 ans qui a inventé un système pour recycler le plastique qui pollue les océans, le Québécois veut trouver et commercialiser une technologie verte rentable, qui lui permettra de réinvestir les profits dans la cause.
Certains entrepreneurs sociaux sont regroupés dans le réseau Ashoka, qui en compte 3 000 triés sur le volet dans plus de 80 pays. Un petit nombre de Québécois en font partie, dont Jean-François Archambault et sa Tablée des chefs. Celui-ci offre des cours de cuisine au grand public, et les profits servent à financer un programme de récupération des surplus alimentaires de grands hôtels, qui sont redistribués aux gens dans le besoin.
Dans l’une des rares études sur le sujet, le cabinet McKinsey, établi à New York, a évalué les retombées économiques de 10 entrepreneurs sociaux français dans divers domaines : santé, distribution alimentaire, restauration de bâtiments historiques, accompagnement de ménages surendettés, etc. Grâce à eux, l’État a économisé cinq milliards d’euros (sept milliards de dollars) par année en allocations de chômage, en hébergement d’urgence, en soins de santé.
Les gouvernements ont donc avantage à s’intéresser aux entreprises sociales. Pourtant, au Québec, aucune stratégie n’existe pour les soutenir ni même les répertorier : elles se fondent dans le vaste secteur de l’économie sociale, qui regroupe autant des coopératives, comme Desjardins, que le plus petit OSBL qui tente d’aider les décrocheurs.
L’Ontario a été plus actif en mettant en place, en 2013, le Bureau pour l’entrepreneuriat social. Avec le secteur privé, le gouvernement a lancé le fonds Catapult, qui donne accès à du mentorat et du microcrédit. L’Ontario a aussi réalisé la Social Venture Connexion (SVX), une plateforme d’investissement en ligne qui met en relation entrepreneurs sociaux et investisseurs — des « dragons » qui s’intéressent autant à la portée sociale qu’à la rentabilité.
Plus de 10 000 entrepreneurs sociaux emploient environ 160 000 personnes en Ontario et fournissent des services à quelque 3,4 millions de clients par année. Le gouvernement veut créer 1 600 emplois de plus dans ce secteur d’ici 2016.
« C’est beaucoup plus développé du côté anglophone », constate Vincent Gourlaouen, chargé de projet en entrepreneuriat à l’Institut du Nouveau Monde. Avec la Caisse d’économie solidaire de Desjardins, l’Institut a lancé en 2007 le programme de mentorat À go, on change le monde !, qui offre des bourses aux entrepreneurs sociaux de 15 à 35 ans.
Guillaume Bouchard croit qu’il faut repenser la manière d’aborder les problèmes de pauvreté et d’environnement. « On ne peut pas seulement dénoncer, il faut trouver des solutions », dit-il. Réparer ce qui est brisé.
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« Les entrepreneurs sociaux ne se contentent pas de donner du poisson ou d’enseigner à pêcher. Ils ne se reposeront pas avant d’avoir révolutionné l’industrie de la pêche. »
– Bill Drayton, fondateur du réseau Ashoka
Oceancleanup un video disponible sur youtube
https://www.youtube.com/watch?v=eVSOa0JK7Kw