
Les producteurs d’aluminium demandent au gouvernement une diminution du tiers de leur facture d’électricité, qui passerait de 4,25 cents à 2,85 cents le kilowattheure. Plus tôt cette semaine, on apprenait que les avantages fiscaux consentis à l’industrie des jeux vidéos ont atteint 128 millions de dollars en 2012.
L’aide publique aux entreprises dérange, qu’elle se manifeste sous forme de subvention directe, de crédits d’impôts, de garanties de prêts ou de tarifs d’électricité réduits. Pourquoi avantager des producteurs ou des secteurs économiques plutôt que d’autres, pourquoi subventionner certains emplois en particulier, pourquoi faire payer par l’ensemble des entreprises des privilèges offerts qu’à certaines d’entre elles, pourquoi l’ensemble des contribuables devraient casquer pour soutenir des entreprises à propriété privée, pourquoi une baisse des tarifs pour la grande industrie alors qu’on demande une hausse pour les particuliers?
Voilà d’excellentes questions. J’en ajouterais une autre: pourquoi les grandes industries profiteraient-elles de tarifs d’électricité plus avantageux que l’ensemble des petits producteurs et des commerces et, évidemment, de l’ensemble de la population?
Plusieurs économistes et observateurs ont dénoncé cet situation. En 2009, Claude Garcia parlait d’un manque à gagner de 2,5 milliards de dollars pour Hydro-Québec qui aurait pu alors vendre aux Américains de l’électricité à 9 cents le kilowattheure plutôt que de la céder aux alumineries à une fraction du prix.
2009, c’était l’ancien temps. La situation n’est plus du tout la même.
Premièrement, Hydro-Québec peine a vendre son électricité à 4 cents de kilowattheure sur les marchés extérieurs et ses surplus sont abondants.
Deuxièmement, les alumineries québécoises ne bénéficient plus de tarifs énergétiques plus bas que leurs concurrents internationaux. Selon Jacinthe Côté, la présidente de Rio Tinto Alcan, 75 % des alumineries situées hors-Québec ont de meilleurs tarifs que ceux consentis par le gouvernement. L’énergie représente 30 % des coûts d’une aluminerie.
Troisièmement, la perte de compétitivité de l’industrie québécoise se fait d’autant plus sentir que le prix de l’aluminium a chuté de 30% en deux ans. La demande mondiale reste solide, portée par le marché chinois qui accapare 45% du marché. Hélas, les producteurs chinois ont multiplié les constructions d’alumineries ces dernières années, grâce à l’énergie bon marché procurée par le charbon de Xinjiang.
Quatrièmement, le secteur industriel québécois demeure fragile et les derniers gouvernements veulent améliorer le niveau des exportations. Pour le meilleur et pour le pire, les alumineries constituent des piliers du secteur manufacturier et sont parmi nos principaux exportateurs.
Dans ces circonstances, faut-il donner un coup de pouce supplémentaire aux alumineries et aux autres grandes industries?
Dans le contexte actuel, l’aide tarifaire aux grandes entreprises métallurgiques serait une mesure de protection, comme nous en avons eu bien d’autres dans l’histoire récente du Québec, notamment en ce qui a trait à la pétrochimie, domaine que je connais bien. Dans le cas de la pétrochimie, cela s’avéra inutile et coûteux. Nous aurions pu, plutôt que de gaspiller ces fonds en subventions directes et indirectes les déployer, par des mesures horizontales, vers plus de transfert technologique, plus d’innovation, plus de capital de risque. Les entreprises soi-disant menacées par la disparition de Pétromont, en aval de la pétrochimie (plastiques), en auraient profité comme les autres. La croissance de la productivité au Québec, depuis des décennies, est lamentable et trop d’efforts ont été perdus à cibler des secteurs soi-disant porteurs d’emploi. Dans cet exercice, les gouvernements se trompent la plupart du temps, ou ont raison à force d’efforts considérables qui, de temporaires deviennent permanents (jeux vidéos).
L’octroi de rabais tarifaires aux alumineries par exemple, ne devrait être consenti que pour une période fixe dans la mesure où ces entreprises s’engageraient à restructurer sans attendre leurs entreprises de manière à affronter la concurrence sur vingt ou trente ans, même si celles-ci pour y parvenir devaient substituer le gaz naturel à l’hydroélectricité! Hydro-Québec, non concurrentielle, serait alors tenue d’augmenter ses tarifs résidentiels, et c’est tant mieux pour la planète, et la « vérité des prix »!
L’alternative bien sûr serait de subventionner nos entreprises énergivores tant que la « bulle » du gaz naturel ne sera pas résorbée, ce qui risque d’être long, long, long…
Si le passé est garant de l’avenir, notre gouvernement choisira cette dernière option, la plus coûteuse et la moins structurante. Mais c’est payant auprès des syndicats, des régions, et des fournisseurs, dont Hydro-Québec qui ne sait plus où écouler ses surplus et doit verser des dividendes.
— Beaucoup de pourquoi et assez peu de parce que. Aussi, je serais tenté de répondre : parce que pourquoi pas !
Quoiqu’il en soit, il y a pour le moment plus d’énergie électrique produite au Québec qu’il n’y a de demande. Le prix du marché est moins favorable qu’il n’était. Malgré le caractère plutôt nocif pour l’environnement — une bombe à retardement en matière de changements climatiques — des énergies électriques produites à partir de matières fossiles ; cela dure, perdure et s’accroit notamment en Chine, en Indes et aux États-Unis notamment. Il est justifié d’utiliser notre électricité.
D’autre part, l’électricité produite à partir de l’eau ou à partir du vent ne se stocke pas, donc on ne peut pas maintenir des réserves, on ne peut seulement que limiter la quantité fournie, si ce n’est que moins nous produisons malgré la capacité et plus le coût augmente intrinsèquement.
D’autre part encore, nous avons besoin d’un secteur industriel puissant. Personnellement, je suis et j’ai toujours été « supporter » de l’industrie et de tout ce qui touche à la transformation. Je ne saurais à ce titre être contre des mesures qui supportent le maintien des industries déjà présentes sur le terrain. Tout comme le déploiement d’industries de seconde, troisième et quatrième transformation (produits finis). Une maitrise de tout le processus serait un atout profitable à moyen-long terme pour le Québec ; comme cela apporte une valeur fondamentale : l’expertise qui lorsqu’elle n’est pas valorisée se perd innéluctablement.
Je rejoins quoiqu’il en soit le point de vu de Jacques Saint-Cyr, à l’effet que l’effort concédé par l’État ne doit pas dispenser les industriels de s’engager sur la voie de la modernisation, de la mise-à-niveau des installations. Lorsque les alumineries longtemps dominantes sur ce marché sont un peu restées sur les acquis. Même avec la fourniture d’énergie bon marché, elles pourraient tout aussi bien finir par fermer fautes d’investissements.
C’est pourquoi les efforts doivent être partagés. Usuellement un partage bien fait, résulte d’une politique de concertation. Reste à savoir si nous avons actuellement le type de gouvernance adéquat pour conduire avec soin, dans l’accord et avec diligence à ce type de concertations. Dans concertation, on trouve le mot concert, il n’est pas d’excellents concerts sans au pupitre un excellent maestro.