Les taux d’intérêt resteront-ils bas ?

Les taux d’intérêt remonteront probablement de 1 % ou 2 %, mais pas plus. Bonne nouvelle pour les emprunteurs (y compris les États), moins bonne pour les épargnants et les caisses de retraite.

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Photo : Getty Images

Depuis 20 ans, le taux d’intérêt porté par les obligations à échéance de 10 ans du gouvernement du Canada a continuellement diminué. Le graphique ci-dessous montre qu’il est passé de 8 % en 1995 à 2,25 % en 2014. Comme le coût de la vie augmente lui-même à peu près de 2 % par année depuis 1995, l’intérêt gagné annuellement est aujourd’hui à peine suffisant pour protéger les détenteurs de ces obligations contre l’érosion par l’inflation du pouvoir d’achat de leur patrimoine.

Le phénomène est mondial. Les taux sur les obligations d’État de référence ont baissé de façon très semblable dans tous les pays riches. Par con­séquent, si on veut comprendre le phénomène, il faut l’analyser dans le contexte mondialisé des marchés financiers.

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Comment interpréter cette glissade persistante des taux d’intérêt ? Le Dépar­te­ment des études du Fonds monétaire international (FMI), dirigé par l’économiste français Olivier Blanchard, a récemment proposé une explication en trois volets.

En premier lieu, la croissance accélérée des pays « émergents », principalement la Chine et les pays exportateurs de pétrole, a engendré une augmentation magistrale de l’épargne mondiale. Pour trouver des clients prêts à emprunter tout cet argent, les institutions financières ont dû abaisser les taux d’intérêt. La loi de l’offre et de la demande a joué à plein.

En deuxième lieu, les investisseurs se sont dirigés massivement vers les actifs jugés les plus sûrs, comme les obligations d’État américaines, canadiennes et autres. Apeurés par la crise financière qui a frappé l’Asie en 1997, les pays émergents ont engrangé énormément de réserves liquides sous cette forme. Puis, le risque perçu des placements en Bourse et dans l’immobilier s’est vivement accru par voie de conséquence de la crise des actions technologiques de 2000 et de la crise immobilière et financière de 2007-2008. Les fonds privés se sont donc, eux aussi, déplacés du côté des obligations d’État, ce qui a accentué la baisse des taux d’intérêt pour ces titres.

En troisième lieu, la crise financière de 2008 et la récession de 2009 ont freiné l’investissement des entreprises et des États. L’analyse historique a permis de constater qu’à la suite de telles crises l’investissement reste déprimé pendant plusieurs années. La loi de l’offre et de la demande a encore joué : la demande de fonds pour financer l’investissement s’étant affaiblie, les taux d’intérêt ont baissé.

Les analystes du FMI sont d’avis que, dans les années à venir, les taux d’intérêt pourraient remonter de 1 % ou 2 %, pour s’établir à 3 % ou 4 %. Il est vrai que l’inondation de fonds prêtables en provenance des pays émergents a commencé à se résorber. Mais la demande d’actifs sûrs sera soutenue par l’obligation que les nouvelles réglementations font aux institutions financières de détenir plus d’actifs liquides sans risque.

En somme, selon le FMI, si l’inflation reste à 2 %, une remontée des taux d’intérêt sur les obligations d’État à 3 % ou 4 % est prévisible, mais pas plus. Le coût des emprunts hypothécaires et des prêts à la consommation (automobiles, etc.), le coût du capital pour les entreprises et le service de la dette des États devraient rester modérés. Par contre, nous ne pourrons pas compter sur des rendements mirobolants pour valoriser notre épargne destinée à la retraite. Pour éviter les déficits, les caisses de retraite, surtout celles qui offrent des prestations garanties, devront donc maintenir des taux de cotisation passablement élevés.

Il nous faudra épargner plus.