
Philippe Couillard a mis la table : l’état des finances publiques est lamentable et la situation est aussi alarmante qu’en 1982 et en 1997, deux années où les gouvernements québécois ont dû prendre des mesures exceptionnelles pour stopper l’hémorragie et éviter la décote des agences de notation.
Le gouvernement doit évidemment couper ses dépenses, et l’on sait que les coupures à venir devront être considérables. Le ministre des Finances parle même d’un mini-budget en novembre et de l’élimination de crédits d’impôt destinés aux entreprises pour le début de 2015 afin de récupérer des centaines de millions de dollars.
Mais il y a aussi de sérieux problèmes en ce qui concerne les revenus, et rien de tel que le bulletin mensuel sur l’état du marché du travail pour constater que l’économie ne crée pas beaucoup d’emplois.
Le communiqué de Statistique Canada dit qu’au mois d’août, l’emploi a peu varié et que le taux de chômage s’est maintenu à 7 % au pays. Il a même baissé au Québec, passant de 8,1 % à 7,7 %, malgré l’ajout d’à peine 4 100 emplois — tous à temps partiel. Une diminution importante de la population active (-14 000) explique cette baisse du taux de chômage qui ne leurrera personne.
Il y a une faiblesse dans le marché du travail au Québec qui se reflète par la grande place occupée par l’emploi à temps partiel. Entre 2009 et 2013, le Québec a accaparé 44 % des nouveaux emplois à temps partiel au pays.
Certains considèrent que le fait de travailler à temps partiel est un choix personnel qui reflète la plus forte participation des femmes sur le marché du travail, et une sorte d’aspiration naturelle au plaisir de vivre propre aux Québécois.
Je veux bien le croire, mais ce n’est pas ce que je constate dans les données de Statistique Canada pour l’année 2013. Pour 26,8 % des Québécois qui travaillent à temps partiel, travailler moins d’heures est un choix personnel, contre 26 % pour l’ensemble des Canadiens.
Beaucoup de travailleurs québécois travaillent à temps partiel parce qu’ils n’ont pas le choix. Ces gens-là sont proportionnellement plus nombreux au Québec que chez les autres Canadiens. Jusqu’à 36,1 % des Canadiens qui n’ont pas trouvé un emploi à temps plein en 2013 proviennent du Québec, et cela n’a rien à voir avec les valeurs personnelles.
Je ne juge absolument pas les raisons personnelles qui pourraient faire qu’une personne décide de travailler moins d’heures par semaine. J’ai juste peur qu’on occulte la faiblesse du marché de l’emploi et la grande difficulté de notre économie à créer des jobs pour en faire une question de choix et de comportement individuels.
On ne peut pas nier que le travail à temps partiel a des répercussions sur la création de la richesse et les revenus fiscaux des gouvernements. Il y a 148 000 Québécois qui travaillent moins de 15 heures par semaine, et 543 000 autres qui travaillent de 15 à 29 heures par semaine. Ces personnes gagnent forcément moins, consomment moins et paient aussi moins de taxes et d’impôts.
Sur une base annuelle, les Québécois travaillent 67 heures de moins que les Ontariens, soit l’équivalent d’une semaine et demie par année. Si cet écart était comblé et si on rémunérait ces heures au taux horaire moyen du Québec (22,52 dollars), cela se concrétiserait par des revenus supplémentaires par employé de plus de 1 500 dollars par année.
À vue de nez, cela veut aussi dire que le gouvernement du Québec se trouve privé de revenus fiscaux de l’ordre de 500 dollars par travailleur.
Voilà des revenus que Carlos Leitao et Martin Coiteux aimeraient bien avoir dans les coffres de l’État.
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À propos de Pierre Duhamel
Journaliste depuis plus de 30 ans, Pierre Duhamel observe de près et commente l’actualité économique depuis 1986. Il a été rédacteur en chef et/ou éditeur de plusieurs publications, dont des magazines (Commerce, Affaires Plus, Montréal Centre-Ville) et des journaux spécialisés (Finance & Investissement, Investment Executive). Conférencier recherché, Pierre Duhamel a aussi commenté l’actualité économique sur les ondes du canal Argent, de LCN et de TVA. On peut le trouver sur Facebook et Twitter : @duhamelp.
La création d’emplois est une obsession que partage nombre de premiers ministres et autres chefs de gouvernements dans divers endroits de la planète actuellement. Hors ce qui ralentit la création d’emplois, c’est précisément ce que coûte le travail. Hors la rémunération est intrinsèquement reliée à ce que coûte la vie. Hors les revenus des États sont intrinsèquement liés et proportionnellement liés à ces sommes d’argent et par ces sommes d’argent.
Hors si taxer permet de faire progresser les rentrées d’argent, trop de prélèvements réduisent la création d’emplois puisque le coût de la vie augmente. Beaucoup de revenus sont calculés aussi en fonction des prélèvements et c’est encore le cas, même pour cette « panacée universelle » qu’on appelle : le salaire minimum.
Hors, beaucoup de gens dans beaucoup de professions sont attachés à leurs privilèges et ne veulent pour rien au monde s’en départir. En même temps, les États et autres paliers de taxation, ont besoin de ces privilégiés qui assurent l’essentiel de l’assiette fiscale.
En cette occurrence, le fin mot, c’est : « la croissance ». Par le truchement de celle-ci, il est possible de ménager ceux qui contribuent le plus, tout en permettant à plus de monde d’avoir accès à la société de consommation. La chose serait en partie vraie sans doute, si la démographie venait supporter cette propension et si simultanément on s’engageait sur une longue période de stabilité. Notamment au niveau des prix, mais encore au niveau des rémunérations, tout particulièrement des plus hauts revenus.
En somme pour réunir les conditions d’une croissance harmonieuse, il faudrait geler la croissance des revenus, geler la croissance des prix (donc l’inflation) et geler les revenus de l’État. En quelques sortes, la décroissance de certains paramètres favorise et permet la croissance d’autres paramètres. Ce sont des données éco-systémiques.
Elle ne date pas d’hier cette inquiétude face aux finances publiques, au déficit, à la dette, à la décote due à cette sacrée peur des agences dites de «notation» dont l’incapacité à prédire l’avenir est bien connue et dont l’aptitude à n’intervenir que quand le mal est fait, et encore, est aussi proverbiale que l’arrivée tout aussi tardive des «carabinieri» italiens.
Cela dure depuis au moins 1972 avec le «vivre selon ses moyens» de Raymond Garneau alors ministre des Finances. Cela fut suivi du «siffler la fin de la récréation» de Jacques Parizeau en 1977.
Puis revint Robert Bourassa avec mandat de «remettre de l’ordre» avec Gérard D. Lévesque (Bourassa était-il vraiment sérieux?) aux Finances en 1986 qui dit qu’il faut arrêter d’emprunter «pour payer l’épicerie».
La suite des choses étant plus proche dans nos mémoires, est-il utile d’en rappeler encore la chronologie?
Et pendant tout ce temps prétendument troublé par les déficits et la dette, on se lança dans toute espèce de dépense, de programme. de projet tout aussi coûteux et mal financés les uns que les autres. Un gel par çi; un autre gel par là; un petit milliard (qui monte à plus de deux) pour les garderies. Presque autant pour le congé parental et l’assurance médicaments ainsi que le machin dit «équité salariale». Et pour finir avec la procréation assistée tout azimut.
Et pourtant, les auteurs de tout cela sont exactement les mêmes gens qui appelaient à «vivre selon nos moyens», «sifflaient la fin de la récréation», disaient cesser d’emprunter pour «l’épicerie», qui avaient une peur bleue de la «décote», etc.
Si, pendant plus de 40 ans, nous avons eu droit à ce que Cioran appelait en politique les «fanfarons et discutailleurs», est-ce que cette fois sera la bonne?
Vrai que maintenant, il y a l’inquiétant ministre Coiteux qui a l’air tout à fait impatient d’appliquer à la lettre une idéologie qu’il a eu amplement le temps d’illustrer dans ses multiples commentaires précédant son atterrissage en politique active.
Au vu de ce qui a suivi le «discutaillage» durant toutes ces décennies, vous ne pensez pas qu’on peut légitimement se poser la question?
Vous dîtes que ça fait plus de quarante ans qu’on vit au dessus de nos moyens! 40 ans de gaspillage, de procrastination et de pelletage par devant. Pas étonnant que la situation soit si critique.
Quelques différences majeures entre maintenant et 1972, à cette époque l’immense cohorte des boomers entrait dans ses années productives et les infrastructures étaient flambant neuves!
Autrement dit cette fois plus de marge, plus de sauveur à moins d’une manne inattendue d’Anticosti
Dire que les grandes banques canadiennes transitent des centaines de milliards par année dans leurs holdings Offshore … Il faudrait commencer par étudier ces structures d’évasion avant de piger toujours dans les même poches …