L’auteur est économiste et chef de l’investissement du cabinet de gestion patrimoniale CEOS Family Office. Outre une carrière internationale en finance, il a été impliqué en politique comme député et chef de parti à l’Assemblée nationale. Son parcours inclut également la direction du Chantier de l’économie sociale.
Au Québec, comme partout dans le monde, la COVID-19 a eu des effets catastrophiques sur l’économie. Pertes d’emplois par centaines de milliers, entreprises fragilisées, collectivités marquées pour longtemps par des éclosions de coronavirus trop nombreuses et trop souvent fatales.
En réponse à cette crise historique, des comités locaux, régionaux et nationaux ont été mis sur pied afin de relancer ce qui peut l’être et de rebâtir le reste. La tâche est immense ; jamais une contraction économique n’avait été aussi rapide et sévère depuis que des statistiques existent à cet égard. Mais, dans toutes ces initiatives bien médiatisées, un joueur fondamental est trop souvent ignoré. Jetons d’abord un œil à son profil :
Une force économique : Avec un PIB combiné de près de 50 milliards de dollars dans l’économie du Québec, il représente plus que la construction, plus que l’aéronautique, plus que le secteur des ressources naturelles.
Un créateur d’emplois : Avec plus de 200 000 emplois dans tous les secteurs économiques et toutes les régions du Québec, il est partout présent et actif sur le territoire.
Un acteur pérenne : Son taux de survie est plus du double de celui du secteur privé dans son ensemble (plus de 40 % de survie après 10 ans comparativement à environ 20 % pour les entreprises privées traditionnelles).
Un mobilisateur de forces vives : Il crée des entreprises basées sur la mobilisation et sur la réponse directe à des besoins, qu’ils soient locaux ou plus mondiaux.
Un joueur autonome : Il n’est ni contrôlé par le secteur gouvernemental ni soumis aux diktats du rendement aux actionnaires. Il crée des entreprises autonomes qui bénéficient d’une gouvernance démocratique et assurent certaines valeurs.
Quel est donc ce joueur ? Il s’agit de l’entrepreneuriat collectif (aussi appelé « économie sociale »), soit toutes ces entreprises dont la forme juridique est collective, incluant les coopératives, les OBNL et les mutuelles. On ne parle pas ici d’organismes communautaires, qui font aussi un travail inestimable, mais bien de business avec des plans d’affaires et qui doivent avoir plus de revenus que de dépenses pour survivre, comme n’importe quelle entreprise de type « inc. ». Les personnes qui gèrent ces entreprises ont besoin, chacune dans son contexte, des mêmes talents que les DG vedettes d’entreprises cotées en bourse, c’est-à-dire qu’elles doivent elles aussi bien connaître leur marché, bien gérer leur personnel, maîtriser leurs ressources financières et faire preuve d’innovation pour se développer.
Une image à corriger ?
Les préjugés qui affligent l’entrepreneuriat collectif sont encore trop nombreux. Hormis les éléments mentionnés ci-dessus qui viennent déboulonner certains mythes, plusieurs stéréotypes sont souvent avancés qui discréditent injustement ce mode de développement. « Ce sont des entreprises secondaires de petite taille. » Faux. Au-delà du PIB gigantesque précédemment mentionné, la taille individuelle des entreprises coopératives au Québec est proportionnellement plus grande que les entreprises « inc. » en nombre d’employés. Ou encore « ces entreprises s’occupent de ce que personne d’autre ne veut faire ». Re-faux. Parlez-en à Desjardins (finance), à la Coop fédérée (agroalimentaire), à la Société de développement Angus (promotion immobilière), à l’hôtel du Monastère des Augustines (nommé meilleur au monde dans son domaine par le National Geographic Traveler) et à tant d’autres leaders dans leur domaine qui sont de forme juridique collective. Le secteur de l’aviation pourrait aussi très bientôt avoir son champion grâce à la Coopérative Treq, qui vise à relier les régions du Québec à un prix abordable sans être soumise à des transporteurs qui visent d’abord la maximisation des profits.
Nos leaders et innovateurs collectifs, chacun dans son domaine, se démarquent bien au-delà de nos frontières et ils ont beaucoup à apporter à la relance du Québec. Nous sommes d’ailleurs une référence mondiale en entrepreneuriat collectif. Le Chantier de l’économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), grands promoteurs de ce mode de développement économique inclusif, reçoivent chaque année des délégations internationales qui viennent étudier cette part significative du modèle québécois. Le fait que notre grand nombre d’entreprises collectives ait contribué à ce que le Québec traverse mieux la récession de 2008 que d’autres États sur la planète n’est pas passé inaperçu. Ce n’est pas non plus un hasard si nous jouissons de l’une des sociétés les plus égalitaires au monde. Cet esprit collectif vaut de l’or, en temps de crise comme en temps plus normal.
Heureusement, on observe un certain changement générationnel qui semble vouloir faire plus de place à l’entrepreneuriat collectif aux grandes tables décisionnelles, aux côtés des toujours essentiels secteurs gouvernemental et privé. Ce n’est sans doute pas étranger au fait que l’économie sociale demeure très proche des valeurs du développement durable, qui allie aux impératifs économiques du monde des affaires les aspects social et environnemental.
À l’annonce de l’initiative Relançons MTL, la ministre fédérale du Développement économique, Mélanie Joly, a pris la peine de spécifier que la relance ne devait pas être déconnectée de la réalité sur le terrain. Or, qui est mieux placé que les porteurs de projets — justement issus des besoins du « terrain » — pour assurer une bonne partie de cette connexion ? Que l’on parle de cette initiative précise ou de toutes les autres, faire une place importante à l’entrepreneuriat collectif serait en soi une assurance d’une meilleure connexion avec de nombreux acteurs sur le terrain. Des acteurs qui, souvent loin des projecteurs et des galas, mobilisent et construisent pour répondre directement à des besoins concrets et créer du beau qui durera dans le temps.
Il serait donc grand temps d’inclure automatiquement et explicitement l’entrepreneuriat collectif dans tous les grands forums de concertation économique, de le reconnaître à sa juste valeur et, pourquoi pas, d’en nommer des leaders aussi reconnaissables que les « dragons » pour inspirer la relève. Les relances n’en seraient que plus rapides. Au fait, à quand une émission de télé sur les « dragons collectifs » ?
Totalement d’accord ! Il y a tellement plus que la construction et l’économie « dure ». Le communautaire, le social, c’est ce qui tient la société.
Je ne sais pas si une émission des « dragons collectifs » faite sur le modèle de divertissement des « dragons pas collectifs » serait une voie intéressante pour faire la promotion de l’entreprenariat collectif qui selon moi devrait effectivement profiter de plus de visibilité et d’un cadre financier dédié, public et bien diffusé pour soutenir la création de nouvelles entreprises.
Les propos de monsieur Aussant sont pour moi de la musique à mes oreilles. J’aimerais pourtant apporter un bémol à ses mots, lorsqu’il écrit : « Ce n’est pas non plus un hasard si nous jouissons de l’une des sociétés les plus égalitaires au monde ». L’égalitarisme au Québec m’apparaît comme relevant plutôt du fantasme que d’une réalité tangible que nos pourrions observer à chaque jour. Entre être un peu moins pauvre ou ne pas être très pauvre, la nuance est faible. Cela ne signifie pas que notre richesse soit répartie équitablement, ni qu’elle soit utile au développement et au bien-être de tout un chacun.
Il y a toujours des gens pour prendre leur désirs pour une réalité. C’est encore la meilleure façon pour s’assurer de ne pas grandir. Always smaller seems so marvellous!
Le secteur de l’économie sociale au Québec à la capacité et l’expertise de contribuer au développement économique du Québec . Dans un moment de crise comme aujourd’hui l’économie sociale pourrait jouer un rôle positif dans la relance économique du Québec . Le gouvernement du Québec doit inclure l’économie sociale comme un partenaire dans cette relance au même titre que les entreprises privées et les syndicats. L’économie sociale doit être la 4e roue de la voiture représentant le Québec . Les trois autres sont l’état, le patronat et les syndicats .
Dans le même ordre d’idées, il faut mentionner la Caisse d’économie Solidaire Desjardins qui est très très implliquées dans l’économie sociale. C »est au coeur de son mandat.
Vous voulez participer à l’essor de l’économie sociale, transférer vos économies à la Caisse d’Économie Solidaire, ça ne fait pas mal et ça rapporte à la Caisse et à vous.