Vous deux, c’est du sérieux. Ça discute de maison, d’enfants, peut-être même de mariage. Mais avant de vous engager davantage, assurez-vous que votre tendre moitié n’a pas de « bibitte », conseille le planificateur financier Fabien Major. « Certains couples passent des tests pour les infections transmises sexuellement. Pourquoi ne pas vérifier le dossier de crédit ? »
Intense, vous dites ? Il n’est pourtant pas le seul à faire cette suggestion. L’un des exercices que propose la thérapeute financière Kristy Archuleta lors de ses consultations avec des couples sur le point de s’engager plus sérieusement est de demander à chaque personne d’exposer son dossier de crédit. « C’est jouer cartes sur table avec l’autre ; on montre tout ce qui nous suivra dans la relation », dit la professeure à l’Université de Géorgie.
Après tout, la carte de crédit bien remplie et le prêt automobile que l’un des deux traîne depuis des années auront assurément une incidence sur le couple. À un certain moment, il faudra déterminer s’ils relèvent d’une responsabilité individuelle ou commune. « C’est une conversation importante à avoir », assure Kristy Archuleta.
Mieux vaut tenir cette discussion avec un professionnel pour nous guider, conseille la planificatrice financière Julie Gauthier, de Gestion financière MD. La clientèle de son organisation, composée uniquement de médecins et de leurs proches, est sujette à avoir des dettes d’études particulièrement imposantes.
« Certains couples vont désirer très rapidement mettre tout ensemble, observe-t-elle. Lorsque c’est le cas, le planificateur est là pour protéger la personne qui n’est pas endettée. » Celle-ci serait en effet perdante en cas de séparation, car il est peu probable que l’autre lui redonne l’argent payé pour rembourser sa dette, à moins qu’une entente écrite n’ait prévu cette éventualité.
D’autres couples vont déterminer que les dettes qui précèdent la relation sont la responsabilité de la personne qui les a contractées. « Dans ce cas, on risque d’avoir un déséquilibre dans l’enrichissement des partenaires. Ou de devoir reporter la réalisation de projets communs, dit Julie Gauthier. Il faut en être conscient. »
Après avoir réglé le passif, il faut réfléchir aux actifs ; ceux qui précèdent la formation du couple, et ceux qui ont été accumulés depuis.
Comme pour les dettes, les membres du couple sont libres de déterminer quoi faire des avoirs qu’ils possédaient avant de se rencontrer et d’établir des ententes advenant une séparation. Pour ce qui est des biens acquis depuis le début de la relation, tout dépend du type d’union que vous désirez : union libre, union civile ou mariage.
Si vous préférez l’union libre (conjoints de fait), sachez qu’aux yeux de la loi, c’est chacun pour soi. En cas de rupture, chaque partenaire repart avec ce qui lui appartient, et c’est le nom sur les factures qui en fait foi. Pour assurer un partage plus équitable des actifs, tous les experts consultés pour ce dossier recommandent de signer un contrat de vie commune. Hélas ! moins de 20 % des couples québécois en union libre prennent cette précaution, révèle un sondage de la Chambre des notaires réalisé il y a quelques années.
Produire un tel document est pourtant facile et rien ne vous empêche de le faire vous-même, précise l’avocate Dominique Barsalou. L’actualité met d’ailleurs à votre disposition un contrat type révisé par des professionnels. Il suffit de le remplir, puis de le signer devant témoins. L’idéal demeure toutefois de consulter un notaire ou un avocat, surtout si vous avez une situation familiale complexe, tels des enfants issus d’une union précédente.
Pour les couples qui optent pour l’union civile ou le mariage, c’est la notion de patrimoine familial qui s’applique. En gros, la valeur des actifs nécessaires à la vie de famille accumulés pendant l’union (maison, auto, REER, etc.) est divisée entre les deux ex.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucune discussion à avoir. Plusieurs types d’actifs, comme le contenu d’un CELI ou une voiture de collection (!), sont exclus du patrimoine familial. Leur partage sera alors déterminé selon le régime matrimonial choisi par le couple. S’il s’agit de la société d’acquêts — le régime qui couvre la plus grande variété d’actifs —, le CELI et la voiture de collection seront partagés au moment du divorce. S’il s’agit de la séparation de biens, ce ne sera pas le cas. Notez que d’autres exceptions s’appliquent, et qu’il vaut mieux consulter un avocat pour bien comprendre toutes les nuances qui viennent avec les mots « oui, je le veux ».
Imaginons par exemple qu’après neuf ans d’union libre, vous avez convaincu votre tendre moitié de vous épouser. Félicitations ! Sachez cependant que le patrimoine familial s’accumule uniquement à compter de la date du mariage ou de l’union civile. Ainsi, la maison où vous habitez avec votre famille a beau avoir été acquise au début de votre vie commune, il y a neuf ans, seule la valeur accumulée à partir de la date du mariage sera incluse dans le patrimoine familial.
Une solution consiste à signer un contrat stipulant que le patrimoine familial s’accumule depuis le début de la vie à deux, suggère l’avocate Dominique Barsalou. Il en va de même pour les ententes de vie commune : la protection commence à la date spécifiée dans le contrat.
Infidélité financière
Si vous avez une carte de crédit ou un compte bancaire dont votre âme sœur ignore l’existence, vous n’êtes pas unique. Un Canadien sur six vivant en couple a des secrets financiers, selon un sondage Léger effectué en 2020 pour le site d’information financière rates.ca. Pour près de la moitié d’entre eux, la somme en jeu dépasse 1 000 dollars. Et dans un cas sur cinq, c’est plus de 10 000 dollars. Prenez garde : s’il s’agit d’une dette, son existence risque d’être dévoilée par votre dossier de crédit le jour où votre couple souhaitera obtenir un prêt, notamment à l’achat d’une maison.
Cet article a été publié dans le numéro de mars 2022 de L’actualité, sous le titre « S’engager… en toute connaissance de cause ».