Québec, ville reine

Québec et Vancouver ont dominé la croissance économique au Canada de 2001 à 2018, montrent les données sur le PIB par habitant d’âge actif. Une analyse de l’économiste Pierre Fortin.

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Peu importe le pays, l’activité économique se concentre dans quelques grandes villes seulement. Le Canada comprend 11 régions métropolitaines de plus de 500 000 habitants. En 2018, avant la pandémie, leur activité a compté pour 1 269 milliards de dollars, ou 61 %, sur un PIB canadien total de 2 083 milliards. Le PIB est une estimation de la valeur de tous les biens et services produits annuellement sur le territoire. On la sait imparfaite, mais de toutes les mesures du revenu national dont nous disposons, elle reste la moins mauvaise.

Pour envisager l’avenir, il est instructif de comparer la croissance économique de ces 11 agglomérations depuis une vingtaine d’années. Lesquelles sont des guépards et lesquelles sont des tortues ? Pas vraiment celles que vous croyez, sans doute…

D’abord, ce qui doit être comparé, ce n’est pas le PIB total des villes, mais leur PIB par habitant d’âge actif (de 15 à 64 ans). Le problème avec le PIB total, c’est qu’il augmente chaque fois que le nombre de personnes de 15 à 64 ans grossit, même si elles ne produisent rien de plus en moyenne. Le PIB par habitant de 15 à 64 ans, lui, ne peut progresser que si les personnes de cette catégorie d’âge produisent plus en moyenne. C’est ce dernier concept qui mesure la capacité véritable d’une population à créer la richesse et le dynamisme réel d’une région.

Le graphique compare donc la croissance cumulée du PIB par habitant de 15 à 64 ans dans les 11 régions métropolitaines de plus de 500 000 habitants du Canada au cours des années prépandémiques de 2001 à 2018. Chaque région comprend sa ville centrale et sa périphérie immédiate. Par exemple, Toronto inclut Mississauga et Brampton, entre autres ; Montréal compte notamment Laval et Longueuil ; Vancouver englobe Surrey et Burnaby ; et Québec est liée à Lévis (mais pas à la Beauce !).

La comparaison est sans équivoque : ce sont Québec et Vancouver qui ont dominé la croissance économique au Canada de 2001 à 2018. Leurs PIB par habitant d’âge actif ont augmenté respectivement de 41 % et de 36 %. Viennent ensuite cinq agglomérations, dont Calgary et Montréal, qui ont affiché une croissance cumulée de 20 % à 22 %. Les quatre dernières, dont Edmonton et Ottawa-Gatineau, ont enregistré des croissances de 16 % ou 17 %.

Source : Statistique Canada

Trois constats en ressortent. Premièrement, ce ne sont plus les grandes villes de l’Ontario et de l’Alberta qui dominent comme autrefois la croissance économique par habitant au Canada, mais bien celles du Québec et de la Colombie-Britannique. Le graphique montre que Calgary, Ottawa-Gatineau, Toronto, Kitchener-Waterloo et Edmonton occupent les cinq derniers rangs, tandis que Québec, Vancouver et Montréal se sont emparées des trois premiers.

Une analyse plus poussée que j’ai effectuée pour des régions métropolitaines de plus petite taille (de 100 000 à 500 000 habitants), lesquelles incluent Sherbrooke, Saguenay, Trois-Rivières, Victoria, Kelowna et Abbotsford, permet de confirmer que la croissance économique dans les villes a été globalement plus rapide au Québec et en Colombie-Britannique qu’en Ontario et en Alberta.  

Deuxièmement, être plus riche au départ n’assure pas du tout une croissance supérieure à la moyenne. Au contraire, la croissance a été plutôt médiocre dans les quatre villes qui étaient les plus riches en 2001, soit Calgary, Edmonton, Toronto et Ottawa-Gatineau. Concédons que, comme dans une course cycliste, il était un peu plus facile pour Québec, Vancouver et Montréal de suivre les meneurs que pour ces derniers de se détacher du peloton. De 2001 à 2018, l’avance des quatre leaders n’a jamais été éliminée, mais elle a nettement diminué.

Troisièmement, il n’existe pas de lien systématique, positif ou négatif, entre la croissance du PIB par habitant et l’immigration. Aux dernières nouvelles, les immigrés formaient 49 % de la population à Toronto et 7 % à Québec, mais la croissance par habitant de 2001 à 2018 a été deux fois et demie plus rapide à Québec qu’à Toronto. À l’inverse, à Vancouver, le poids important de la population d’immigrés (45 %) n’a pas empêché la région de connaître une performance économique très supérieure à la moyenne.

La direction future de la croissance économique des villes est évidemment incertaine. Mais on sait d’avance que les gagnantes seront celles qui encourageront l’éducation, la formation et la juste rémunération du travail, qui favoriseront de nouvelles technologies et une organisation du travail humanisantes, et qui s’assureront que l’intégrité de la planète est respectée.

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J’imagine que la croissance du nombre (et pourcentage) de retraités ayant un revenu supérieur à la moyenne affecterait cette analyse ?

Il aurait été intéressant de connaître non seulement le % de croissance du PIB mais le PIB par habitant (18-64 ans) de ces agglomérations en 2001 et en 2018. Merci.

Tout à fait, Madame Lessard.
Une augmentation d’un indice quelconque de 100 à 150 représente une augmentation de 50 %. Si on débute à 200, cette même augmentation ne représente que 25 %. Mais avec un résultat de 250, on demeure mieux nanti qu’avec 150…
Il est dommage que monsieur Fortin ne nous ait pas fourni les données concernant le PIB par habitant.
Je parie que la ville de Québec « régnerait » moins.

Est-ce possible M. Fortin d’obtenir une copie ou un lien vers l’étude des RMR d’envergure plus modeste (Sherbrooke et cie) ?