Les universités québécoises semblent plutôt démunies par rapport à celles du reste du Canada. Dans une étude réalisée en 2021 pour le Bureau de coopération interuniversitaire, j’ai pu estimer que le niveau des ressources de fonctionnement dont ont disposé les universités québécoises juste avant la pandémie, en 2018-2019, révélait un sous-financement de 1,25 milliard de dollars comparativement au niveau observé dans les universités des autres provinces. Des ajustements tenaient compte des différences interprovinciales dans l’aide financière aux études et dans le coût de la vie.
Le problème n’est pas seulement que les ressources étaient globalement inférieures au Québec. C’est aussi qu’elles étaient inégalement réparties entre les établissements québécois eux-mêmes. Le graphique montre qu’en 2018-2019, les quatre grandes universités francophones (Laval, UQAM, Montréal et Sherbrooke) ont disposé d’un niveau de ressources par étudiant inférieur à la moyenne québécoise, tandis que les deux grandes universités anglophones (Concordia et McGill) ont bénéficié au contraire d’un niveau de ressources par étudiant supérieur à la moyenne.
Collectivement, les petits établissements, soit l’Université Bishop’s et les neuf constituantes du réseau de l’Université du Québec autres que l’UQAM, ont eux aussi obtenu un niveau de ressources supérieur à la moyenne ; mais dans leur cas, c’est en raison de la prime compensatoire incluse dans la subvention gouvernementale aux établissements de petite taille.

Pourquoi le revenu de fonctionnement par étudiant des universités anglophones est-il nettement supérieur à celui des universités francophones ? C’est surtout en raison des droits de scolarité très élevés payés par les étudiants internationaux, qui sont, en proportion, beaucoup plus nombreux dans les établissements anglophones que francophones.
D’une part, la politique d’immigration expansive d’Ottawa encourage fortement l’admission d’étudiants internationaux dans les universités canadiennes. Or, il est plus facile pour nos universités anglophones que pour nos universités francophones de recruter des étudiants à l’étranger, parce que le réservoir mondial de jeunes qui comprennent l’anglais au départ (souvent comme langue seconde) est beaucoup plus grand que celui de jeunes qui comprennent le français.
D’autre part, le gouvernement du Québec permet aux universités de percevoir auprès de leurs étudiants internationaux des droits de scolarité qui, en 2018-2019, pouvaient aller jusqu’à 22 600 dollars (pour 30 crédits), en comparaison des droits de base alors limités à 2 500 dollars dans le cas des étudiants résidants du Québec.
Les universités y ont vu l’occasion de contourner le plafond imposé aux droits de scolarité des étudiants locaux depuis le printemps érable de 2012. La combinaison de la politique fédérale de « porte ouverte » aux visas d’études et de la politique provinciale de libéralisation des droits de scolarité pour les étudiants étrangers a eu pour effet de faire exploser le nombre d’étudiants universitaires internationaux, et ce, au net avantage des inscriptions dans les universités anglophones. En 2018-2019, on recensait 45 000 étudiants universitaires internationaux au Québec, soit deux fois plus que 10 ans auparavant. Cette année-là, les universités anglophones ont accueilli 26 % de tous les étudiants du réseau universitaire, mais elles comptaient dans leurs rangs 44 % des internationaux « payants », soit 19 600 sur 45 000.
La conséquence financière est que les universités anglophones ont pu récolter 45 % de tous les droits de scolarité et autres frais perçus par l’ensemble des universités québécoises, soit 600 millions de dollars sur un total de 1,3 milliard. C’est la principale cause de la disparité des ressources entre les grandes universités francophones et anglophones illustrée par le graphique.
Le comportement des universités anglophones n’est aucunement fautif. Elles n’ont fait qu’optimiser leur avantage dans le contexte des politiques simultanément poursuivies par les deux niveaux de gouvernement.
Mais il faudra que nos ministres de l’Immigration, de l’Enseignement supérieur et de la Langue française aient tôt ou tard une franche conversation au sujet des deux conséquences de ces politiques : la disparité des ressources financières entre universités francophones et anglophones, ainsi que la présence massive dans les universités anglophones (le quart des effectifs) d’étudiants internationaux qui sont nombreux à vouloir immigrer ensuite au Québec, mais peu nombreux à comprendre au départ la langue de la majorité linguistique de la nation.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de mai 2023 de L’actualité.
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Paul Brown
Ecrire ses commentaires en français est une marque de respect , même si ses commentaires ne sont pas pertinents.
La langue française n’est pas une maladie ; et c’est une langue qui permets d’exprimer les fines nuances de la pensée.
Concernant le financement inégal des universités anglophones et francophones, je me posais une question concernant les places si rares dans les facultés contingentés comme médecine, physiothérapie, ergothéphie et plus .
Quel pourcentage de ces places vont aux élèves de l’étranger?
Est-ce que les médecins dont nous avons tellement besoin et qui sont formés aux Québec partiront chez eux (avec raison) après leurs formation?
J’ai été traité dans un hôpital universitaire et un interne de Boston a eu besoin d’un préposé pour traduire sa conversation avec un patient du Lac St-Jean !!
Est-ce que je me trompe, ou les étudiants français paient les mêmes frais de scolarité que les étudiants québécois ? Si oui, on pourrait nettement augmenter le revenu des universités francophones au Québec en demandant aux étudiants français de payer les mêmes frais que d’autres étudiants internationaux.
Pourquoi les universités francophones ne peuvent -elles pas optimiser elles aussi « leur avantage dans le contexte des politiques simultanément poursuivies par les deux niveaux de gouvernement ».
Offrir des cours en français en Amérique du nord me semble une offre alléchante pour des étudiants francophones d’Afrique par exemple.
Il y a peut-être plus de demande du coté anglophones mais aussi plus d’offre dans le reste du Canada, aux États-Unis, en Grand-Bretagne, en Inde…
L’offre francophone est bien plus limité. Il y a donc là une opportunité pour le Québec.
Je ne savais pas qu’il y avait cette grande disparité entre les universités anglaises et françaises, et c’est un peu triste de voir ça. J’étais un étudiant international à Concordia, et maintenant je parle français parce que j’ai choisi de vivre et de travailler au Québec. Je pense que ce serait parfait si les universités anglaises et françaises pouvaient travailler ensemble, par exemple en partageant les ressources des laboratoires, et essayer de rééquilibrer leurs capacités autant qu’elles le pouvaient. Je sais qu’il existe un système de partage de bibliothèques au Québec, qui est gratuit pour les étudiants et les facultés, je crois que c’est une très bonne étape, et nous pouvons construire des actions plus positives sur cette initiative. Enfin, étant donné que l’auteur a mentionné les conversations que les politiciens devraient avoir, je voudrais souligner que nous devons toujours être prudents face à l’excès gouvernemental sur l’indépendance académique, et essayer de ne pas avoir d’impacts négatifs sur les étudiants, les facultés, recherches et potentiels.
C’est pas vrai que les Universite anglophones ramasse tout cette argent et meme l’argent reçu par les étudiants international sont redistribués parmi tout les universités anglophones et francophone.