Les garçons accusent un retard scolaire croissant par rapport aux filles. Et pas seulement au Québec, mais un peu partout dans le monde, y compris dans les pays égalitaires du nord de l’Europe.
Le phénomène s’observe depuis longtemps. Déjà en 1992, le Conseil supérieur de l’éducation du Québec constatait que « les filles réussissent mieux, terminent plus nombreuses leurs études secondaires et optent de plus en plus pour des études collégiales et universitaires, alors que les garçons sont plus nombreux à abandonner dès leurs études secondaires et sont également moins nombreux à passer aux études supérieures et à y persévérer ». Dans un avis de 2019, le Conseil s’est de nouveau inquiété des conséquences à long terme de cet écart sur l’équilibre de la société.
Le graphique ci-contre illustre son évolution au Québec depuis 40 ans. Au milieu des années 1980, parmi les adultes de 25 à 34 ans, la même proportion de femmes que d’hommes, soit 31 %, était titulaire d’un diplôme universitaire ou collégial. Mais depuis lors, un fossé de 18 points de pourcentage s’est creusé entre les sexes. C’est maintenant 66 % des jeunes femmes et 48 % des jeunes hommes qui terminent une formation universitaire ou collégiale. La tendance se maintient parmi les tout récents diplômés. En 2020 au Québec, 156 femmes pour 100 hommes ont réussi leurs études collégiales ou de baccalauréat.

Comme la scolarité acquise et le diplôme obtenu sont des facteurs déterminants de la rémunération au travail, la sous-scolarisation des hommes par rapport aux femmes a contribué à faire croître leur salaire moyen deux fois moins vite que celui des femmes depuis 20 ans, soit cumulativement de 17 % contre 36 % (inflation déduite). Il faut se réjouir que cela ait permis aux travailleuses de réduire leur désavantage salarial par rapport aux travailleurs. Toutefois, il est préoccupant que cette amélioration de la position des femmes résulte moins d’une croissance rapide de leur propre salaire que d’une croissance particulièrement lente de celui des hommes.
C’est pour cette raison qu’il faut atténuer l’écart de scolarisation entre les deux groupes, en se donnant comme objectif d’accroître la présence des garçons dans les études postsecondaires.
La recherche contemporaine a cerné bon nombre de causes de cette différence. La neurologie confirme que le développement cérébral lié à la connectivité, à l’attention et au contrôle des impulsions est plus lent chez les garçons que chez les filles, spécialement à l’adolescence. Les garçons manifestent aussi une agressivité naturelle et un goût de l’activité physique et du risque plus prononcés que chez les filles, et ce, dès la petite enfance, révèlent les recherches en psychologie du développement. Ces caractères pourraient jouer contre les élèves chez qui ils sont plus marqués, alors que l’école met l’accent sur des valeurs comme le calme, l’attention, la concentration et la prudence.
De plus, d’autres chercheurs ont noté que de nombreux garçons manquent de modèles masculins et de soutien paternel. Au Québec, les trois quarts des familles monoparentales sont dirigées par les mères, et 70 % des enseignants sont des femmes. Les pères sont en minorité dans les réunions à l’école. À cela s’ajoute le fait que les éducateurs observent que les garçons continuent à être attirés par les emplois manuels traditionnels. Beaucoup croient encore qu’ils ont besoin tout au plus d’un diplôme d’études secondaires ou professionnelles pour avoir accès à de bons boulots dans les vieux secteurs de la production de biens, comme l’industrie manufacturière, la forêt ou les mines, où les emplois ont malheureusement été décimés par l’automatisation et la concurrence asiatique. Des observations semblables ont été faites par de nombreux chercheurs aux États-Unis, en Europe et en Asie.
Un important déséquilibre s’est ainsi créé entre nos garçons et nos filles pendant que nous regardions ailleurs. Il y a maintenant au Québec plusieurs dizaines de milliers d’hommes sous-scolarisés par rapport aux femmes du même âge. Cette inégalité doit sortir de l’angle mort de nos politiques d’éducation. Il faut enseigner aux petits garçons, dès le tout jeune âge, à bien gérer leurs émotions et leurs interactions sociales, tout en valorisant leur force d’affirmation naturelle. Intensifier la présence et l’implication des pères dans leur parcours à l’école et dans la vie. Intéresser les garçons aux professions qui demandent plus de rapports humains. Et, comme en Ontario, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et dans une vingtaine d’États américains, obliger les jeunes à aller à l’école jusqu’à 18 ans s’ils n’ont pas terminé le secondaire avant cet âge.
Cette chronique a été publiée dans le numéro d’avril 2023 de L’actualité.
Il faut enseigner aux petits garçons, dès le tout jeune âge, à bien gérer leurs émotions et leurs interactions sociales??? Il est là le problème…demander au garçons de s’adapter à un système pas fait pour eux qui ne tient pas compte de leur réalité. Pourquoi, au lieu de blâmer les garçons, on ne repenserait pas le système scolaire pour leur faire une meilleure place, adapter les méthodes d’enseignement, au lieu de continuer de leur demander de rester assis sagement pendant toute une journée?? Un enfant intéressé, qu’on vient chercher avec un style d’enseignement plus interactif, où il utiliserait ses forces au lieu de se faire réprimander pour trop bouger, risque beaucoup plus de reussir.
C’est exactement ce que je me suis dit quand j’ai lu la conclusion! Jusque là l’article était intéressant. Si je comprends bien, la solution serait de rendre les garçons comme des filles. J’imagine que c’est en lien avec la nouvelle folie que garçon et fille n’existe pas à la naissance.
Est-ce que la mixité au secondaire nuit aux garçons ? N’est-ce pas une période où les gars entre eux avec des profs masculins, des activités physiques plus nombreuses,plus exigeantes, ne canalliseraient pas mieux leur énergie et leurs hormones ? Ce n’est qu’une question .Il faudra explorer toutes les facettes .
Malheureusement, c’est plus complexe que ça… il ne suffira pas d’éduquer les garçons à gérer leurs émotions et développer leurs habiletés sociales….
Je suis orthophoniste en 6-17 ans, en santé mentale des jeunes.
Naître de sexe masculin prédispose déjà au trouble de langage, au TDAH et au trouble de lecture et d’écriture etc. Et même sans ces diagnostics, les jeunes ont tous des cerveaux différents et apprennent donc de différentes façons. Les besoins: des classes flexibles, comme plusieurs déjà existantes, et un accompagnement par des professionnels (ergothérapeute, orthophoniste, orthopédagogue, psychologue) . Et intervenir rapidement, pas quand il est déjà en échec, avec un estime de soi dans le tapis.
Plusieurs jeunes ont besoin de travailler debout, par terre, chantonner, de faire du vélo d’exercice en travaillant, carbure à des projets concrets avec manipulations d’objets.
Tant que les milieux scolaire et de santé ne considèreront pas que plusieurs jeunes ont besoin d’enseignements différents et adaptés, il y aura des décrocheurs. Et honnêtement, pour leur santé mentale, c’est peut être mieux comme ça. Des jeunes de 11-12 ans que je vois pour la première fois, déprimé, anxieux, d’être en échec, de ne pas y arriver, d’avoir des difficultés à lire 3 mots et on lui demande de lire des textes de 2 pages ! Ça vous donnerait peut être le goût aussi de faire un travail manuel, sans lecture et écriture. Nous montrons aux jeunes qu’il y autant de métiers que de personnes…
Les jeunes n’ont pas à rentrer dans un moule pour apprendre, pas plus les filles que les garçons . Ils ont besoin de se sentir bien, être entouré de bienveillance et de pouvoir marcher la tête haute!
N’oubliez pas que le contexte historique, culturel, politique et économique des années 1980, alors que le destin scolaire des garçons et filles s’est mis à diverger subitement au niveau de la diplomation – j’avais la jeune vingtaine à l’époque, une tendance lourde à cet effet s’était déjà amorcée sur le terrain, j’en ai moi-même beaucoup souffert par la suite –, a quelque chose d’unique au Québec. Cela a cassé net le rapport au masculin dans notre société d’alors qui était à tout point de vue très perturbée et désorientée. Songeons seulement à notre indépendance avortée dans l’œuf de Pâques ! C’est très complexe à analyser rétrospectivement et en regard de l’avenir. Nous ne pouvons qu’en dresser tout simplement le constat statistique pur et dur avec un recul vertigineux de 50 ans. Comme pour la problématique du réchauffement climatique global, qu’il aurait fallu canaliser à la source il y a 250 ans, à l’ère préindustrielle, nous avions été en mesure de nous éviter la catastrophe actuelle qui va aller en se creusant et s’amplifiant toujours davantage, le largage systémique des garçons par la chose scolaire aurait dû être prévenu dès les années 70 alors que cela couvait depuis longtemps, déjà. Je m’en souviens pour l’avoir vécu et subi. Il y a eu beaucoup de générations perdues depuis lors et c’est désormais bien ancré dans le système d’éducation québécois et sa culture qu’il va falloir déconstruire et refaire de zéro, culture de la marginalisation et du rejet réflexe suite à de multiples évaluations négatives provoquant chez les garçons abandons et échecs en cascade qui mènent à un cul-de-sac définitif, pratiquement impossible à rattraper au moment propice.
On se calme. Il y a aussi beaucoup de décrochage chez les filles et de plus, ces dernières raccrochent moins que les garçons et réussissent après beaucoup moins dans la vie qu’eux. Aussi, des dizaines de programmes spécifiques existent pour soutenir les filles en sciences, donc ce n’est pas un succès qui va de soi pour elles. L’école est un cocon où l’on vous prend par la main, certains adorent, d’autre détestent. Les garçons seraient-ils trop créatifs pour aimer l’école? Pendant qu’on pousse des filles à aller étudier en informatique via toutes sortes de programmes (Chapeau les filles, etc), des gars deviennent des génies de l’informatique par eux-mêmes dans leur sous-sol…
L’école est un cocon où l’on vous prend par la main, certains adorent, d’autre détestent…
De mon côté, j’aimerais bien savoir, parmi ceux qui n’ont pas de diplôme d’études supérieures, combien d’entre eux font un retour à l’école plus tard, à une autre étape de leur vie.
Continuer son parcours scolaire est une bonne chose, mais quand on ne sait pas trop ce qu’on veut faire de sa vie, c’est très difficile de continuer ses études puisque la motivation n’est tout simplement pas là et c’est à ce moment que la porte risque de se fermer définitivement. Quelques personnes de mon entourage ont fait un retour aux études plusieurs années après avoir quitté les bancs d’école et elles n’ont aucun problème à persévérer, en dépit des difficultés qu’un retour à l’école peu engendrer, puisqu’elles ont pris le temps de réfléchir et de planifier ce retour.
On pourrait peut-être prendre le temps de dire à nos jeunes qu’un être humain évolue tout au long de sa vie, que les priorités d’aujourd’hui ne seront pas nécessairement celles de demain et que c’est correct de prendre une pause dans son parcours scolaire, pour prendre le temps de réfléchir et se connaître un peu plus.
Il faudrait aussi être en mesure de faire voir d’autres possibilités aux élèves qui « ne rentrent pas dans le moule » pour que leur parcours scolaire ne paraisse pas comme une obligation dans sa plus simple expression.
Tant qu’on peut faire en sorte que les élèves restent curieux, qu’ils ne ferment pas définitivement la porte aux études supérieures et qu’ils comprennent que l’école sera toujours là pour leurs donner les outils dont ils ont besoin pour atteindre leurs buts, ils pourront toujours y retourner lorsqu’ils jugeront opportun de le faire.