Signé Anne-Marie Chagnon

Véritables minisculptures aux formes primitives et inédites, les bijoux d’Anne-Marie Chagnon se taillent une place parmi les articles emblématiques du Québec, à côté des produits de l’érable et du cidre de glace !

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David Chagnon, directeur général de Bijoux Anne-Marie Chagnon (AMC), n’arrive pas à répondre à la demande des délégations du Québec à l’étranger, qui veulent « exposer » les bijoux de sa sœur cadette. « Dans les présentoirs, il y a les produits de l’érable et ses bijoux ! » s’étonne-t-il encore.

Cette visibilité donne un sérieux coup de pouce à la joaillière montréalaise, dont la notoriété s’étend maintenant sur cinq continents. Ses bijoux se vendent dans plus de 500 boutiques indépendantes dans le monde, de New York à Tokyo en passant par Paris.

Même l’émission de télé Paquet voleur, à Radio-Canada, a préparé une question sur la designer : « Dans quel domaine la créatrice québécoise Anne-Marie Chagnon se spécialise-t-elle ? » « J’espère qu’ils n’ont pas répondu : “C’est qui, elle ?” ! » lance la principale intéressée en éclatant de rire.

Vêtue de noir de la tête aux pieds, ses cheveux de jais remontés en petit chignon, Anne-Marie Chagnon déambule dans son atelier. Elle se fraie un chemin parmi les tables et les toiles qui gisent sur le sol pour montrer un croquis par-ci, une pièce fraîchement moulée par-là…

Dans ce grand local inondé de soleil qui lui est réservé à l’arrière de l’atelier de production, dans le quartier Villeray, elle peut laisser libre cours à sa créativité débordante. Bienvenue au royaume de l’essai et de l’erreur. « Je n’ai jamais eu l’angoisse de la page blanche. Mon problème n’est pas de manquer d’inspiration, mais plutôt de la contenir ! »

Les 300 modèles de bijoux qu’elle crée chaque année ne représentent qu’une fraction de tout ce qui mijote dans sa tête. Depuis six mois, elle peint. De gigantesques toiles envahissent son espace de travail. David Chagnon imagine déjà leurs motifs reproduits sur des pendentifs.

Son rôle à lui : vendre ! Il y a un an, Anne-Marie est allée le débaucher chez Bombardier, où il était gestionnaire en stratégie et développement des affaires, pour lui offrir de diriger l’entreprise qu’elle a fondée en 1994 et qui compte aujourd’hui 30 employés.

« J’adore le côté business, mais c’était devenu trop gros pour que je puisse continuer à créer. Il fallait que je confie la gestion à quelqu’un d’autre », dit la femme de 40 ans, maman de deux enfants et dont le conjoint, Jean-Philippe Duval, est réalisateur de la populaire série télévisée Unité 9.

Le secteur du bijou n’est pas facile, admet le PDG. « Il faut faire de la qualité, mais aussi savoir quand s’arrêter, car on ne peut pas augmenter les prix indéfiniment », dit-il. Le prix des bijoux AMC varie de 35 dollars, pour des boucles d’oreilles, jusqu’à 150 dollars, pour un collier. Certaines créations uniques se vendent 1 500 dollars.

Garder la production au Québec est un choix qui reste également difficile. Peu de créateurs de mode et d’accessoires ont persisté dans cette voie. Anne-Marie Chagnon résiste. « Le problème est que pour le même prix, ceux qui font fabriquer en Asie dégagent une plus grande marge de profit, qu’ils peuvent ensuite réinvestir en publicité et en marketing. Il nous reste beaucoup moins pour nous faire connaître », explique David Chagnon.

Anne-Marie Chagnon n’a peut-être pas les moyens de se payer des affiches géantes en bordure de route, mais elle trouve son chemin jusqu’à ses clientes grâce aux mannequins qui défilent sur les passerelles et aux vedettes qui foulent les tapis rouges ou figurent dans les magazines féminins et les séries télévisées. Sa stratégie : se faire connaître auprès des acteurs importants de la mode.

Chaque année, elle organise des présentations privées pour les stylistes et les costumiers qui habillent les vedettes du petit écran et les personnalités médiatiques. Mariloup Wolfe, Pascale Montpetit, Édith Cochrane, Pauline Marois et Anne-Marie Dussault ont toutes porté un bracelet ou un collier AMC. L’un d’eux s’est retrouvé sur le tapis rouge des derniers oscars, au cou de l’actrice américaine Breeda Wool (Dandelion Fall, The Masterpiece, Craters of the Moon).

Dans les milieux artistiques, il est de bon ton de porter un bijou AMC. D’autant que la jeune designer est aussi connue pour son engagement social. Elle signe notamment la collection spéciale de sept « bijoux porteurs d’espoir » et fait un don destiné à la recherche sur le cancer de l’ovaire pour chaque article vendu.

Ses bijoux séduisent aussi par leur caractère unique et artisanal. Pour fabriquer ses pièces, Anne-Marie Chagnon utilise une technique vieille comme le monde, la cire perdue, qu’utilisait le célèbre Rodin pour réaliser ses sculptures de bronze. Chaque pièce est d’abord sculptée dans la cire, qui sert ensuite à créer un moule dans lequel on coule de l’étain, matériau de base de la marque AMC. Depuis quelques mois, des artisans coulent l’étain dans les locaux mêmes de l’entreprise, qui se situent dans une ancienne usine de textile de la rue Casgrain.

Quand elle a commencé, en 1994, la jeune étudiante qui souhaitait payer ses études en arts visuels en vendant ses bijoux au pied du mont Royal ne se doutait pas qu’elle dirigerait un jour un atelier de fonderie ! C’est son père, lui-même entrepreneur, qui lui a donné l’idée de fabriquer des moules pour gagner du temps. « Il m’a dit : “Je vais te prêter 1 000 dollars.” Je pense qu’il était un peu découragé pour moi ! » raconte-t-elle.

Ces premiers 1 000 dollars lui ont permis d’acheter l’équipement nécessaire et de répondre à la demande, qui ne cessait d’augmenter. En 2003, le Cirque du Soleil lui confie la création de bijoux exclusifs pour le spectacle Zumanity, à Las Vegas. Ce partenariat se poursuit encore après plus de 10 ans. Chaque année, une collection exclusive signée AMC est offerte dans les boutiques du Cirque.

AMC n’a plus de frontières. La moitié de son chiffre d’affaires — qu’elle préfère garder secret — est réalisée sur le marché international. Récemment, la marque a fait son entrée en Russie, et l’objectif est d’augmenter sa présence en Chine. En 2010, AMC a représenté le Canada à l’Exposition universelle de Shanghai. « Nous voulons devenir une marque internationale », confient les deux Chagnon à l’unisson.