S’inspirer du CH pour être performant au travail

Qu’ont en commun les équipes de sport professionnelles et celles au travail ? Presque tout ! L’expert en management du sport Benoit Chalifoux note les enseignements que les organisations peuvent tirer du parcours printanier surprenant du Canadien de Montréal. 

Vincent Ethier / Icon Sportswire / Getty Images

Le Canadien de Montréal en a surpris plus d’un lors des séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey en 2021. Après une saison pour le moins difficile (le CH a terminé au 18e rang au classement général, une performance guère plus reluisante que le 24e rang obtenu l’an dernier), marquée par des blessures, une greffe ardue des nouveaux joueurs au noyau habituel, un changement d’entraîneurs et un congé forcé par la COVID-19, l’équipe s’est soudainement mise à faire preuve de « ténacité », de « solidarité » et de « combativité », a remarqué Benoit Chalifoux, expert en management sportif et chargé de cours à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM). 

Quel lien existe-t-il entre cette réussite inattendue et la gestion des équipes de travail ? Il y en a plein, selon celui qui a cosigné Saisir sa chance : Quand le sport rencontre l’entrepreneuriat (Logiques, 2019) avec Hassoun Camara, ex-joueur de l’Impact de Montréal (aujourd’hui le CF Montréal), de la Major League Soccer (MLS). 

Cette réussite découle de différents trucs de gestion et d’organisation que l’on peut appliquer dans son quotidien au travail. À commencer par le leadership sans extravagances mais sincère dont doivent faire preuve les patrons. Pour Benoit Chalifoux, le leadership montré par le « cadre intermédiaire » qu’est l’entraîneur-chef Dominique Ducharme est un élément « crucial » du succès-surprise du Canadien durant les séries éliminatoires. Il tient, selon le professeur, en une phrase que Ducharme martèle depuis qu’il a pris la relève de Claude Julien, le 24 février dernier : « Cirez vos souliers et soyez prêts pour la danse. » Les joueurs la répètent maintenant à leur tour, lors des conférences de presse, « un peu comme un cri de ralliement ».

Le message est simple : un joueur de hockey doit agir comme un champion de danse, qui ne pense plus à ses pas avant une compétition, mais à la petite touche finale avant de se livrer corps et âme au plaisir de la danse. Car c’est lorsqu’on est dans un tel état mental — le flow, concept inventé par le psychologue hongrois Mihály Csíkszentmihályi, de l’Université de Chicago, et largement repris par les spécialistes de la motivation des troupes au travail — qu’on excelle dans la tâche qu’on doit exécuter. Sur la patinoire comme au bureau, au chantier ou à l’hôpital. 

C’est la simplicité du message qui le rend motivant. « Chacun sait ce qu’il a à faire et le fait le moment venu », en y mettant ses tripes et son cœur, explique Benoit Chalifoux.

Au travail, le leader doit donner « une mission claire et précise », ajoute-t-il. Il lui faut veiller à ce que chacun sache ce qu’on attend de lui. Il doit également « offrir les conditions nécessaires pour l’atteinte des résultats individuels et collectifs ».

Un autre élément clé de la réussite actuelle du CH tient à deux caractéristiques de l’équipe de travail rêvée, note Benoit Chalifoux : la présence de joueurs exceptionnels et une mixité jeunes-vétérans.

Certes, au travail comme dans le sport professionnel, pouvoir compter sur des joueurs étoiles est un gage de succès. Chez le Canadien, la performance du gardien Carey Price dicte souvent l’allure de l’équipe.  L’expert en management sportif reconnaît que la présence du numéro 31 a une incidence. « Les joueurs savent qu’il arrête tous les tirs ou presque. Ils prennent donc davantage de risques, ils se montrent plus offensifs que si c’était un autre gardien. » 

Toutefois, un ou plusieurs joueurs d’exception, « ça ne suffit pas pour aller loin dans les séries », pense-t-il. La clé d’une équipe de travail qui réussit est plutôt dans la mixité jeunes-vétérans. Chez le CH, il y a des jeunes au début de la vingtaine, comme Jesperi Kotkaniemi (20 ans), Nick Suzuki (21 ans) et Cole Caufield  (20 ans), et il y a des joueurs en bout de route, comme Eric Staal (36 ans), Corey Perry (36 ans) et Shea Weber (35 ans). « L’association de jeunes et de vétérans fait des merveilles », affirme Benoit Chalifoux.

Un cas exemplaire est celui de Caufield, l’ailier droit qui n’a donné ses premiers coups de patin dans la LNH que le 26 avril dernier. « Ducharme l’a placé dans le trio de Tyler Toffoli, 29 ans, le meilleur pointeur de l’équipe cette saison. » Et cette combinaison audacieuse « paie », juge Benoit Chalifoux.

La preuve que les gestionnaires gagneraient à faire davantage confiance aux jeunes en milieu de travail. À leur confier des dossiers importants. À les impliquer dans des projets novateurs. « Ça pourrait se faire en associant chaque jeune à un vétéran, comme cela se passe au CH », suggère le professeur. Résultats potentiels ? « Entre autres, un apprentissage plus rapide pour les nouveaux venus, un meilleur transfert de connaissances et une nouvelle stimulation pour les vétérans », avance-t-il.

Enfin, les Glorieux se distinguent par la « chimie » qui règne au sein de l’équipe, estime Benoit Chalifoux. La chimie qui existe entre deux joueurs, par exemple entre Nick Suzuki et Phillip Danault, ou encore entre Eric Staal et Corey Perry. La chimie qui opère dans l’ensemble de l’équipe : chacun agit non pas pour lui-même, mais « pour les autres », et c’est ce qui permet d’« exceller collectivement ». 

« En termes de gestion, on parle d’agilité organisationnelle », explique le chargé de cours de l’ESG UQAM. Chacun est conscient de ses forces et de ses faiblesses, et sait qu’il peut compter sur les autres pour pallier ses éventuels manquements. Chacun évolue dès lors en toute confiance, n’ayant à cœur qu’une seule chose : permettre aux autres de donner le meilleur d’eux-mêmes.

Au travail, une équipe peut gagner en agilité lorsque, par exemple, les employés sont davantage impliqués dans les décisions importantes, note Benoit Chalifoux. Car chacun est amené à « plus s’impliquer » et à « plus faire confiance aux autres ». 

Bref, s’inspirer du parcours du Canadien en séries éliminatoires peut être une bonne idée dans l’optique de devenir une équipe plus performante au travail. Cela peut permettre de gagner en cohésion, en motivation et en efficacité. Selon Benoit Chalifoux, cela peut amener une équipe à se transcender, à accomplir « des coups magiques » et même — qui sait ? — à remporter « sa Coupe Stanley ».

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