Sortir les millions pour Robuchon

Avec 11 millions de dollars, imaginez ce que les grands chefs québécois auraient pu créer comme restaurant au Casino de Montréal. Mais Loto-Québec a préféré faire affaire avec Robuchon.

Le chef Joel Robuchon et son nouveau restaurant au Casino de Montréal (Photo : Graham Hughes/PC)
Le chef Joël Robuchon et son nouveau restaurant au Casino de Montréal. (Photo: Graham Hughes/PC)

Êtes-vous du genre à aller manger au Casino? Personnellement, non. Une fois que j’ai vu 12 personnes jouer leurs derniers REER dans une machine à sous, j’ai plus envie de pleurer que de manger.

C’est plate, parce que Loto-Québec a investi 11 millions de mes dollars (et les dollars de ceux qui font attendre toute la file à l’épicerie en grattant leur gratteux devant la caissière) dans un tout nouveau restaurant, ouvert en décembre dernier. C’est beaucoup, 11 millions. C’est presque deux millions et demi de gratteux Mots croisés à quatre piasses, de quoi occuper un CHSLD pendant des années!

Comme le rappelle Lesley Chesterman, Normand Laprise a lancé le Toqué! avec un investissement de 30 000 dollars. Pendant ce temps, la rumeur veut que Loto-Québec ait mis 40 000 dollars juste dans la vaisselle importée de France. Paraît aussi que les cure-dents sont faits en ébène.

Devant de telles dépenses, le tout sans appel d’offres, sans même donner la chance à un ou des chefs québécois de proposer un concept, on est en droit de se poser quelques questions.

Sur le site du Casino de Montréal, on parle du restaurant, L’Atelier de Joël Robuchon, en ces mots surréalistes:

«Offrir de la gastronomie haut de gamme qui émerveille les sens, tout en étant dans un environnement convivial et sans prétention, voilà le concept culinaire innovant du grand chef Joël Robuchon.»

Désolé, mais après 11 millions de dollars d’investissement, tu perds le droit d’utiliser l’expression «sans prétention». Même que si je suis prêt à payer 250 dollars pour mon souper, pardonnez-moi, mais je m’attends à un peu de prétention. Mettez une feuille d’or sur le dessus de mon plat et servez-le-moi dans le crâne d’un animal rare.

En plus, si ton concept c’est de servir de la bonne nourriture dans un environnement agréable, tu es aussi innovant que le gars qui vend des mouchoirs en nous promettant qu’on ne saignera pas de la face si on les utilise. Bien manger dans une belle place, c’est la définition d’un bon restaurant.

À l’Assemblée nationale, Carlos Leitão, responsable de Loto-Québec, a déclaré que l’arrivée de L’Atelier Robuchon va hisser Montréal au même niveau que «Londres, Paris, Tokyo et New York». C’est que le chef a déjà une quinzaine d’établissements portant son nom, et il travaille présentement à ouvrir cinq autres «McRobuchon», dont un à New York, juste à côté d’ici. Bref, Robuchon va permettre à Montréal de devenir un petit flocon de neige unique, qu’on va domper dans un banc de neige, avec les autres petits flocons uniques.

M. Leitão a même déclaré que «les jeunes Québécois vont pouvoir maintenant avoir accès à un chef de renommée mondiale pour pouvoir continuer à nous assurer, justement, que Montréal demeure sur la carte». Si j’étais Carlos Leitão, je mangerais à la maison pour un petit bout. Je ne dis pas que les chefs québécois (de renommée mondiale!) sont rancuniers, mais on ne sait jamais…

Le chef des cuisines du Casino a même demandé à M. Robuchon de devenir ambassadeur de la cuisine québécoise dans le monde. Et pourquoi pas Renaud comme ambassadeur de la chanson québécoise?

Imaginez ce qu’auraient pu inventer trois ou quatre de nos grands chefs québécois mis ensemble, avec 11 millions de dollars et la confiance du Casino. Mais non. On a simplement appelé la vedette Robuchon. Oui, ça va probablement attirer de riches touristes, et c’est une valeur sûre. Mais c’est si peu imaginatif, si peu innovateur, si peu éclaté, si peu Montréal.

Le bon côté, c’est que ça fait un endroit où les riches chefs d’entreprise peuvent dépenser leur toute nouvelle baisse d’impôts. Appelons ça de la vision.

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Mathieu Charlebois blogue sur la politique avec un regard humoristique.


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Dans notre angle mort


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Peut-être serait-il bon d’en connaître un peu plus sur ce Robuchon?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jo%C3%ABl_Robuchon

Extrait:

« Il détient le plus important palmarès de l’histoire de l’art culinaire, avec 30 étoiles du Guide Michelin (en 2016, chef le plus étoilé avec Eugénie Brazier, Marc Veyrat, Alain Ducasse et Thomas Keller…), « Cuisinier du siècle » de Gault et Millau en 1990 (avec Paul Bocuse, Frédy Girardet et Eckart Witzigmann…), Meilleur restaurant au monde 1994 par la revue américaine International Herald Tribune… »

Sans vouloir discréditer nos chefs québécois, nous sommes loin, très…très loin du compte. Et effectivement, nos chefs d’ici, bien qu’ils ne l’admettront probablement jamais, apprendront de ce grand maître.

La venue d’un tel chef saura-t-elle revigorer le pauvre Casino de Montréal? J’en doute. On est pas exactement à Monaco ici mais on aurait tort de ne pas essayer.

Si nous gouvernements nous laissaient plus d’argent dans les poches au lieu de nous piller (nous sommes les plus taxés au monde ou presque!), peut-être pourrions-nous nous réjouir franchement de cet ajout à nos actifs.

Je pense que là où le bas blesse (j’en parle parce que cette problématique s’est vécue à petite échelle au Lac St-Jean il y a une dizaine d’année) c’est que ces subventions massives dans un resto « vitrine » avec un grand chef crée une concurrence déloyale avec les entrepreneurs locaux qui ont investis des fond privés, souvent les leurs.

En partie vrai mais je crois que les clients de ce restaurant sont des joueurs du Casino et non d’ailleurs.

De plus, si ces clients demeurent quelques jours à Montréal, ils auront l’occasion d’aller dans les autres restaurants de la Métropole qui, eux, sont détenus par des Montréalais qui, au final, bénéficieront également de cet investissement.

Allez voir la chronique de Alain Dubuc dans La Presse + de samedi je crois et qui rejoint celle-ci:

http://quebec.huffingtonpost.ca/yves-thomas-dorval/casino-robuchon-opportunite-montreal_b_15045562.html

Peut-être ne serait-il pas inutile de de mettre quelques « petites choses » en perspectives…. On peut bien sûr d’un point de vue éthique se demander s’il est de bon aloi de promouvoir le jeu dans notre paysage québécois, comme on peut se demander s’il est de si bon aloi de légaliser la consommation de la Marie-Juana, ou de maintenir la vente d’alcool, de tabac ou mieux… de soutenir en toute hypocrisie le tourisme sexuel….

Promouvoir la gastronomie québécoise de diverses façons me semble un acte relativement vertueux…. Alors c’est très exactement ce qu’on est en train de faire….

On peut estimer que dépenser 11 millions de nos « beaux bidous » pour faire venir une « valeur sure » de la restauration, c’est beaucoup ; si ce n’est que cette somme représente une larme dans la somme des investissements réalisés par Loto-Québec dans son casino depuis son inauguration de 1993.

Les derniers investissements majeurs du Casino de Montréal se chiffraient à plus de 305 millions de dollars sur 5 ans en 2009. Fin 2012, le Casino ouvrait 4 nouveaux restaurants au cinquième étage du bâtiment et l’ouverture de l’Atelier Joël Robuchon — déjà annoncée dès 2015 -, était destinée à venir compléter cette offre de services offerts par l’établissement de jeux ; de sorte que ces 11 millions viennent simplement compléter des investissements qui auraient de toute façon pris place avec ou sans Robuchon. Lorsque cette somme vient du budget déjà prévu pour pourvoir au réaménagement des espaces de restauration.

Rappelons qu’il s’agit-là d’une offre globale de divertissements, dans laquelle prend place la restauration et non d’une offre de restauration unique réservée à une clientèle triée.

Étant donné, le contrat qui lie la société qui exploite la marque Atelier Joël Robuchon est de nature confidentiel, il est assez difficile d’établir quelle part revient finalement au restaurateur dans cette transaction. Comme c’est une association à long terme, il est probable que l’essentiel de la rémunération du chef Robuchon se fera par l’allocation d’une portion des royautés qui dans ce genre d’affaires sont d’usage prélevées.

Cela fait plus de 30 ans que Joël Robuchon participe à des évènements culinaires au Québec ; la brigade de restauration très majoritairement québécoise, reste toujours dirigée par Jean-Pierre Curtat, qui préside à l’offre de restauration du Casino depuis son ouverture en 1993.

— Cela vaut-il vraiment la peine de monter aux rideaux et puis de s’arracher la tuque pour pouvoir encore mieux sauter au plafond ?

Oh boy lâchez nous avec nos «chef Québécois». La job de loto Québec c’est de vendre du jeu et d’attirer le plus de joueurs possible en utilisant s’il le faut des gros noms pour attirer les clients.

Il y avait un très bon chef Québécois avant au Casino, au restaurant Nuance, c’est fermé maintenant. Alors basta le tribalisme et profitez de l’établissement d’un chef de renommée mondiale à Montréal!

«Sortir les millions pour Robuchon»

Parce que selon vous il faudrait sortir des millions pour prendre une chance sur une valeur moins sûre?

Il semble bien que les opposants à la pensée unique aient tous la même. C’est dingue, non ? (comme ils disent dans Les visiteurs)

C’est dommage que vous n’ayez pas vérifié vos chiffres plus à fond…… Vous devriez demander à la Société des casinos les coûts reliés à la rénovation du restaurant puisque tout autre projet aurait nécessité rénovations…. Vous aurez sûrement comparé avec l’excellent restaurant de Normand Laprise installé dans les édifices de la Caisse de dépôt qui a également nécessité des aménagements…. D’autres casinos du Québec ont également accueilli des franchises qui ont demandé des investissements également…… Tant qu’à faire un article, vaut mieux comprendre la dynamique globale afin de préserver votre crédibilité journalistique…..