L’année 2019, c’était le bon temps. Les États-Unis battaient le record de la plus longue période de croissance économique de l’après-guerre, amorcée pendant le premier mandat d’Obama, et les indicateurs étaient si favorables qu’on se demandait jusqu’à quand la période faste allait durer.
Au Canada, le taux de chômage atteignait un creux historique de 5,7 %, un plancher que le Québec battait allègrement avec son 5,1 %, un niveau considéré comme le plein emploi.
Certes, les guerres commerciales lancées par l’administration Trump (Chine, Europe, Canada, pour ne nommer que celles-là) nourrissaient une incertitude, mais c’était la hausse prévisible des taux d’intérêt — arme traditionnelle pour calmer une économie en surchauffe — qui faisait craindre un éventuel ralentissement.
Possiblement en 2021, disait-on à l’époque, mais sans grande conviction. Les « fondamentaux » de l’économie, tels que les revenus et profits des entreprises, le taux de chômage et les investissements, restaient solides, pour reprendre le cliché.
Et la pandémie arriva.
Elle mit brutalement fin à 128 mois consécutifs de croissance économique, du jamais vu. Au Québec, la croissance négative dura un an. Aux États-Unis, ce fut deux trimestres. Assez en tous les cas pour bouleverser les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui contribua à l’inflation historique que l’on connaît encore aujourd’hui.
Assez de passé simple, parlons du futur. Le spectre d’une récession mondiale l’an prochain demeure vif dans les prévisions économiques. Mais devant l’inflation et la pénurie de main-d’œuvre, est-ce une si mauvaise chose ?
Réglons tout de suite un aspect : aux yeux des économistes, une récession n’est jamais une bonne nouvelle. « C’est une question délicate, parce qu’une récession touche nécessairement des gens », explique Jimmy Jean, économiste en chef chez Desjardins. Il s’agit néanmoins d’un cycle normal. En moyenne, les récessions survenaient tous les cinq ou six ans, mais elles ont tendance à s’espacer et à durer moins longtemps depuis l’an 2000.
« Selon la théorie économique, les récessions permettent en quelque sorte de “faire le ménage” dans certains secteurs, ajoute-t-il, en réallouant des ressources et du capital, et en éliminant des entreprises dont les reins n’étaient pas aussi solides qu’on le croyait. »
L’analyse rappelle le concept de la destruction créatrice, élaboré par l’économiste Joseph Schumpeter : la disparition de certains secteurs et industries permet d’en voir naître de nouveaux, ce qui favorise l’innovation, la productivité et un transfert des travailleurs. Pensez à Kodak qui a raté le virage numérique, et à tous ses concurrents qui en ont profité pour émerger.
On pourrait aussi faire un parallèle avec une correction boursière, qui tempère l’exubérance de certains investisseurs s’étant emballés pour des titres qui ne valaient pas tant. L’éclatement de la bulle techno en 2001 ou la crise du papier commercial en 2008. Là aussi, il s’agissait de la correction de déséquilibres dans la finance et de mauvaises allocations de ressources dans l’économie.
Matthieu Arseneau, économiste en chef adjoint à la Banque Nationale, reste toutefois prudent au sujet des aspects positifs d’un ralentissement. « Les coûts humains d’une récession sont très importants, on ne le dira jamais assez. Si une récession survenait, les problèmes d’inflation disparaîtraient rapidement, oui, mais ce bon côté ne compenserait pas les conséquences négatives. »
Il cite le ralentissement de la croissance des entreprises, la volatilité des marchés financiers, l’endettement en contexte de flambée des prix, mais surtout les pertes d’emplois.
N’empêche, la récession qui menace l’an prochain arrive dans une conjoncture rare. Habituellement, les récessions suivent des périodes où le marché de l’emploi est très solide, et elles le fragilisent. Sauf qu’un marché aussi serré qu’actuellement, où le nombre de travailleurs disponibles baisse d’année en année, c’est inédit.
Un ralentissement pourrait favoriser un meilleur équilibre du marché de l’emploi. « Il faudrait un relèvement limité du taux de chômage, pour alléger les pressions salariales, explique Matthieu Arseneau. Si les banques centrales réussissent un atterrissage en douceur de l’économie, ça pourrait faire plus de gagnants que de perdants, en effet. »
Alors que les banques centrales réduisent habituellement les taux d’intérêt pendant les récessions, ce n’est pas à l’horizon pour 2023. L’objectif des banques centrales, rappelle l’économiste, n’est pas de provoquer une récession, mais de freiner la demande, pour atteindre une inflation basse, prévisible et stable, selon l’expression consacrée.
S’il y a baisse d’activité, les employeurs pourraient être plus prudents dans les congédiements que lors des ralentissements passés. « Il y a quand même un traumatisme des ressources humaines depuis quelques mois », note Matthieu Arseneau, qui souligne que plusieurs entreprises peinent à pourvoir des postes, voire à retenir leurs employés.
Pour 2023, les économistes au Canada s’attendent à un ralentissement modéré, et de courte durée. À moins d’un événement imprévu, ou que les consommateurs décident soudain d’épargner, et donc de moins dépenser — la consommation alimentant toujours plus des deux tiers de l’économie au pays.
Les dernières données de Statistique Canada montrent toutefois que les dépenses se maintiennent malgré l’inflation. Peut-être serait-il avisé de retrouver un peu plus de fourmi en nous, et un peu moins de cigale, en 2023.
C’est quoi, une récession ?
Il s’agit de deux trimestres consécutifs de recul du produit intérieur brut (PIB). Mais cette définition demeure restrictive, puisqu’une récession s’accompagne habituellement d’un ralentissement de l’économie et de pertes d’emplois.
Or, le manque de main-d’œuvre actuel risque de perdurer malgré le ralentissement : depuis cinq ans, plus de travailleurs âgés quittent le marché que de nouveaux y entrent. Une situation qui, sans intervention, ne s’inversera que dans 10 ans.
C’est remplir les poches de ceux qui la créée et d’appauvrir ceux qui en souffrent.
… » la consommation alimentant toujours plus des deux tiers de l’économie au pays. » …
Depuis la pandémie, j’ai l’impression que l’économie s’est transformée: les gens ne semblent plus consommer de la même manière, en plus d’une conjoncture économique sans précédent, et je crois que ça cause bien des maux de tête au économistes. Il est peut-être temps de revoir la pertinence ou la valeur de certains de ces fameux « indicateurs » dans leurs équations.