
« Mon rêve ? M’installer au Canada, pour toujours », explique Tal*, un jeune Israélien de Tel-Aviv. Son ton est décidé, même s’il n’a jamais mis les pieds en Amérique. « Pour moi, c’est l’exact opposé d’ici. C’est la paix, la tolérance, la nature… » Les espaces verts et autres grands lacs le font fantasmer, lui qui a grandi dans un pays coincé entre un désert et des États voisins plus ou moins ennemis auxquels il n’a pas vraiment, voire pas du tout, accès. Mais chez l’informaticien de 28 ans, il y a bien plus qu’un désir de se mettre au vert. « Je n’en peux plus de tout ce balagan [bordel] », lance-t-il. Ce balagan est nourri par le conflit israélo-palestinien, dont le processus de paix semble presque faire marche arrière. D’ailleurs, comme quantité d’Israéliens de sa génération qui ont vécu deux intifadas, quatre guerres et un nombre incalculable d’attentats, il ne croit pas en la paix. « Peut-être que c’est nous qui allons détruire les Palestiniens, ou que ce sont eux qui nous détruiront… Je l’ignore, mais en tout cas, je ne veux pas participer à ça, c’est sans issue. »
Après un an de service militaire, obligatoire en Israël, Tal, qui n’est ni de droite ni de gauche, a même déserté. « Ce n’était pas un acte politique. C’est juste que je ne supportais plus de tenir tous les jours une arme dans mes mains. » Un acte qui lui a valu deux mois de prison et quelques quolibets, car ici, refuser d’être soldat, c’est être un traître. Réintégré dans une autre base militaire où il passait ses journées à ne rien faire, il a pris conscience qu’il voulait quitter son pays après son service. Un choix renforcé par ses voyages à l’étranger. « Quand je voyage, je n’ai pas envie de dire que je suis israélien. Je sens que ça crée un malaise. Les gens ne comprennent pas ce qui se passe ici, alors ils simplifient. Pour eux, c’est d’un côté les plus forts, les méchants Israéliens, et de l’autre les faibles, les Palestiniens… Moi, je veux juste que la guerre ne fasse plus partie de ma vie, je veux vivre comme tout le monde. » Dans un soupir, il confie : « Si j’avais le choix, je préférerais ne jamais avoir été israélien, ça n’apporte que des problèmes. » Et sa vie « comme tout le monde », il ne l’a jamais imaginée en Europe, « trop antisémite » d’après lui.
Une opinion largement répandue en Israël, ce que confirme Marty Baram, conseiller en immigration spécialiste du Canada. « Quand je demande à mes clients pourquoi ils ont choisi ce pays, pour eux, la raison est évidente : l’Europe, c’est hors de question, car il y a de plus en plus d’antisémitisme. » En opposition, l’image d’un Canada multiculturel et qui respecte ses minorités en fait une sorte de « paradis ». Même si la majorité de ses clients ne connais-sent le Canada que par les médias ou ce que leurs amis en disent. Mais ce rêve a un prix : les Israéliens sont prêts à débour-ser jusqu’à 7 000 dollars pour les services d’un avocat qui se chargera de tout le processus d’obtention de visa permanent, des équivalences de diplômes au test d’anglais et de la recherche d’un employeur. Chaque année, plus de 2 000 Israéliens** font le grand saut. Un chiffre qui devrait augmenter de 15 %, d’après le consultant, d’autant plus que « depuis un an ou deux, le Canada est devenu leur destination privilégiée ». Et du côté palestinien, on rêve du même eldorado.

À Ramallah, Saïd est directeur d’une organisation internationale, ce qui lui permet de voyager bien plus souvent que ses compatriotes. Chaque fois, il ne peut s’empêcher de comparer la vie dans les pays qu’il visite à celle dans les territoires palestiniens. Le quadragénaire a séjourné quelques mois à Vancouver en 2013, et le sentiment de liberté que cela lui a procuré est incomparable avec sa vie en Cisjordanie occupée. « Ce qui me manque, c’est d’aller à la mer pour courir. Ici, je n’ai jamais ressenti ça, cette fraîcheur de l’air. On ne peut même pas aller voir la mer, il y a les check points, les restrictions, les permis***… Là-bas, c’est vraiment un environnement sûr, une vie saine. » Plutôt sociable, il s’est facilement fait des amis à Vancouver. L’idée de s’y installer s’est vite imposée. « Je me suis senti accueilli, presque comme chez moi », explique-t-il, bien qu’il ajoute aussitôt, lucide, que « tout n’était pas parfait ». C’était en tout cas bien différent de ses expériences aux États-Unis ou en Europe, où « il y a un sentiment antiarabe et antimusulman très fort », affirme-t-il, en détaillant les contrôles au faciès qu’il a subis dans plusieurs aéroports.
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Il avait même engagé une procédure de demande d’asile au Canada avant de l’interrompre, pas assez sûr de lui. « Là-bas, c’est la perfection, mais tu te soucies quand même de tes proches et de ce qui se passe dans ton pays… Même si tu t’en vas, la cause palestinienne ne te lâche jamais, elle est toujours en toi. » La culpabilité et le manque ont fait revenir Saïd. Ce jour-là, il peste contre le poste de contrôle de Qalandiya. Le monde qui s’y presse pour atteindre Jérusalem le mettra en retard pour une conférence qu’il doit donner. Il conclut dans un rire triste : « C’est comme ça chez moi. » Le sentiment d’être chez lui est le prix de sa liberté rêvée.
* Les prénoms ont été changés à la demande des interviewés.
** Statistiques de l’ambassade canadienne à Tel-Aviv.
*** Permis délivrés par les autorités israéliennes au cas par cas et permettant à certains Palestiniens de sortir de la Cisjordanie.
Cet article a été publié dans le numéro de février 2017 de L’actualité.
Venez tous ici, nous sommes tellement fins que nous vous donnerons accès à l’aide sociale et à aux soins de santé gratuits qui NOUS coûtent un bras… Sans parler de la disparition de notre culture au profit du multiculturalisme…
…et un systeme de santé qui ne répond meme pas aux besoins de ceux qui le financent
Vrai !
Découragé de lire des commentaires comme le votre. Je vous propose un séjour d’un an ou deux en Palestine, je suis convaincuque ça changerait votre opinion.