Cela fait maintenant trois jours et trois nuits que « Cosmos », « Pumba », « Step », « Kraken » et « Engineer », le chef de cette petite compagnie, bombardent sans relâche, avec leur mortier rutilant de 120 mm, les tranchées russes situées à moins de trois kilomètres, depuis leur position cachée au milieu d’une immense forêt de pins sur le front est.
Le lieu exact doit être tenu secret, tout comme l’identité de ces soldats.
Les cinq militaires ukrainiens, âgés de 24 à 46 ans, que L’actualité a pu côtoyer pendant quelques heures récemment sont tous des volontaires membres de la 100e brigade de défense territoriale. Cette formation a été fondée officiellement en 2018, mais dans les faits, elle n’est entrée en activité qu’aux premiers jours de l’invasion russe, il y a 18 mois.
Avant février 2022, ces militaires étaient ingénieur, directeur commercial, chauffeur de poids lourds… Désormais, ils sont déployés dans l’un des secteurs les plus dangereux et actifs le long de la ligne de front, dans la région (oblast) de Louhansk. Cette zone est âprement disputée par les Russes et les Ukrainiens depuis des mois, bien avant le lancement, vers la fin du printemps, de la contre-offensive ukrainienne.
Les informations filtrent au compte-goutte, mais le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a évoqué, lors de sa visite cette semaine à Kyiv, des « progrès » notables et une « accélération » de cette opération délicate.
Les Ukrainiens ont revendiqué une percée majeure d’au moins 20 km de profondeur sur le front sud dans la région d’Orikhiv, autour des villages de Robotyne et de Verbove, et ce, à travers les lignes de défense russes successives, constituées de profondes tranchées, de « dents de dragon » (pyramides de béton) et de champs de mines.
Les forces ukrainiennes auraient aussi réussi à grignoter du terrain un peu plus à l’est de ce secteur ainsi qu’aux alentours de Bakhmout, ville conquise par les mercenaires russes du groupe Wagner à la fin du mois de mai dernier, après huit mois de féroces combats urbains.


Contre-offensive ou pas, les combats ne faiblissent pas le long de la ligne de front. Et les civils en payent également le prix fort. Ce mardi, 17 personnes (dont un enfant) ont été tuées et une trentaine ont été blessées par la chute d’un missile S-300 sur un petit marché à Kostiantinivka, à une vingtaine de kilomètres du front de Bakhmout.
Une commerçante encore hébétée nous a raconté peu après cette attaque avoir été projetée au sol par le souffle de la puissante explosion captée par une caméra de surveillance. « J’ai perdu des amis aujourd’hui… », lâche cette miraculée, seulement blessée au bras et à l’épaule.
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Rejoindre la planque de Cosmos et de ses quatre frères d’armes n’a rien d’une promenade touristique. C’est Alexander, alias « Frost », officier responsable des batteries de mortiers au sein de la brigade, qui nous conduit jusqu’à leur repaire. Un trajet à haut risque de près d’une heure en véhicule tout-terrain sur des pistes sablonneuses creusées d’ornières profondes, qui serpentent sous d’immenses pins dont certains sont à moitié carbonisés.
Ici et là, des carcasses de véhicules brûlés et rouillés gisent sur les bas-côtés.
Alexander, 39 ans, casque rivé sur son crâne rasé et le bas du visage couvert d’une barbe rousse, le t-shirt ruisselant sous son gilet pare-balle, est concentré. Il tente en permanence d’éviter l’enlisement, surtout sur les tronçons abrupts. Parfois, les casques cognent contre le plafond lorsque son 4 x 4 bondit sur une bosse.
Rien à voir avec les autoroutes européennes lisses comme du velours qu’il parcourait avant la guerre, au volant de son semi-remorque, en écoutant de la musique.


« Imaginez à quoi cela ressemblera bientôt, lorsque les pluies d’automne vont débuter », lance-t-il tout en jouant du volant et du levier de vitesses contre lequel est appuyé son fusil d’assaut.
Des bruits sourds de bombardements entrants et sortants sont audibles, malgré les vitres à peine baissées et les gémissements du moteur sollicité à l’extrême. Il ne faut jamais s’éterniser et encore moins s’arrêter sur le trajet, surtout dans les rares portions à découvert, où les véhicules ukrainiens peuvent être débusqués par les drones-espions de l’adversaire puis visés par des tirs d’artillerie.
Hors de question aussi de s’aventurer à l’extérieur de ces pistes balisées par des rubans colorés, sous peine de sauter sur une mine.
Une fois arrivés et garés à proximité de la position du mortier, il faut cette fois avancer au pas de course pendant plusieurs minutes au milieu de broussailles, toujours sous les arbres. Ce n’est qu’au tout dernier moment que l’on aperçoit l’abri couvert de billots de bois et de branchages qui sert de cache aux cinq militaires.
L’espace est exigu. À peine cinq mètres carrés creusés dans la terre et le sable. Quatre planches, couvertes de sacs de couchage vert kaki, qui servent de lits, et une petite table. « Au mieux, on arrive à dormir cinq heures à tour de rôle », souligne Step, un amateur de hockey et du Canadien de Montréal, « mais pas des Sénateurs », ajoute-t-il, amusé.
Parce que les nuits dans cette forêt ne sont pas de tout repos. Les bombardements de l’artillerie et l’aviation russes ne s’arrêtent jamais, dit-il en montrant des morceaux tordus d’un missile tombé à proximité. Et il y a aussi des drones kamikazes. « Ils tirent sans cesse même au hasard, car ils savent que l’on mène des opérations dans ce secteur. On a souvent été chanceux, alors on doit toucher du bois », continue-t-il en posant la main par superstition sur les planches qui entourent l’entrée de leur trou.

À l’intérieur de cette tranchée d’une autre époque, éclairée par une lumière vert pâle, Alexander et Pumba observent sur une tablette des images captées par un petit drone de surveillance et reçues grâce à une antenne satellite.
« Les hommes chargés du renseignement ont repéré une tranchée russe à quatre kilomètres d’ici et nous ont transmis ses coordonnées [géographiques]. C’est notre cible, là… »
Quelques secondes plus tard, quatre des militaires bondissent vers leur mortier positionné à proximité et caché sous un cadre de bois recouvert d’un filet de camouflage. Ils effectuent les réglages de tir, soulèvent le toit improvisé, glissent l’obus dans le tube puis reculent, les doigts plaqués sur les oreilles. À peine l’obus projeté vers sa cible en faisant trembler le sol, dans un nuage de fumée, le couvercle est refermé.


Ils devront s’y reprendre à deux fois avant la confirmation vidéo que la « cible » a bien été atteinte. Les six hommes peuvent souffler un peu.
Ils expliquent être plus vulnérables lors des missions de nuit à cause des flammes sortant du canon, qui peuvent trahir leur présence. « Même chose l’hiver, ajoute Step. Chauffer nos abris peut nous valoir d’être visés. Tout est difficile dans cette guerre… » Alors il lance un message à ceux qui considèrent que cette contre-offensive ne va pas assez vite : « Venez ici et vous verrez… »
Malheureusement encore un article à la sauce AFP (agence France presse) , un article que ne nous apprend rien ou au mieux ce que nous savons déjà .le même narratif pro occidentale , ils (les ukrainiens ) avancent ,parfois lentement , de façon notable ….. il aurait été interessant de savoir si le terrain repris n’était que des villages laisser par les russes dans le cadre d’un repositionnement stratégique . Le terrain repris représente quoi versus le terrain initialement occupé par les russes et pro russe ukrainiens. Que représente en terme de pertes humaines et matériels cette avancée . Malheureusement réponse à toute ces questions risque de mettre l’accent sur les vrais enjeux et modifier le narratif médiatique de l’Ukraine et pays occidentaux. Jusqu’à quand cette guerre , possiblement jusqu’au dernier ukrainiens tel que mentionné par un sinistre personnage américain.
Je prie pour ce journaliste qui a le courage de faire ce qu’il fait. Et si il peut transmettre un message aux hommes qui se battent pour leur pays et leur liberté, qu’il leur dise qu’il ne seront jamais oublié quand les enfants Ukrainiens auront grandi et seront des hommes et des femmes libres.