Accord de Paris : l’espoir américain

Pour remettre les États-Unis sur la voie de la lutte aux changements climatiques, l’administration Biden devra faire preuve de beaucoup d’ambition.

Crédit : L'actualité

Depuis quatre ans, l’administration Trump joue de l’allumette à proximité du bidon d’essence. Quatre années où se sont côtoyées des politiques environnementales mortifères, des poursuites judiciaires contre les États qui agissent contre les changements climatiques, et le démantèlement d’institutions publiques essentielles au respect de l’environnement comme l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).  

Dans ce contexte, la promesse de Joe Biden de réintégrer les États-Unis dans l’Accord de Paris apparaît comme la lumière au bout d’un long tunnel.

« C’est majeur. Les États-Unis sont un émetteur responsable de 13 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais au-delà de ça, il s’agit de créer un momentum mondial avec les 20 économies les plus importantes, responsables de 80 % des émissions », indique Eddy Perez, responsable des politiques internationales au Réseau action climat Canada, une coalition d’une centaine d’organismes. « On l’a vu par le passé avec l’accord de Kyoto : c’est très difficile de faire avancer un traité international sans les efforts diplomatiques des États-Unis. »

Il était moins une. Le retrait des États-Unis de l’accord, ordonné par Donald Trump en 2017, devenait effectif en novembre 2020. Ce délai n’avait pas empêché le président, avec l’aval du Congrès, de faire reculer le pays sur 125 réglementations environnementales, le tout au nom du soi-disant développement économique.  

Au Québec, le cœur même de la bourse du carbone a été attaqué par le gouvernement Trump. Ce dernier avait demandé aux tribunaux d’invalider l’entente visant l’établissement d’un marché commun du carbone entre le Québec et la Californie. La cour fédérale américaine de cet État a finalement jugé cette entente constitutionnelle en juillet dernier.

« L’État fédéral a amené la Californie en cour plus de 50 fois, ainsi que des États qui avaient des politiques ambitieuses. Ça risque de changer. Il y a aussi une plus grande possibilité de coopération avec les États. Même General Motors a décidé de s’aligner sur les objectifs fixés par la Californie. Je ne vois pas l’administration Biden poursuivre dans cette voie-là », ajoute Eddy Perez.

Le seul fait pour l’administration Biden de diminuer l’activisme judiciaire en matière de lutte contre les changements climatiques va marquer un changement manifeste : évacuer la posture légale de destruction pour faire place à la collaboration.

Maintenant, que signifie la réintégration des États-Unis dans l’Accord de Paris ?

Pour Anne-Sophie Doré, avocate et coordonnatrice au Centre québécois du droit de l’environnement, on se trouve dans la nuance juridique. « Le vocabulaire juridique crée certaines obligations de résultats. Les États signataires “doivent” plutôt que “peuvent”. Ils ont l’obligation d’établir des cibles de réduction, et ont l’obligation plus contraignante de mettre en œuvre ces cibles-là. »

L’administration Biden promet l’un et l’autre. D’un côté, elle vise la carboneutralité des États-Unis à l’horizon 2050, et de l’autre, promet des investissements de 2 000 milliards de dollars, étalés sur les quatre prochaines années, dans une panoplie de mesures favorisant la transition énergétique. Sur papier, les États-Unis remonteraient donc dans le train de l’Accord de Paris.

En pratique cependant, en présence d’un Congrès encore divisé, Joe Biden fera face à des obstacles. Le Sénat est encore contrôlé par une majorité républicaine toujours frileuse sur le plan environnemental. Ce qui ne veut pas dire que rien ne peut être fait. À l’aube de l’élaboration de plans de relance économique post-pandémie, le président Biden pourrait se faire fort de convaincre le Congrès d’intégrer une série de mesures vertes dans le budget américain.

« Biden pourrait d’abord saisir l’occasion de proposer au Congrès des investissements verts qui pourraient obtenir l’appui des deux Chambres. Ça pourrait permettre à Biden de créer un récit autour de la création d’emploi et des changements climatiques », indique Eddy Perez.

On ne parle donc pas ici de mesures immédiates, mais de projets à moyen terme. Dans l’immédiat, Joe Biden mise sur les décrets présidentiels. 

Ses promesses se rattachent à ce qu’il est possible d’accomplir dans le spectre du pouvoir exécutif : limites agressives quant à la pollution par le méthane dans toutes les nouvelles infrastructures de pétrole et de gaz, politiques d’achat de véhicules écologiques par le gouvernement fédéral, poste de dépense de plus de 500 milliards par année, préservation et application du Clean Air Act ou imposition aux grandes entreprises cotées en Bourse de divulguer leurs « risques climatiques ». Des mesures qui mettent le poids non négligeable de la présidence américaine derrière la lutte aux changements climatiques.

Joe Biden vient d’ailleurs tout récemment de nommer John Kerry comme envoyé spécial des États-Unis en matière de climat. Ce dernier a été l’un des artisans de l’Accord de Paris alors qu’il était secrétaire d’État sous Barack Obama. Une figure respectée dans les milieux environnementaux.

Il ne reste qu’à souhaiter que d’ici le 20 janvier prochain, le président Trump n’use pas de tous ses pouvoirs pour rendre la tâche encore plus difficile à son successeur de rattraper toutes ses inepties environnementales.

On peut tout de même, l’espace d’un moment, savourer l’espoir de toutes ces promesses.