Affronter Trump ou devenir un autre Chris Christie

Le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, a tout pour être le candidat républicain à la présidence en 2024. Mais il y a Trump. Si DeSantis souhaite attendre jusqu’en 2028, il devra se souvenir de l’histoire de Chris Christie.

Amy Beth Bennett / AP / La Presse Canadienne

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

À l’été 2011, le Parti républicain se cherchait. Et il se cherchait un candidat présidentiel — une pointure assez solide pour espérer vaincre, un an plus tard, le président démocrate sortant, Barack Obama. La brochette de candidats qui se lançaient l’un après l’autre dans la course suscitait plus de doute que d’inspiration.

C’est dans ce contexte que les bonzes du parti ont tenté une opération charme auprès du nouveau gouverneur républicain du New Jersey, Chris Christie. Bouillant et charismatique, Christie était largement vu comme une vedette en devenir, ayant défait le gouverneur démocrate d’un État profondément démocrate deux ans plus tôt.

Déjà pressenti pour la campagne présidentielle de 2016, encore lointaine, Christie a été encouragé à devancer l’échéancier et à se lancer dans la course de 2012, alors qu’il n’avait pas encore terminé la moitié de son premier mandat comme gouverneur. Selon eux, Christie devait battre le fer pendant qu’il était chaud — et il était l’homme capable de vaincre Obama. Même l’ex-secrétaire d’État Henry Kissinger, avoisinant les 90 ans, ainsi que l’ex-président George W. Bush ont personnellement tenté de le convaincre de faire le saut.

La pression est devenue si forte que Christie a ainsi répondu à la énième question d’un journaliste lui demandant s’il allait reconsidérer une candidature pour 2012 : « À part me suicider, je ne sais plus comment vous convaincre que je ne vais pas me présenter. »

Christie a donc résisté. Il voulait d’abord se faire réélire comme gouverneur. Attendre qu’Obama termine son deuxième mandat. Et voir son profil gagner en importance et en influence avant de faire le grand saut. La première partie du plan a fonctionné : Christie a été réélu avec plus de 60 % du vote en 2013. Or, moins d’un an plus tard, après qu’il eut été mêlé à un scandale appelé le Bridgegate, son étoile politique s’est presque éteinte.

Christie s’est néanmoins lancé dans la course pour l’investiture présidentielle républicaine en 2016. Résultat : il n’a pas remporté un seul État ni un seul délégué en vue de la convention du parti. Il s’est retiré de la course à mi-chemin. Il avait raté le moment opportun.

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La dynamique à la tête du Parti républicain a bien changé depuis 2011. Loin de se chercher un leader, le parti en a un, incontesté, depuis justement l’élection de 2016 : Donald Trump. Avec la défaite cinglante cette semaine de la représentante Liz Cheney, la meneuse de la petite faction anti-Trump toujours vivante au sein du Congrès américain, le constat est encore plus clair.

Sur les quelque 200 membres républicains de la Chambre des représentants, seulement 10 ont osé défier Trump à la suite de l’insurrection au Capitole en votant pour son impeachment. Et sur ces 10, seuls 2 auront au final survécu aux primaires républicaines de cette année.

Dans ce contexte, une question politique existentielle se pose et se posera au cours des prochains mois pour un petit nombre de politiciens républicains caressant des ambitions présidentielles et pour lesquels, nonobstant Trump, la campagne de 2024 serait la plus fertile. Et parmi ces politiciens, un nom retient l’attention : Ron DeSantis, le gouverneur sortant de la Floride.

Ayant remporté une improbable victoire à l’arraché en 2018 sur la base d’une loyauté à Trump frisant l’absurde — sa publicité électorale la plus remarquée le mettant en vedette en train de lire The Art of the Deal, le best-seller de Donald Trump, à son nouveau-né —, DeSantis a de fortes chances d’être réélu cet automne à la tête du troisième État américain en importance.

Le plus jeune des 50 gouverneurs d’État actuels, DeSantis est éloquent et télégénique. Politiquement habile, il sait soulever les passions autant de ses partisans que de ses détracteurs. Et surtout, son profil s’est bâti dernièrement sur la base d’enjeux récents. Il s’est d’abord fait un nom à l’échelle nationale en défiant l’establishment médical (et médiatique) pendant la crise de la COVID, faisant de la Floride un des États où le moins de restrictions sanitaires étaient imposées, puis en s’en prenant à des géants d’affaires tels que Disney pour leurs prises de position sur des questions comme l’éducation sexuelle.

Autrement dit, le moment opportun de Ron DeSantis est maintenant.

Contrairement à Chris Christie 12 ans plus tôt, DeSantis doit tenir compte d’une considération particulièrement complexe : les conséquences, à la fois pour lui et pour son parti, de défier Trump, un homme s’étant toujours dit — et montré — prêt à tout saccager en cas de défaite.

Mais comme pour Chris Christie, les implications de la décision de reporter une candidature pourraient être amères. Qui dit que DeSantis, ainsi que les autres prétendants potentiels de 2024, serait toujours au goût du jour en 2028 ?

Les campagnes présidentielles ne passent qu’une fois tous les quatre ans — et, même pour les meilleurs candidats, les « conditions gagnantes » ne se présentent souvent qu’une fois dans une vie. « Ils disent : il faut savoir choisir le bon moment. Mais ensuite, ils disent : il n’y a jamais un moment parfait pour quoi que ce soit », souligne le poète américain Anthony Liccione.

Des décisions difficiles, fascinantes et lourdes de conséquences seront prises au cours des prochains mois chez les républicains.

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Vouloir devenir président des États-Unis n’est probablement pas un office de tout repos alors qu’on peut être gouverneur, bénéficier d’une certaine popularité et se la couler relativement plus douce.

Les enjeux auxquels est confronté l’actuel président et auxquels devront faire face les prochains présidents sont tels que ce n’est pas en étant exclusivement télégénique et faire plaisir aux médias que l’Amérique sortira du bois.

Pour autant que l’ex-président Trump soit encore éligible en 2024 et qu’il ait toujours le feu sacré — le département de justice travaille fort pour trouver un moyen de le coincer (avec le soutien du FBI) -, on voit mal pour le moment qui pourrait finalement lui couper l’herbe sous le pieds dans une course à l’investiture.

En vertu de quel ingrédient magique le gouverneur DeSantis serait l’homme de la situation ? Plutôt qu’un autre ? Un candidat de compromis tel que l’ex-vice président Mike Pence ?

Chris Christie est demeuré gouverneur du New-Jersey de 2010 à 2018, il a une vie depuis relativement tranquille, il peut à tout le moins pleinement en profiter, ses chances de vaincre Obama étaient faibles.

Mitt Romney pendant de la campagne de 2012 était de loin lors des primaires républicaines le candidat qui ralliait le plus grand nombre de voix. Malgré de bons résultats, une bonne personnalité, un réel pouvoir de séduction, il ne fit pas le poids contre Obama que les intégrateurs de sondages donnaient gagnant à plus de 85%.

Une campagne marquée par la démesure, sans limites de dépenses, l’incroyable montée en puissance des médias sociaux. Qui peut supposer que Christie aurait pu faire mieux, s’il avait tenté sa chance à ce moment-là ?

Romney n’était plus intéressé par une quelconque candidature en 2016. Est-ce que la charge émotionnelle était trop intense ? Pour moi, ce qui conduit un humain à vouloir atteindre le sommet, reste une sorte de mystère ? Est-ce un beau mystère ? Pas nécessairement.

Regardez dans la Divine Comédie de Dante Alighieri — considérée souvent comme la plus grande œuvre poétique et littéraire de tous les temps -, dans quelle catégorie il place les anciens politiciens les plus proéminents.

@ David Maheux… Il n’est pas question ici de complaisance. L’auteur de cet article ne fait qu’une analyse, d’un point de vue extérieurs, à savoir si c’est le bon moment ou non, pour Ron DeSantis, de se lancer dans une course qui pourrait potentiellement le mener à la présidence des États-Unis, en utilisant comme exemple, le cheminement de Chris Christie. Cette analyse nous aide, nous, les Canadiens, à avoir un portrait plus juste de se qui se passe sur la scène politique Américaine, d’en comprendre la dynamique et de connaître les acteurs qui sont sur celles-ci.

Aussi, je ne connais pas Ron DeSantis, mis à part le fait qu’il est le gouverneur de la Floride. Ceci étant dit, j’aimerais que vous m’aidiez à y voir plus clair et que vous expliquiez les raisons qui ont faites que vous mettez une étiquette de « fasciste » à Ron DeSantis. Permettez-moi de vous suggérer d’aller relire la définition de ce qu’est le fascisme et d’y penser une deuxième fois avant de mettre une telle étiquette sur une personne puisque celle-ci n’est pas insignifiante et que ce terme n’est pas à prendre à la légère.

Les élections de mi-mandat l’aideront a y voir plus clair. Si les candidats trumpiens et plus globalement parti républicain font un carton, ce sera mis au crédit de Trump. Ce sera la preuve qu’il peut gagner en 2024. Si par contre le parti perd la chambre ou si la victoire est trop pénible, la magie électorale de Trump commencera à pâlir aux yeux de beaucoup de gens. Et à ce moment là DeSantis pourra saisir sa chance.

Tout ceci ne change rien au fait que le parti républicain est dans la déroute. Trump ou pas Trump, le ver de la tentation néo fasciste est dans le fruit. Ça a commencé avant Trump avec le Tea-party, et ça lui survivra. La question est, à quel point les gens raisonnables des deux côtés républicains et démocrates, prendront le dessus sur les extrémistes.