Biden, 12 mois plus tard : l’année perdue

À trop vouloir faire preuve d’ambition, le président a oublié que les Américains ne lui en demandaient pas tant. Et il a négligé de s’occuper des menaces immédiates. 

Drew Angerer / The Associated Press

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

« J’ai été engagé pour régler des problèmes. »

Alors que Joe Biden marque l’anniversaire de son arrivée au pouvoir avec un rare point de presse cette semaine, ces mots prononcés lors du tout premier de sa présidence, en mars 2021, résonnent particulièrement fort.

L’analyse politique du nouveau président était juste : il a été élu en novembre 2020 pour régler des problèmes d’une ampleur historique, à commencer par les crises sanitaire et économique.

Après quatre années de chaos et d’imprévisibilité émanant de la Maison-Blanche, Biden a joué une carte simple : redonner de la stabilité à la présidence, mettre ces crises dans le rétroviseur, et réunifier un pays dangereusement divisé.

Un an après la présentation de ce cahier des charges, le verdict préliminaire des Américains est brutal : un seul autre président a été aussi impopulaire que Biden après ses 12 premiers mois en poste, et c’est Donald Trump.

Est-ce parce que Biden n’a rien accompli en un an ? Bien au contraire. C’est peut-être plutôt que ses premières réalisations ne correspondaient pas à ce que l’électorat attendait de lui.

Un départ ambitieux

Comme on le soulignait dès le début de son mandat, Joe Biden est arrivé à la Maison-Blanche avec des ambitions considérables. Et force est de constater qu’en quelques mois, il a réussi de gros coups — que ce soit au printemps, lorsqu’il a signé un gigantesque plan de relance économique de l’ordre de 2 000 milliards de dollars. Ou encore à l’automne, avec un autre énorme plan de 1 000 milliards pour remettre à niveau les infrastructures du pays, lesquelles, comme ici, ont souffert d’un important déficit d’entretien. Puis, alors que peu de gens en prenaient acte, le président a fait nommer davantage de juges fédéraux que tous ses prédécesseurs au cours de leur première année depuis Ronald Reagan.

Ces réussites, pour ne nommer que celles-là, non seulement sont dignes de mention, mais elles survivront largement à la présidence Biden.

Voyant sa chance de marquer encore davantage l’histoire, le président a injecté la plus grande part de son « capital politique » restant dans d’autres priorités législatives aux portées immenses : un projet de réformes sociales promettant de transformer, entre autres, le secteur énergétique américain, ainsi qu’un projet de réforme électorale prévoyant plus de supervision fédérale, alors que le processus est actuellement géré par les États.

Or, avec de faibles majorités démocrates au Congrès, ni l’une ni l’autre de ces mesures, qui divisent le parti du président et galvanisent l’opposition républicaine, ne s’approchent de la ligne d’arrivée.

Pire encore, alors que Joe Biden y consacrait ses ressources semaine après semaine, les deux premiers problèmes qu’il s’était engagé à régler, la pandémie et la situation économique, regagnaient de la force.

Le problème sanitaire

Les nouveaux outils à la disposition du président en matière de lutte contre la COVID–19 sont limités. Les vaccins sont offerts depuis maintenant plus d’un an aux États-Unis, et quand l’administration Biden a tenté d’obliger les Américains plus récalcitrants à se faire vacciner, la Cour suprême a bloqué son initiative.

Politiquement, lorsqu’il est question de la pandémie, Biden souffre en particulier des attentes que son équipe et lui ont eux-mêmes créées. Après que le président eut promis à ses concitoyens que « s’[ils se faisaient] vacciner, [ils n’auraient] pas la COVID », son conseiller médical principal, le Dr Anthony Fauci, a passé le plus clair de 2021 à répéter sur la place publique que la situation serait maîtrisée quand le pays ne recenserait pas plus de 10 000 cas par jour. En janvier 2022, les États-Unis comptent près d’un million de cas par jour.

Les communications du gouvernement fédéral, ainsi que sa stratégie globale, font l’objet d’une combinaison d’incompréhension, d’incrédulité… et d’indifférence.

Une chose est certaine : Biden n’a pas, comme il s’était engagé à le faire lors de son premier débat avec Donald Trump en 2020, « mis fin au virus ».

Le problème économique

En parallèle, la seconde crise majeure dont a hérité le nouveau président le heurte politiquement encore plus que la première. La reprise économique après le choc de la pandémie s’est accompagnée de problèmes concrets pour la population, surtout l’inflation qui se maintient depuis des mois à des niveaux jamais vus en 40 ans.

Le gouvernement fédéral américain rapportait la semaine dernière un taux d’inflation de 7 % pour le mois de décembre, le plus haut depuis 1982. L’administration Biden semble totalement prise au dépourvu par le phénomène. En février 2020, avant que la première vague de COVID déferle sur l’Amérique, plus des deux tiers des Américains estimaient que l’économie était en « excellent » ou « bon » état. En janvier 2022, la même proportion juge que l’économie est en « assez mauvais » ou « mauvais » état.

Dès ses premières semaines en poste, Joe Biden a vu grand. Un an plus tard, sa présidence et son parti ne se porteraient que mieux s’il revenait à l’essentiel : assurer un retour à la normalité. Un objectif simple qui, dans le contexte actuel, pourrait être vu comme une réalisation remarquable.

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Monsieur Biden n’est pas à proprement parler un président très charismatique. Son ton plutôt monocorde et son relatif manque de souffle ne peut que conduire les observateurs à se poser la question de savoir s’il va terminer sa présidence ou bien pas.

Je ne trouve pas qu’il soit qui plus est, tellement soutenu par des porte-paroles qui couvrent efficacement les politiques initiées par le président et… de toute évidence ses orientations ne sont pas même comprises par plusieurs caciques de son propre parti. Alors ? Que faire ? Quelle forme de communication conviendrait-il d’adopter ?

Il est probablement dommage qu’il n’y ait pas une stratégie claire, des étapes avantageusement définies et de l’espoir pour tous les américains.

Je veux bien, comme le suggère Rafael Jacob, qu’un retour à la normalité soit essentiellement ce qui doit être fait. Lorsqu’au même instant je me demande qu’est-ce qui rime avec la normalité dans une société ou tout ce qui est anormal fait foi.

Peut-être que c’est la confiance qu’il faudrait restaurer bien avant toute forme subjective ou apparente de normalité. Par exemple, si nous avions confiance dans nos valeurs, on enverrait des officiels aux Jeux Olympiques de Beijing. Cette réflexion ne vaut évidemment pas que pour les américains.