L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.
Peu d’expressions ont marqué le folklore politique américain autant que celle de James Carville, conseiller de Bill Clinton pendant la course présidentielle de 1992, au sujet du premier facteur électoral à considérer. « C’est l’économie, espèce d’idiot », pouvait-on lire sur une note affichée dans le bureau de Carville.
Il peut être tentant, particulièrement quand émergent de nouveaux politiciens comme Barack Obama ou Donald Trump, ou encore lorsqu’une présidence traverse une série de crises comme c’est le cas pour celle de Joe Biden, de chercher mille et un facteurs importants jouant sur l’opinion publique, et par extension sur les résultats électoraux.
Le facteur déterminant tend donc à demeurer le même : l’économie. Et le contexte économique actuel n’a rien pour remonter le moral à la Maison-Blanche.
L’enjeu premier
Dans son dernier sondage national mené au début du mois, Politico a demandé aux électeurs américains quel était le premier enjeu qu’ils avaient en tête lorsque venait le temps de considérer pour qui ils voteraient lors des élections de mi-mandat de 2022. Les résultats parlent d’eux-mêmes :
Près de 40 % ont répondu l’économie, deux fois plus que ceux pour qui la sécurité est la préoccupation majeure.
Dans le même sondage, le taux d’approbation du président Biden pour sa gestion de l’économie se situait à 40 % seulement — cinq points plus bas que son taux d’approbation pour l’ensemble de son travail. Autrement dit, l’enjeu jugé le plus important contribue à tirer le président vers le bas. Autre objet d’inquiétude pour les démocrates : les électeurs disant désapprouver fortement la gestion économique du président sont deux fois plus nombreux que les électeurs disant l’approuver fortement.
Ces résultats corroborent ceux d’un autre sondage national publié dans les mêmes dates par The Economist, selon lequel moins du quart des Américains jugent l’état actuel de l’économie « excellent » (3 %) ou « bon » (20 %). Quand on leur a demandé à quel point les questions économiques étaient importantes pour eux, les deux tiers (67 %) ont répondu « très importantes » — davantage que la criminalité, les libertés civiles, l’avortement, les armes à feu, l’environnement ou même la sécurité nationale. Le taux d’approbation du président relativement à l’économie se situe à 42 %.
Sans faire la manchette, les enquêtes d’opinion montrant des indicateurs semblables pullulent pourtant depuis des semaines. Pourquoi ?
Les contrecoups, des mois plus tard
Lors du premier plan de secours économique voté par le Congrès américain en mars 2020 (environ 2 000 milliards de dollars), puis du deuxième en décembre 2020 (environ 1 000 milliards), puis du troisième en mars 2021 (environ 2 000 milliards), la même question élémentaire se posait : jusqu’à quel point la banque centrale peut-elle imprimer de l’argent (par l’achat d’obligations notamment) et le gouvernement central américain, injecter des milliards de deniers publics dans l’économie ?
Dès le printemps dernier, la réponse commençait à devenir évidente : au-delà de l’enjeu de l’équilibre budgétaire, un problème visible d’inflation se dessinait. Et pourtant, les signaux de la part de Washington, à la fois de la Maison-Blanche et de la Réserve fédérale, allaient dans le sens contraire.
Or, la réalité est en train de rattraper l’administration Biden et la banque centrale américaine. Cette semaine, l’indice des prix à la consommation a enregistré son bond le plus important en 13 ans — lors de la dernière grande crise financière.
Et après avoir passé le plus clair de l’année à balayer du revers de la main la possibilité de hausser les taux d’intérêt, c’est dorénavant précisément l’avenue sur laquelle s’est engagée la « Fed ».
Et les Américains ordinaires, quant à eux, ne sentent déjà que trop bien le pincement. Dans un récent groupe de discussion piloté par la sondeuse Sarah Longwell, un enjeu revenait plus que tout autre : un sentiment de « malaise » économique. Et le groupe n’incluait… que des électeurs démocrates. Même chez eux, le constat était clair. Comme l’expliquait une répondante en termes on ne peut plus élémentaires : « Acheter une caisse de bouteilles d’eau coûtait 5 $ ; maintenant, c’est 7,50 $. Ça frappe les portefeuilles ; ça frappe mon portefeuille. »
Au problème de l’inflation s’ajoutent ceux du faible taux de participation au marché du travail et des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, ce dernier jugé assez préoccupant pour que le président sente le besoin d’annoncer mercredi que les ports comme celui de Los Angeles commenceraient à être en activité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Les États-Unis sont peut-être sortis du plus gros de la grave crise économique provoquée par la pandémie, mais les décisions prises depuis 2020 pourraient avoir des effets pervers, comme on le constate, sur l’économie, et du coup des répercussions dévastatrices pour les démocrates lors du prochain grand rendez-vous électoral, l’an prochain.
Je suis en train de devenir, anti-sondage! comme en physique quantique oû l’observateur change ce qu’il observe; ainsi en est-il avec les sondages. ça donne une sensation de 1000 fois déjà vu. On en devient blasé. On donnes des choix aux répondants et, on pense qu’ils choisissent. Ainsi, si on demande ce qui est essentiel et qu’on ne mentionne pas, par exemple, la respiration; va-t-on conclure que les gens y sont indifférents comme l’indiquera forcément les statistiques!
La situation qui prévalait en 1992 est différente de celle qui prévaut aujourd’hui. L’option néo-libérale qui avait prévalu pendant 12 ans avec le tandem Reagan-Bush, laissait le pays plus que jamais socialement divisé, creusant le fossé entre les riches et les plus pauvres. Les heureux élus plus prospères que jamais et les laissés pour compte.
Bill Clinton était le porte étendard de la « nouvelle économie » — il apportait de l’espoir à celles et ceux qui n’en avaient plus guère -, avec des cycles économiques plus longs, on offrait théoriquement un enrichissement à long terme pour tous les Américains.
Avec la crise des valeurs technologiques de 2002-2003, entrainant de fortes corrections boursières, crise qui précède de peu celle des « subprimes » de 2008 ; on s’aperçoit que cette « nouvelle économie », n’a jamais livré. Ce sont les moyens de générer des profits qui se sont sophistiqués, les années Clinton puis les années subséquentes ont été marquées par la prédominance non seulement américaine, mais à toutes fins pratiques mondiale de l’ingénierie financière.
Pourtant la finance est-elle bien le carburant de l’économie ?
Les Américains ont bien raison de se préoccuper de leur pouvoir d’achat, ils ne sont pas les seuls. Devraient-ils pour autant blâmer les démocrates pour l’inflation, la politique monétaire de la FED qui imprime la monnaie nécessaire pour faire tourner l’économie ?
Peuvent-ils considérer qu’une majorité républicaine au Congrès fasse la différence : juguler l’inflation, relancer les échanges, minimise les déficits publics ? Ou faut-il observer et conclure que seule une vraie relance basée sur la capacité des Américains de reconquérir leur marché intérieur, permettrait de mieux répartir la richesse commune tout en exerçant un meilleur contrôle sur la valeur marchande de produits et de services qui répondent à des besoins réels de la population et non des intrants chimériques ?
Si les gens sont si préoccupés par l’économie, ils devraient reprendre les leviers de l’économie plutôt que de laisser des politiciens opportunistes leur dire à qui confier le soin d’arbitrer la distribution de toute forme de richesse.
Ce qui constituerait une nouveauté dans l’économie ce serait de déterminer ce qui doit être mis dans le cycle et non celui arbitraire d’en évaluer la durée.
Il convient de bien comprendre que l’ensemble des enjeux qui sont ici présentés, c’est encore de l’économie, c’est toujours de l’économie. Que la santé, la sécurité, les personnes âgées, etc., tout cela c’est l’économie. Alors même les seulement 4% qui se préoccupent d’énergie, eux aussi font de l’économie.