L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.
À la suite de la contre-performance républicaine lors des élections de mi-mandat de novembre dernier, un grand nombre d’observateurs et d’analystes ont braqué les projecteurs sur l’ancien président Donald Trump à titre de premier responsable de la débâcle. J’ai moi-même posé la question ici quant à savoir si le « cirque Trump » avait fait son temps.
Cela dit, force est de constater que le 45e président, bien qu’il demeure affaibli, est toujours dans une position où il pourrait décrocher l’investiture présidentielle républicaine l’an prochain. Surtout si la dynamique à plusieurs candidats se confirme et contribue à diviser le vote. Le sondage national du magazine britannique The Economist publié le 8 février donne à Trump une avance de 10 points de pourcentage sur son plus proche concurrent potentiel, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis (42 % contre 32 %), auprès des électeurs du parti.
Il s’en trouvera plusieurs, encore moi le premier, pour noter que les électeurs républicains ne semblent pas tous avoir appris les leçons du plus récent scrutin.
Or, cela ne devrait pas pour autant empêcher les démocrates de commettre une erreur semblable — car à l’heure actuelle, ils sont dans une position qui n’est guère plus enviable que celle des républicains en faveur du « anybody but Trump ».
La première leçon
Le résultat des élections de mi-mandat de l’automne dernier a été tellement jugé à l’aune des attentes (on croyait qu’il y aurait un raz-de-marée républicain au Congrès et dans les États) que les démocrates en oublient une vérité qui dérange : ils ont perdu les élections.
Certes, les démocrates ont maintenu leur contrôle du Sénat et fait des gains dans les assemblées législatives de certains États clés. Reste que, dans ce qui ressemble le plus à un scrutin national — celui pour la Chambre des représentants, même si la comparaison est imparfaite —, les républicains ont récolté non seulement une majorité de sièges, mais une majorité au vote populaire aussi, par près de trois points de pourcentage.
La victoire républicaine en matière de sièges est peut-être extrêmement mince, mais ça compte peu : George W. Bush est devenu président en 2000 avec seulement 5 grands électeurs, au même titre que son prédécesseur Bill Clinton qui avait remporté le Collège électoral par 200 en 1992. En fait, Bush a probablement eu les coudées plus franches pour gouverner pendant son premier mandat que Clinton ne les a jamais eues.
Et, doit-on le rappeler, les républicains, avec la nature plus « efficace » de leur coalition électorale, n’ont pas même besoin de remporter le vote populaire pour gagner la présidence. Ils l’ont fait en 2000 avec Bush, et en 2016 avec Trump. Si la marge du vote populaire observée en 2022 pour la Chambre des représentants devait se répéter en 2024 à la présidentielle, le prochain président serait fort probablement républicain.
La seconde leçon
Avec la performance inattendue des démocrates lors des élections de mi-mandat, une seconde erreur semble s’immiscer dans le discours démocrate : remettre en question l’économie comme facteur électoral principal.
Cette position a été combinée à des réactions triomphantes de la part de partisans démocrates, au début du mois, au vu des dernières données mensuelles sur l’emploi aux États-Unis. Plus d’un demi-million de jobs ont été créés en janvier. « On peut gagner même avec une économie battant de l’aile, et de toute façon l’économie se porte bien », ont l’air de conclure certains.
Dans les faits, l’économie était la préoccupation numéro un des électeurs en novembre dernier, et le demeure sans conteste aujourd’hui. Ce qui constitue un énorme risque de vulnérabilité pour Joe Biden.
Dans l’enquête de CBS publiée tout juste avant le discours sur l’état de l’Union du président, mardi passé, les Américains se sont fait demander quelles devraient être les priorités majeures du pays cette année :
Enjeu | Priorité majeure |
Réduire l’inflation | 76 % |
Réduire la criminalité | 63 % |
Réduire la violence par armes à feu | 56 % |
S’en prendre au problème des opioïdes et du fentanyl | 55 % |
Réduire le déficit budgétaire | 54 % |
Réduire les impôts | 50 % |
Aucun autre des enjeux, y compris ceux chers à la base démocrate, comme protéger l’accès à l’avortement et réformer les pratiques policières, n’atteignait le cap des 50 %.
Environ deux fois plus d’Américains jugent l’économie mal en point que le contraire. Les emplois ont beau se multiplier et les salaires augmenter, ces derniers le font toujours moins que l’inflation — sans compter que les augmentations concernent seulement les gens qui ne sont pas coincés avec un revenu fixe. Dans l’ensemble, les Américains s’appauvrissent. De plus, lorsqu’ils sont interrogés plus précisément sur la gestion de l’économie par Biden, sondage après sondage (dont celui de CBS), moins de 40 % des Américains se montrent satisfaits.
Joe Biden a lui-même été sous-estimé à maintes reprises par le passé. Or, les démocrates, pour leur propre bien, devraient cesser de voir tout en rose : si Biden lance prochainement sa candidature pour 2024, il le fera à titre de président en grave danger de perdre sa campagne de réélection.
Il reste bien sûr un an et demi avant le scrutin de novembre 2024. Néanmoins, si ces élections avaient lieu aujourd’hui, le résultat le plus probable serait une réélection non pas de Joe Biden, mais de Donald Trump.
Bien que ça ne me réjouisse absolument pas, je suis entièrement en accord avec votre analyse.
Triste, mais d’accord !
Vivement le retour de Trump… et un retour à la normale !
Les Américains ne pardonneront jamais le désastre économique et diplomatique qu’a causé Joe Biden.
Et les sondages de la mi-mandat? Ah! les sondages! heureusement qu’ils sont là pour nourrir la polémique!