Décrite comme un « Disneyland pour retraités » ou encore une « bulle », The Villages, la plus grande communauté de retraités aux États-Unis est posée dans un décor de rêve, avec des palmiers qui bordent les routes et de petits sentiers bitumés reliant ses dizaines de terrains de golf, en grande banlieue d’Orlando. Entre la natation, le yoga, la plongée ou encore l’improvisation de jazz, la (très) longue liste des activités à faire dans cet endroit qui se proclame « le plus amical de Floride » a tout pour combler les plus de 100 000 retraités qui viennent couler des jours paisibles sous le soleil floridien.
Ed McGinty, lui, a un autre passe-temps : tous les jours ou presque depuis l’élection de Donald Trump, ce grand gaillard de 72 ans se rend en voiturette de golf (le mode de transport privilégié des gens du coin) au bord des routes de The Villages, installe son siège et sa glacière sur le bas-côté et sort de grandes pancartes anti-Trump. « J’en ai 25. Je choisis celles que je montre en fonction de mon humeur. » Ce jour-là, fin septembre, on pouvait lire « Puisse Donald Trump brûler en enfer : 210 000 morts », en référence au nombre de morts de la COVID-19 en sol américain.
Ces manifestations n’ont rien d’anodin dans The Villages. Fondée par un milliardaire proche des républicains, cette communauté est un repaire de supporteurs de Donald Trump. Le club Villagers for Trump, qui compte des milliers de membres, a organisé des veillées pendant l’hospitalisation du président atteint de la COVID-19. Ces dernières années, le locataire de la Maison-Blanche s’est rendu à The Villages, tout comme son fils Donald Trump Jr. et le vice-président Mike Pence, pour mobiliser cet électorat engagé au cœur de la Floride, État déterminant dans la course à la présidentielle.
« Je suis l’homme le plus détesté de The Villages », dit Ed McGinty, non sans une certaine fierté. Lors de ses sorties, il écope régulièrement de bras d’honneur et d’insultes fleuries de la part des automobilistes qui passent par là. Au début, il était seul avec ses pancartes. Depuis, il a été rejoint par d’autres démocrates qui osent sortir du bois. « J’ai donné aux démocrates l’envie de s’affirmer. Nous montrons aux pro-Trump que nous n’avons pas l’intention de partir », affirme ce retraité de l’immobilier. Autre avantage d’être en groupe : bénéficier de témoins en cas d’agression physique.
« Un jour, on m’a dit que si je continuais à afficher mon opposition à Trump, il faudrait que je m’accroche à mon assurance maladie », raconte Ed McGinty. Il a aussi été agressé physiquement à deux reprises, notamment par un homme qui l’a attrapé par le cou. « Je ne m’étais pas battu depuis 50 ans ! », s’exclame-t-il. Il ne se promène pas sans vaporisateur de poivre de Cayenne pour se protéger. « Je pratique un sport dangereux », souffle-t-il. Malgré les nombreuses insultes dont il fait l’objet, Ed McGinty constate de plus en plus de marques de soutien de la part des passants. Son pronostic : « Donald Trump sera largement battu. »