Le FBI joue avec le feu

L’agence policière doit dévoiler rapidement les raisons de la perquisition à Mar-a-Lago, sans quoi les partisans de Donald Trump retrouveront leur fougue de janvier 2021. 

Des agents des services secrets américains se tiennent à la porte de Mar-a-Lago après que le FBI a émis des mandats pour cette propriété de Donald Trump à Palm Beach, en Floride, le lundi 8 août 2022. Photo : Damon Higgins / Palm Beach Daily News / AP / La Presse Canadienne

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

Malgré toutes les révélations fracassantes et tous les précédents auxquels nous a habitués l’ère Trump, rien ne pouvait nous préparer à l’onde de choc d’une perquisition par le FBI à la résidence principale d’un ex-président américain.

Or, le 8 août en début de soirée, le 45e président a annoncé au monde entier que sa « magnifique demeure de Mar-a-Lago », en Floride, avait fait l’objet d’une visite impromptue d’une trentaine d’agents fédéraux.

Les questions restent nombreuses à la suite de l’événement. Pour le bien de la démocratie américaine, de la cohésion sociale et des institutions, on devrait, d’une certaine façon, souhaiter que les preuves trouvées par les enquêteurs soient aussi graves et incriminantes que possible — et présentées au public avec limpidité et empressement. Rendre public le mandat de perquisition, comme le souhaite le procureur général Merrick Garland, serait un début. Car cette intervention sans précédent comporte trop de risques politiques pour reposer sur des motifs légers. 

La première piste

Rapidement après l’annonce de la perquisition, les médias américains ont avancé qu’elle était liée au possible vol de documents présidentiels et gouvernementaux par Donald Trump, après qu’il eut quitté ses fonctions de président en janvier 2021.

En théorie, l’omission de conserver ces documents comme l’impose la loi justifie les démarches entreprises contre Trump. En théorie, tout citoyen est tenu de respecter toutes les lois. Et en théorie, le fait de bafouer précisément les dispositions sur la conservation des documents peut entraîner une interdiction formelle d’occuper le poste de président — un élément important dans un contexte où Donald Trump caresse publiquement l’idée de se lancer dans la course présidentielle de 2024.

Vue comme ça, l’intervention du FBI à la résidence de l’ancien président paraît justifiée.

Or, chercher à inculper Donald Trump et à l’empêcher de déposer sa candidature seulement sur la base des lois relatives aux Archives nationales serait d’une rare bêtise.

Les alliés et les membres de la famille de l’ex-président se sont empressés, dès la perquisition connue, de répéter ad nauseam que les adversaires de Trump, comme Hillary Clinton, avaient bénéficié de traitements de faveur de la part de la justice américaine. Et force est de reconnaître que, surtout si des accusations devaient être portées contre Trump à propos de ces documents, ils n’auraient pas tort.

Sans être présidente, Hillary Clinton occupait un poste public majeur — celui de secrétaire d’État. Et alors qu’elle dirigeait la diplomatie américaine, elle a fait installer un serveur privé dans sa résidence personnelle pour, présume-t-on, contourner les lois sur l’accès à l’information. Une fois l’existence du serveur dévoilée, ses employés ont activement détruit des milliers de documents gouvernementaux qui faisaient par surcroît l’objet d’un subpoena de la part du Congrès.

Or, Hillary Clinton n’a pas été inculpée. Elle n’a même pas subi une perquisition comme celle menée à Mar-a-Lago.

Si la justice américaine décide, contre le principe d’égalité devant la loi, de fixer un seuil plus élevé avant d’accuser un candidat présidentiel, elle se doit d’appliquer cette norme informelle de façon équitable. Il s’agirait autrement d’une inégalité devant la loi au sein même d’une inégalité devant la loi si énorme que Trump aurait beau jeu de crier au double standard, à la politisation de la police… et à la chasse aux sorcières.

La deuxième piste

Le tout serait d’autant plus incompréhensible qu’il existe déjà des motifs plus simples et, surtout, nettement plus graves de poursuivre Trump au criminel, à commencer par ses tentatives hautement documentées de falsifier les résultats de l’élection de 2020.

Le monde entier a déjà accès, depuis janvier 2021, à l’enregistrement intégral de l’appel d’une heure entre Trump et le responsable électoral de la Géorgie, qu’il menace de conséquences judiciaires s’il ne l’aide pas à « trouver » les 11 780 votes qui lui manquent pour être déclaré vainqueur dans cet État.

Le FBI croit-il réellement pouvoir mettre la main sur des preuves d’un crime plus grave dans le coffre-fort de Mar-a-Lago ? Si la réponse existe, elle se fait impatiemment attendre. On a, d’un côté, des boîtes de documents transportées du bureau du président à sa demeure ; et de l’autre, une tentative de coup d’État.

Et ce n’est pas seulement une affaire judiciaire, c’est aussi une question politique. Au sujet de l’élection de 2020 et de l’insurrection qui a suivi, les républicains étaient, et demeurent, divisés. Trump commençait à voir ses appuis s’effriter au sein du parti, particulièrement depuis les audiences de la commission d’enquête sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021.

Or, la perquisition du FBI, pour l’instant toujours « justifiée » par la présence illégale de documents à Mar-a-Lago, a mené à une galvanisation des troupes républicaines et, surtout, à une unification des appuis à Trump. Un sondage Politico mené après la perquisition et publié jeudi après-midi indiquait que 58% des électeurs républicains disent vouloir choisir Donald Trump comme candidat présidentiel en 2024. C’est le niveau le plus élevé depuis l’élection de 2020.

Le lendemain de la perquisition, des voix allant de la polémiste radicale Marjorie Taylor-Greene au nouveau gouverneur posé et pro-establishment de la Virginie Glenn Youngkin ont condamné les actions du FBI, tout comme l’ex-vice-président Mike Pence, pourtant menacé de mort par les partisans de Trump le jour de l’insurrection et semblant être depuis devenu un rival.

Jamais auparavant un président américain n’avait été l’objet d’une opération policière aussi dramatique. Et pourtant, il faut remonter à longtemps avant le 8 août pour trouver une journée plus payante politiquement pour le principal intéressé. Or, cette journée aurait dû être dévastatrice pour Donald Trump.

Car le matin même de la perquisition, un reportage du magazine The New Yorker dévoilait que Donald Trump, alors qu’il était en fonction, s’était plaint à son chef de cabinet du manque de loyauté des généraux américains à son égard. Ces derniers auraient dû, selon le président, lui être aussi fidèles que les généraux allemands l’avaient été pendant la Seconde Guerre mondiale envers Adolf Hitler.

Le soir venu, tout cela était oublié.

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Bonjour M. Rafael

j’adore votre présence dans les médias et vos interventions qui, à mon sens, sont très pertinentes (chose rare de nos jours). Toutefois, j’ai sursauté quand j’ai vu ce titre quelque peu racolleur d’un article dont vous êtes l’auteur. Le procureur a annoncé hier sa demande de publier les deux documents en question. Un peu de patience la prochaine fois? Les démocrates, le FBI et autres sont loin d’être parfaits, mais avec la dérive républicaine que constituent Matt Gaetz, Marjorie Taylor-Green et autres hypocrites et le manque de gens tels Adam Kinzinger ou encore Liz Chainey parmi eux, rabaisser les instances ne servira pas l’intérêt public. De cette manière, car malheureusement plusieurs ne lisent que les titres, on donne des munitions aux complotistes. Je sais que vous savez déjà tout ça.
Merci de votre attention, et mon opinion n’encrassera jamais vos qualités de communicateur hors-pair ni mon appréciation de vos éclairantes interventions. Excellente journée à vous et bonne continuation. Jean-Pascal

Quels complotistes ? Vous devriez dire plutôt des honnêtes citoyen-nes qui ne sont pas d’accord avec les présentes législations abusives de part des gouvernements!

Je ne comprend pas la comparaison avec Hillary Clinton. Il y a eu investigation dans son cas aussi, et le FBI a conclu: … » Clinton had been « extremely careless » but recommended that no charges be filed because Clinton did not act with criminal intent, the historical standard for pursuing prosecution. » On parlait de 113 emails qui était peut-etre classé, mais pas de facon claire. Ca ne me parait pas comparable à ce qu’on attribut à Trump. Mais vous dites que c’était plus grave que ca… À partir de quelles sources?

Ce b’étaient 113 emails, mais plutôt 33,000 !!, renseignez vous bien !!, et elle les a effacé, quoiqu’avec certaines logiciels peuvent les récupérer !! Elle n’est pas une âme de Dieu, tout au contraire!!

Sur les 33000 courriels, seuls 113mails pouvaient être considérés comme ayant un contenu classifié. Énoncer les faits et les résultats de l’enquête ne veut pas dire que je l’a tient en état de sainteté, franchement! Et les dernières révélations montrent qu’il aurait été extrêmement dangereux de ne pas enquêter sur Trump. Non, pas de comparaison possible.

Le FBI ne fait pas de politique et il ne joue pas avec le feu actuellement dans ce dossier, comme l’affirme le titre de cet article. Les policiers ne font qu’appliquer la loi selon le principe que nul ne peut prétendre en être exempté. Rafael Jacob analyse la situation sous l’angle politique alors que le FBI est un corps de police indépendant du politique.

Il est dans l’ordre des choses de perquisitionner chez quelqu’un ayant quitté une fonction importante et qui est soupçonné de retenir des documents ne lui appartenant pas. C’est vrai dans le domaine de l’entreprise privée, ça l’est encore plus pour un employé de l’État ayant quitté ses fonctions, quelque soit le poste qu’il a exercé avant son départ. Les documents ont été demandés à Donald Trump depuis longue date de manière officielle et il n’a pas collaboré à la satisfaction des autorités, alors les policiers ne font qu’appliquer la loi et de par le principe de la séparation des pouvoirs en démocratie , ils n’ont pas à tenir compte de la portée politique de leurs actions.

Le FBI sont loin d’être impartiaux, ils penchent plutôt de part des démocrates que de la part des républicains, tout le monde sait ça à part vous !!

Le titre qui coiffe cet article et (à certains égards aussi) certains passages me laissent perplexes. Face à un homme qui ment autant qu’il respire, qui a sorti des lieux sécurisés des dizaines de boites illégalement, qui a fomentée un coup d’Etat (mais trop niais pour le réussir), et j’en passe, comment peut-on affirmer sans rire que c’est le FBI qui joue avec le feu?

Et ce sont quoi tes preuves qu’il ment comme il respire?, je crois que tu parles plutôt de Biden qui en passant a des propriétés en Ukraine !!, c’est pour cela qu’il défend autant ce pays? non!, ces intérêts sont plus profonds que ça !!

Enfin un article qui cherche, autant soit peu, une vérité, au lieu de flatter les croyances de vos lecteurs. Bravo!

D’abord, le PG et le FBI sont dans une position intenable dans cette affaire car ils sont dans la situation qu’on peut décrire en américain «Damned if you do, damned if you don’t». Joue avec le feu? Oh que non, ni le FBI ni le PG ne sont des idiots et ils savent fort bien que cette perquisition devait polariser le pays. Ils savaient aussi que Trump n’hésiterait pas à lancer une «preemptive strike» (il tire le premier en criant au meurtre pour se défendre) avant même que les boîtes saisies se soient rendues aux bureaux du FBI pour analyse. Leur choix se situait entre d’une part ne rien faire, ne pas appliquer la règle de droit, pour ne pas attiser la flamme conservatrice qui est sur le bord de déclencher un conflit ouvert, voire une guerre civile et, d’autre part appliquer la loi et la règle de droit mais donner de l’eau au moulin trumpiste. Le PG et le FBI ont choisi la règle de droit, ce qui est fort honorable. Vous oubliez toutefois de mentionner que le mandat de perquisition a été autorisé par un juge et on peut se demander si vous croyez que les juges aussi soient embarqués dans une cabale démocrate? (c’est certainement ce que les républicains vont claironner)

Maintenant, vous vous demandez quel est le fond de cette histoire. D’abord, comme je l’ai écrit ci-haut, les procureurs savaient que cette perquisition déclencherait un orage (sh1t storm) aux ÉU. Il faudrait qu’ils soient complètement idiots s’ils n’avaient pas des preuves solides avant de procéder à la perquisition, c’est à peu près certain, et ce ne sont pas des insignifiances de paperasse mal classée. Toutefois, ils ne vont pas (je l’espère) plaider leur cause sur la place publique pour satisfaire les journalistes. La preuve devrait normalement être dévoilée lors d’un procès devant un tribunal indépendant et impartial, pas le tribunal de l’opinion publique. Je suis certain qu’ils devront être convaincus qu’ils ont une forte probablilité de condamnation pour un (ou des) crime grave sinon ils ne porteront pas d’accusations.

Du côté politique, la droite américaine va-t-elle risquer de non seulement discréditer le politique, ce qu’elle a déjà fait, mais aussi le judiciaire (quoiqu’avec les nominations de Trump en particulier à la Cour suprême, on peut croire que c’est déjà fait) ? Si elle franchit cette ligne et que ni le judiciaire ni le politique ne peuvent résoudre la crise qui secoue ce pays fractionné en deux camps hostiles, ils risquent de sombrer dans le chaos, ce qui fera évidemment l’affaire de tous les ennemis des ÉU qui sont par ailleurs fort nombreux,

@V Cromp

Vous dites des sottises. Élaborez un peu et citez de vrais faits avant de crier au loup. Au fait, Il est si bon que ça le Cool-aid des républicains?