L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.
L’extraordinaire résistance ukrainienne à la suite de l’invasion russe de février 2022 tient, à ne pas en douter, au désir viscéral des Ukrainiens de défendre leur patrie. Cela se traduit de la sorte depuis maintenant un an grâce à un élément principal : le soutien colossal, à la fois militaire et financier, des États-Unis.
La Maison-Blanche de Joe Biden a versé plus de fonds à l’Ukraine au cours des 12 derniers mois qu’à tout autre pays dans une situation de guerre depuis l’aide acheminée par l’administration Roosevelt à la Grande-Bretagne au début de la Seconde Guerre mondiale.
Washington a donné plus à l’Ukraine que ne l’ont fait ses alliés de l’Europe — combinés. Et l’aide de Washington à l’Ukraine dépasse le budget annuel total de la défense de la Russie.
Si les doutes qui subsistaient par rapport à la détermination des Européens à maintenir les sanctions face à Moscou malgré la hausse des prix de l’énergie ont depuis été largement enterrés, de nouvelles questions font maintenant surface relativement à la volonté des États-Unis de conserver un tel niveau de soutien à Kyiv.
L’appui américain à l’Ukraine est-il en effet si solide ? Ou peut-il finir par être sérieusement remis en question ? Les réponses sont à la fois oui… et oui.
Solide pour l’instant
Tant que l’administration Biden sera au pouvoir, il serait surprenant de voir Washington battre en retraite soudainement et ne plus participer (indirectement) au conflit. Il y a, bien sûr, le positionnement de Biden sur la scène internationale : le président et son équipe ont tout investi dans la cause ukrainienne, qui est devenue la pierre angulaire de la politique étrangère de la Maison-Blanche.
Joe Biden ne pourra toutefois faire abstraction de la dimension politique de l’appui américain à l’Ukraine. Ce dossier représente actuellement pour lui ce que les politologues Sunshine Hillygus et Todd Shields considèrent comme un wedge issue : un enjeu unissant son propre parti et divisant la coalition électorale du parti adverse.
Ainsi, si les démocrates sont largement unis derrière Joe Biden dans son soutien indéfectible à l’Ukraine, la réponse est nettement plus ambiguë du côté républicain. Cela se reflète à la fois chez les électeurs et chez les élus des deux formations.
Au sein de l’opinion publique, d’abord, tous les sondages brossent le même portrait : l’écrasante majorité des électeurs démocrates approuvent l’aide à l’Ukraine, de même qu’une pluralité des électeurs dits « indépendants » (non affiliés aux deux partis majeurs) ; les électeurs républicains sont pour leur part profondément divisés.
Êtes-vous favorable ou opposé à l’aide financière des États-Unis à l’Ukraine ?
Total | Démocrates | Indépendants | Républicains | |
Favorable | 52 % | 74 % | 44 % | 38 % |
Opposé | 31 % | 15 % | 32 % | 45 % |
Indécis | 18 % | 11 % | 24 % | 17 % |
La dynamique est la même chez les élites et les élus du Parti républicain. D’un côté, un premier comité d’enquête de la nouvelle Chambre des représentants à majorité républicaine vient de réquisitionner officiellement tous les documents internes de l’administration Biden touchant l’aide à l’Ukraine ; de l’autre, le leader républicain au Sénat, Mitch McConnell, revient d’Europe après avoir personnellement cherché à assurer le soutien continu des États-Unis.
La clé : 2024
On commence déjà à voir les contours de ces lignes de démarcation dans la campagne naissante pour les primaires républicaines de 2024. La même journée (mercredi) où Joe Biden prononçait son discours solennel à Varsovie, en Pologne, Donald Trump diffusait une vidéo cinglante dans laquelle il promettait de s’en prendre au Pentagone et aux « va-t-en-guerre » de l’establishment à Washington qui financent l’effort de guerre ukrainien.
Lors de ces primaires qui décideront du candidat républicain à la présidentielle de 2024, Trump devra vraisemblablement affronter des adversaires comme Nikki Haley, Mike Pompeo ou même Mike Pence, nettement plus farouchement opposés à la Russie que lui.
Et son plus important rival potentiel, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, s’est servi de la visite de Biden en Europe pour y aller d’une rare incursion en matière de politique étrangère… et s’approprier la rhétorique trumpiste sceptique d’une aide « sans fin » à l’Ukraine.
Ainsi, si la capacité de l’Ukraine non seulement de résister, mais aussi de gagner contre la Russie découle de l’aide reçue de Washington, il n’y a qu’un pas à franchir pour affirmer que ce conflit pourrait se régler non pas à Kyiv, dans le Donbass ou au Kremlin… mais dans un bureau de scrutin d’Honolulu ou de Miami.
Fort Lauderdale ? Je ne sais pas. Mais je pense que, pour des raisons inimaginables, aujourd’hui ! qui seront intimement (exclusivement peut-être même) liées aux intérêts supérieurs des Etats-Unis, ce sont eux qui siffleront la fin de la « partie ». A ce moment-là, comme pour l’Afghanistan, il n’y aura plus aucun pays européen qui participera à ces formes d’escalade et de cobelligérance. A ce moment-là, les exigences de V. Zelinsky, les droits du peuple ukrainien, les valeurs de l’Occident passeront au second plan : on élaborera un autre credo. Pierre Magnuszewski, docteur en sciences politiques. 25.02.2023.
A voir la montée du despotisme mondial,avons-nous le choix d’appuyer au maximum les démocraties?
C’est la réalité. Mais qui d’autre a la puissance nécessaire pour mettre fin à cette guerre. Certainement pas l’Europe la prochaine sur la liste de Poutine. L’Otan c’est sa mission d’assurer la paix sur la planète sinon à quoi sert cette puissance. La Chine sait que ce n’est pas dans son intérêt économique de supporter la Russie.
Ce carnage initié par Poutine doit s’arrêter, que l’Otan faisse sa job.
la détermination de l’ukraine ne pèse pas lourd pour vous. on le lit bien. Et vos sympathies pour les républicain ne font encore moins de doute. C’est rendu que le gouverneur de Floride est «une révélation divine»! ce sont vos propre mots! à chaque fois qu’il est question des démocrates, vous tenez des propos les discréditants. Pas de problème là. Vous êtes le chercheur associé, et je ne suis rien. bien que je soit, la plupart du temps, en total désaccord. si bien, qu’il m’arrive de souhaiter que vous n’ayez plus le monopole des articles sur les états-unis. Trop, beaucoup trop partisan. Ce n’est pas avec l’argent qu’on gagne des guerres. (viêtnam, afghanistan, Irak l’ont assez démontré. Pourtant vous titrez que le sort de l’ukraine se jouera dans les officines politique et surtout, républicaine; comme si l’europe ne comptait pas. On ressens même en vous lisant une inclination pour Trump et cela, tant qu’il ne sera pas nuisible au gran ole party comme vous l’apellez très affectueusement.
Je ne suis pas d’accord avec vous. M. Jacob rapporte son analyse des faits sans jugement ni parti pris. Je lis ses chroniques avec un grand intérêt.
Be damned if you do, be damned if you don’t.
Une chose est certaine par contre; si l’Europe donne moins en aide directe, elle subit des conséquences que les USA n’ont pas à subir.
Coudonc, c’est tu juste moi mais si je ne m’abuse, il y a preuve de l’aide de Moscou à l’élection de Trump et ne sait-on pas que Poutine et le FSB aurait des preuves pouvant embarrasser Trump au point où ce dernier est à tout le moins un sympathisant malgré lui de Poutine! C’est clair comme de l’eau de roche que si Trump gagne la présidence, l’aide militaire américaine à l’Ukraine stoppe drette là si cette guerre (ou «opération spéciale» comme le veut le dictateur Poutine) continue jusque là.
Quant à l’Europe, l’appui à l’aide à l’Ukraine faiblit de jour en jour surtout dans la partie est de l’Allemagne qui, oh surprise, faisait partie de la RDA sous occupation soviétique. La Russie a toujours beaucoup d’amis dans l’ex-Allemagne de l’est et cette faction risque de torpiller les efforts du chancelier Scholtz d’aider l’Ukraine, du moins au point de vue militaire.
Donc, effectivement, la fin de l’Ukraine peut vraisemblablement se jouer dans les bureaux de scrutin des ÉU si les républicains et surtout si Trump triomphent. L’UE n’a pas la capacité de soutenir l’Ukraine à elle seule et l’OTAN va devenir ce qu’elle était pendant le «règne» de Trump, une morte vivante.
Poutine gagne du temps et il sait que l’Occident va s’essouffler et compte sur le fait que probablement ses amis vont revenir au pouvoir à Washington et gagne du temps pour sa victoire finale. La Moldavie est déjà dans sa mire et par la suite, les pays baltes fort probablement alors que l’OTAN sera de nouveau moribonde. Les Polonais ont de bonnes raisons d’être inquiets…