Les démocrates sont de retour. Pourquoi ?

Depuis la suppression de la protection fédérale du droit à l’avortement par la Cour suprême, en juin, les démocrates ont le vent en poupe. Est-ce une coïncidence ? Peut-être pas… 

Douglas Rissing / Getty Images

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

L’année électorale en cours aux États-Unis a quelque chose de fascinant et d’inusité. Alors qu’une défaite cinglante des démocrates semblait jusqu’à récemment se profiler depuis des mois pour les élections de novembre prochain, les choses ont pris un tournant pour le moins remarquable.

Pourtant, lorsqu’une formation « surfe » sur une vague de mécontentement à l’endroit du parti du président en fonction et effectue des gains majeurs aux élections de mi-mandat, cette vague s’est la plupart du temps amplifiée à l’approche du scrutin. Assez pour que le parti adverse soit pris par surprise.

Ça avait été le cas aux élections de 1994, surnommées la « révolution républicaine » après que les démocrates eurent perdu leur majorité dans les deux Chambres du Congrès. Le chef de cabinet du président Bill Clinton, Leon Panetta, avait avoué en toute franchise être « abasourdi d’avoir perdu autant de sièges ». Le parti du président en avait échappé 54 à la Chambre des représentants et 8 au Sénat.

Ce raz-de-marée se dessinait depuis des mois… et il a tout de même au final réussi à dépasser les attentes. Des scénarios semblables se sont produits lors des vagues républicaines de 2010 et 2014, et aussi lors de la vague démocrate de 2006.

Or, comme je vous l’ai mentionné ici la semaine dernière, l’énorme vague républicaine attendue semble s’être estompée — à tel point que les démocrates ont présentement bon espoir de limiter leurs pertes à la grandeur du pays, voire de faire des gains au Sénat.

Selon bon nombre de commentateurs, un facteur est en cause : l’avortement. Le ciel allait s’abattre en novembre sur les démocrates… jusqu’à l’invalidation par la Cour suprême — avec l’arrêt Dobbs — de Roe c. Wade, qui assurait un droit constitutionnel national à l’avortement depuis un demi-siècle. Depuis, tout aurait changé.

Si cette interprétation contient des bribes de vérité, elle présente également des lacunes importantes.

Un facteur, certes…

Ce qui paraît indéniable concernant le jugement Dobbs, c’est qu’il a eu un effet politique et électoral — et cet effet sert davantage les démocrates que les républicains. Dans le plus récent sondage national CBS, parmi les électeurs disant que le jugement influencerait leur vote, 69 % ont affirmé que ce dernier les rendait plus susceptibles d’appuyer les démocrates, contre seulement 19 % plus enclins à appuyer les républicains. Et environ trois fois plus d’électeurs disaient vouloir voter en novembre prochain pour protéger le droit à l’avortement, par rapport à ceux qui désirent le restreindre.

À la fois dans ce sondage et dans un autre mené par le Pew Research Center trois semaines plus tôt, c’est près de 60 % des électeurs qui déclarent considérer l’avortement comme un « enjeu très important » — une hausse statistiquement significative depuis le jugement Dobbs, constatée presque exclusivement chez les électeurs démocrates.

Le sujet a galvanisé la base démocrate. En mars, NBC News estimait que chez les électeurs considérés comme « très intéressés » par les élections de 2022, les républicains détenaient une avance de 17 points ; en août, l’écart avait fondu à seulement 2 points. La question de l’avortement y est certainement pour quelque chose.

Voyant cela, plusieurs candidats démocrates ont incorporé l’avortement à leur message électoral, dont Pat Ryan, qui a causé une petite commotion le 23 août dernier dans la vallée de l’Hudson en remportant un siège vacant à la Chambre des représentants. Les républicains s’attendaient à gagner ce siège.

… mais un facteur parmi d’autres

Cela dit, même s’il a gagné en importance, l’avortement demeure loin dans les préoccupations des électeurs. Les questions économiques, particulièrement l’inflation, se retrouvent plus haut sur la liste.

Lorsque les sondeurs d’Ipsos ont demandé aux personnes interrogées dans le cadre de leur plus récente enquête nationale de nommer les trois problèmes les plus importants auxquels fait face le pays, à peine 11 % ont cité l’avortement. À titre de comparaison, 46 % — environ quatre fois plus — ont choisi l’inflation et la hausse du coût de la vie.

The Economist, pour sa part, a demandé aux électeurs de se limiter à un seul enjeu important pour eux, et les proportions se sont révélées presque exactement les mêmes : environ quatre fois plus d’électeurs ont nommé l’inflation, par rapport à l’avortement. Dans le sondage NBC publié à la fin août, les « menaces à la démocratie » arrivaient même désormais loin devant l’avortement comme préoccupation numéro un.

Tout cela est cohérent avec l’évolution de la remontée démocrate sur une ligne de temps. En consultant les intentions de vote pour le Congrès et le taux d’approbation du président Biden, la même tendance s’observe : une stagnation pendant des semaines à la suite de la décision Dobbs sur l’avortement… puis une nette poussée commençant un mois plus tard, à la fin juillet, et ce, jusqu’à la fin août.

En août incidemment, l’inflation a, pour la première fois en plus d’un an, montré des signes de ralentissement, les prix de l’essence ont baissé de façon marquée et la confiance des consommateurs a enfin augmenté. C’est pendant ce mois aussi que Donald Trump a pris le plus de place dans l’espace public depuis son départ de la Maison-Blanche, particulièrement dans la foulée de la perquisition à Mar-a-Lago.

Il est vrai que « corrélation » et « causalité » ne sont pas synonymes. Mais s’il y a corrélation entre un facteur politique et la remontée électorale des démocrates au cours du dernier mois, la pression sur les portefeuilles des Américains et celle sur la démocratie exercée par l’ex-président républicain semblent autant, sinon plus, intimement liées à cette remontée que l’avortement… aussi important cet enjeu soit-il.

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Dans ce texte, Rafael Jacob a tendance à surpondérer l’impact de l’arrêt Dobbs avec la remontée des démocrates dans les intentions de vote. Lorsque les démocrates ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils n’ont pas depuis des décennies fait adopter une loi fédérale sur la planification familiale, exercice produit dans la plupart des juridictions occidentales.

Ce qui préoccupe les américains, comme le précise monsieur Jacob dans la seconde partie de son texte, c’est l’économie et l’efficacité de la lutte contre l’inflation. Or sur ce point, les démocrates ont répondu présent, la réussite des Plans considérés par l’administration Biden passe par la reconduction d’un nombre suffisant de démocrates. Advenant une perte de majorité, comme l’application de toutes les mesures prendra du temps, voire quelques années, le retour d’une majorité républicaine aurait certainement pour effet de ralentir ou d’annihiler le processus.

S’il faut donner un certain crédit aux politiques du président Biden, c’est certainement dans sa capacité de faire marcher les parlements, ce qui est l’essence même de la démocratie. Le fait encore qu’il entend légiférer sur les armes à feux, notamment sur la possession de fusils d’assauts va encore dans le bon sens pour affermir le vote des démocrates qui souhaitent qu’on en finisse avec ces tueries qui années après années ponctuent pour le pire les actualités de l’Amérique du nord.

Sur de tels points, le président Biden apparait être déterminé. Ce qu’attendent les gens, c’est d’avoir une tête de l’État qui les écoute et qui les entend, lequel ne s’enferme pas dans les carcans idéologiques qui paralysent toute forme saine de démocratie.

M. Biden prétend avoir réglé le problème de l’inflation en distribuant plus d’argent. La plupart du monde pense que c’est ça la solution, et c’est cela qui explique pourquoi le gouvernement l’a adoptée.

Or, cela ne fait qu’ajouter au problème. Le problème vient du fait que le gouvernement ne fait que créer de l’argent, avec comme résultat qu’il y a de plus en plus d’argent en circulation. La quantité de produits et services que peut produire la structure actuelle de notre économie est malheureusement restée plutôt stable. Quand on a plus d’argent à la poursuite d’une quantité fixe de produits et service le résultat normal est une augmentation des prix.

Cela nous a pris dix ans dans les années 1980’s pour arriver à cette conclusion. J ‘espère qu’on sera plus rapide cette fois-ci pour regarder la vérité en face.

Autre stratégie des Démocrates – la peur. Il suffit de convaincre leurs électeurs traditionnels que le diable lui-même risque de prendre le pouvoir pour que ces électeurs traditionnels sentent qu’ils ont l’obligation de voter. Il suffit de 2 ou 3% d’électeurs additionnels pour gagner les élections.