L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.
Mercredi a eu lieu le lancement non officiel de la campagne pour l’investiture présidentielle républicaine, avec la tenue du premier débat entre les différents candidats. Et pourtant, il est permis de croire qu’elle est déjà terminée, que le sort en est probablement déjà jeté.
Lorsque Donald Trump a annoncé sa candidature présidentielle en bonne et due forme, quelques jours après les élections de mi-mandat de novembre 2022, il était vulnérable au sein de son parti comme jamais depuis 2016. Les contre-performances des candidats qu’il avait appuyés durant ce scrutin important dans plusieurs courses clés l’avaient affaibli. Le contraste entre la vigueur — et la victoire — de son ex-poulain Ron DeSantis en Floride et ces résultats ouvrait une brèche réelle.
Huit mois plus tard, force est de constater que la brèche a été colmatée et qu’à ce stade-ci, il faudra l’équivalent d’une intervention divine pour empêcher Trump de décrocher l’investiture républicaine une fois encore.
Aucun acteur n’aura fait davantage pour souder à nouveau l’électorat républicain derrière le 45e président que le procureur démocrate de Manhattan, Alvin Bragg. En lançant le bal des inculpations contre Trump, il a permis à ce dernier de jouir d’un extraordinaire effet de ralliement tribal.
Au moment de sa première inculpation au printemps, Trump était une quinzaine de points devant DeSantis dans la moyenne des sondages nationaux — et plusieurs mettaient DeSantis au coude-à-coude ou même devant Trump dans les États clés. Moins de trois semaines après, l’avance de Trump avait plus que doublé. Quatre mois plus tard, c’est dans la foulée immédiate de sa quatrième et dernière inculpation qu’il a atteint sa plus forte avance : 40 points face à DeSantis.
Aucun outil n’a pu mesurer de façon plus probante le lien de cause à effet entre les démêlés de Trump avec la justice et sa domination auprès de l’électorat républicain que le récent sondage du Des Moines Register, en Iowa, premier État à voter dans le cadre des primaires.
Mené par la sommité des enquêtes d’opinion dans l’État, Ann Selzer, le sondage s’est déroulé sur une période de quatre jours. Le hasard faisant parfois bien les choses, environ la moitié de l’échantillon s’est vue contactée tout juste avant l’inculpation de Trump en Géorgie ; la seconde moitié, tout juste après. Selzer a ainsi pu effectuer une sorte d’expérience en temps réel avec un « groupe témoin » et un « groupe de traitement ». Dans le second groupe — celui contacté après que fut tombée la nouvelle de l’inculpation —, l’avance de Trump était de plus de 10 points supérieure à celle observée dans le premier.
Si vous croyez toujours en la possibilité d’une victoire de quelqu’un d’autre que le magnat de l’immobilier, considérez les résultats d’une autre enquête, diffusée par le réseau CBS et menée à l’échelle nationale auprès des électeurs républicains.
Après leur avoir présenté une liste de gens susceptibles de leur paraître dignes de confiance, on leur a demandé de dire s’ils croyaient en la véracité des propos de ces gens. La liste et les réponses positives allaient comme suit :
- les leaders religieux, 42 % ;
- les figures médiatiques conservatrices, 56 % ;
- les amis et les membres de la famille, 63 % ;
- Donald Trump, 71 %.
Autrement dit, il y a plus d’électeurs républicains qui ont davantage confiance en Donald Trump qu’en leur propre famille.
Que peuvent faire les autres candidats du parti dans un tel contexte ? Le premier débat républicain du 23 août illustrait à merveille l’impasse. Lorsque Chris Christie, le plus farouche critique de Trump dans le lot, s’en est pris à lui, il s’est fait fortement chahuter par la foule —, et ce, à maintes reprises. Quand les modérateurs ont demandé aux candidats de lever la main s’ils considéreraient de gracier Trump s’ils étaient élus à la Maison-Blanche, DeSantis a semblé regarder autour de lui pour voir de quel côté le vent soufflait.
Au final, la meilleure performance sur scène aura été donnée par la personne qui a le plus de potentiel en vue d’une élection générale : l’ex-gouverneure et ambassadrice Nikki Haley, qui a répondu à répétition avec aplomb et sensibilité à un électorat allant au-delà de la base républicaine. Néanmoins, même après six mois de campagne, Haley reste coincée sous la barre des 5 % d’appui auprès des électeurs républicains. Même si elle parvenait à offrir une performance de la sorte à chacun des débats, le retard de quelque 50 points qu’elle accuse face à son ancien patron demeure monumental.
Comment rivaliser avec lui compte tenu de toute l’attention médiatique inouïe qu’il reçoit grâce à ses problèmes judiciaires ? Au même moment où Haley et ses comparses croisaient le fer, Trump accordait une entrevue à Tucker Carlson sur le réseau social X (ex-Twitter) ; alors qu’il n’était pas encore minuit, elle avait été vue près de 100 millions de fois. Le lendemain matin, il était question de l’apparition de Trump devant la justice en Géorgie. DeSantis, Haley et les autres semblaient déjà presque oubliés.
Alors que l’on se trouve toujours au début du processus judiciaire pour Trump et que les mois à venir sont destinés à être monopolisés par ce dernier, comment la dynamique peut-elle réellement changer ? Tout demeure bien sûr théoriquement possible, mais si on dit, à raison, que Joe Biden n’est pas sérieusement menacé par les autres candidats à l’investiture démocrate, il en va de même pour Trump du côté républicain à l’heure actuelle.
Chaque bataille est gagnée avant même d’avoir été livrée, écrivait Sun Tzu. Quelque 2 500 ans plus tard, l’affirmation semble particulièrement vraie.
À moins d’un miracle?… Ces Amerloques ont pourtant trouvé une solution, au siècle dernier… dans le cas des frères Kennedy… Ah oui, mais c’était des jusqu’auboutistes de droite (sûrement des Républicains) qui ont fait aboutir le « miracle » en question. Des gens qui se considèrent (et sont trop souvent, dans cette société obsédée par le mythe des cowboys tout-puissants et invincibles…) au-dessus des lois et de la justice (avec un petit « j », parce que l’autre est plutôt nauséabonde, trop souvent ). Ce qui se passe présentement, c’est exactement ce qui est déjà arrivé dans l’ex-Yougoslavie, par exemple : c’est l’impunité et le « triomphe » du hors-la-loi, qu’un peu « tout le monde » admire tant… idolâtre même. Une société « sans foi ni loi », qui va finir, possiblement, par déclencher la 3ème guerre mondiale, tant ces gens ont le don d’irriter de plus en plus toutes les sociétés « autres » que l’américaine. Les fameux GAFFA ne manquent pas, d’ailleurs, de faire leur part, autant qu’ils peuvent. Cette attitude de « roi auto-proclamé » est désagréable… et mènera fort probablement le Monde à une catastrophe épouvantable… J’espère me tromper (sinon me « trumper »).
J’ai beau me gratter la tête jusqu’au sang, je n’arrive à comprendre le côté téflon à toute épreuve du trumpisme que pour la plus mauvaise raison qui soit : l’Amérique blanche constate qu’elle est en passe d’être bientôt minoritaire chez elle face aux Afros et aux Hispanos qui sont en train de remporter une véritable guerre démographique larvée. Par exemple, les Hispanos ont rendu la frontière sud complètement poreuse : ils reconquièrent donc de cette façon, lentement mais sûrement, les anciens territoires mexicains. Il s’agit donc fondamentalement d’un conflit ethnique qui tait son nom. Quant à la problématique des Afros, les Américains ne se sont jamais affranchis de l’esclavagisme et du suprémacisme blanc qu’il présuppose, l’idéologie raciste, criminelle, ronge encore les États-Unis. Je crois que l’ignorance crasse est la tare la plus répandue au monde, elle finira par conduire l’humanité tout entière à son autodestruction finale et définitive.
La façon de régler ce problème était dans les mains des procurers . S’ils avaient porté ces accusations plus rapidement rien de tout cela ne serait arrivé. Non ils rêvent de le voir sortir de chez lui ou de la Maison Blanche menottes aux mains. Ils en ont fait une victime au lieu de quelqu’un qui est une réelle menace pour la démocratie américaine.
Rachel Taillon