Un pays secoué par une vague historique de perturbations majeures et un politicien républicain exploitant l’instabilité de la situation pour se présenter comme le champion de la loi et l’ordre : plusieurs comparaisons ont déjà été lancées entre ce que nous vivons présentement aux États-Unis et le tumulte social qui prévalait il y a un demi-siècle.
Or, si les parallèles entre les contextes politiques et sociaux de 1968 et 2020 présentent des similitudes, ceux entre Richard Nixon et Donald Trump se tiennent beaucoup moins qu’à première vue.
Une ère de crise sociale
L’enlisement américain dans la Guerre du Viêt Nam et la conscription y étant rattachée. La lutte chaude autour des droits civiques. La « contre-culture » et le choc de nouvelles valeurs. Une série d’assassinats politiques majeurs, d’abord Malcolm X et John F. Kennedy à deux ans d’intervalle, puis Martin Luther King et Bobby Kennedy à deux mois d’intervalle. En 1968, les États-Unis formaient une poudrière qui n’attendait qu’à éclater — et c’est précisément ce qui arriva.
Émeutes à l’échelle nationale, violences entre étudiants et minorités contestataires opposés aux forces policières : 1968 était le théâtre d’une crise sociale qui combinait un ensemble d’ingrédients toxiques accumulé au fil des ans et arrivant à ébullition.
Quelque 50 ans plus tard, c’est un nouveau cocktail, mêlant ironiquement certains ingrédients n’ayant pas été entièrement évacués lors des réformes des années 1960. Car il ne faut pas se leurrer : la mort de George Floyd le 25 mai dernier en plein cœur du Minnesota, aussi horrible et scandaleuse soit-elle, n’a pas créé à elle seule l’explosion que l’on observe aux États-Unis depuis les deux dernières semaines. Elle survient après des décennies de ressentiment et de rage autour du racisme et des rapports problématiques, voire souvent mortels, entre forces de l’ordre et membres de la communauté afro-américaine. Des années d’inégalité et de division sociales et économiques extrêmes et de polarisation politique atteignant un sommet jamais vu depuis la Guerre de Sécession, entre 1861 et 1865.
Puis, une pandémie ayant plongé le pays dans une atmosphère morbide quotidienne et dans un état de tension intenable, et créé 40 millions de chômeurs et des files de plusieurs kilomètres de gens cherchant à manger, alors que le confinement leur retirait pratiquement toute forme d’exutoire.
En mai 2020, les États-Unis d’Amérique formaient une poudrière. Tout ce qu’il manquait était une bougie d’allumage — et comme bougie d’allumage, il était difficile de trouver plus puissant que l’horreur George Floyd.
Et ça a éclaté. Comme jamais depuis 1968.
Un champion de la loi et l’ordre
Dans le chaos de 1968, Richard Nixon, alors ex-vice-président américain chassé à deux reprises de la vie politique, en 1960 et 1962, avait mené une campagne pour la Maison-Blanche en promettant, si élu, de restaurer la loi et l’ordre. C’était ce que souhaitait selon lui la « majorité silencieuse » d’Américains qui n’était pas en train de manifester dans les rues.
Nixon gagna son pari, devançant de justesse dans une course à trois le candidat indépendant George Wallace, lui aussi souvent comparé à Donald Trump, ainsi que le démocrate Hubert Humphrey, qui était l’une des plus importantes voix ayant transformé son parti en formation prodroits civiques comme ex-sénateur du Minnesota… et ex-maire de Minneapolis.
La formule de la « majorité silencieuse », Donald Trump l’a déjà très explicitement — et habilement — utilisée à son avantage… en 2016. Or, Trump n’est plus aujourd’hui un candidat arrivant de l’extérieur du système et promettant de lui redonner sa forme d’antan. Contrairement à Nixon en 1968, il est le président sortant. Le chaos monumental dont les Américains sont témoins jour après jour survient sous sa gouverne. Il en est imputable.
Les campagnes électorales lors desquelles un président brigue un second mandat servant typiquement de référendum sur sa gestion, Donald Trump peut difficilement se réjouir des plus récents sondages estimant aux trois quarts la proportion d’Américains qui croient que leur pays est sur la mauvaise voie.
Si les choses continuent sur cette même voie, il est fort plausible qu’une fois arrivée au vote du 3 novembre prochain, 2020 commence à ressembler à une autre année : 1980.
Cette année-là, c’est un autre républicain — Ronald Reagan — qui parvenait à évincer du pouvoir un président sortant, Jimmy Carter, alors que le pays broyait du noir. À une semaine du vote, Reagan avait lancé une question, dévastatrice de simplicité, directement aux Américains. C’est aussi la même question avec laquelle Joe Biden et les démocrates pourraient résumer leur campagne cette année :
« Les choses vont-elles mieux qu’il y a quatre ans ? »
Rafael Jacob est chercheur postdoctoral à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.
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Certaines crises sont plus locales et d’autres plus globales. 1968 ne fait pas exception, la contestation de 1968 aux États-Unis est accompagnée par d’autres contestations ailleurs. Un des foyers principal de cette contestation prend place en France, la même année. Cette période est historiquement considérée comme insurrectionnelle, le pouvoir du général de Gaulle sur le point de vaciller, l’armée aux portes de Paris prête à intervenir.
D’autres pays et d’autres nations seront ébranlés.
Ironiquement, 1968 est aussi une année de pandémie avec la grippe influenza, connue sous le nom de « grippe de Hong Kong » (grippe H3N2) dont le nombre de décès est évalué entre 1 et 4 millions à travers le monde.
Ainsi devons-nous regarder comme l’écrit Rafael Jacob que les « ingrédients » de 2020 regardent par divers aspects comme ceux de 1968 sans être pour autant en tous points identiques. En sorte qu’il était peu probable qu’une crise qui regarde d’abord de la santé publique, qu’elle ne se transforme pas en une crise économique et une crise sociale où tout (actifs comme passifs) est remis sur la table.
L’une des questions que je me pose est de savoir si certaines fonctions sont bonnes pour la santé mentale de ceux qui les occupent ? Richard Nixon était un très habile politicien, pourtant sa fin de présidence est pitoyable. D’ex-présidents semblent souffrir de troubles comportementaux. Je ne vois pas comment l’actuel locataire de la Maison-Blanche pourrait réellement faire exception.
La gestion assez peu réussie de la crise sanitaire par le président — qui touche également les États-Unis -, semble démontrer qu’en dépit de l’attitude, il vit un stress considérable. Ce qui ne contribue pas à unir les Américains (pour paraphraser le général James Mattis) et redonner de l’espoir à la population.
Les prochaines années seront cruciales pour l’avenir du monde en sorte que les chefs qui adoptent un ton plus humaniste, plus collaboratif entre eux et avec toutes les nations, devraient probablement moins faire partie du problème et beaucoup plus de la solution.
Sur le front de l’apaisement, de la cohésion sociale et de la relance des énergies positives, je ne suis pas sûr que le président Trump fasse pleinement partie de cette solution globale. Nonobstant, par le biais d’une intervention divine… une transfiguration est toujours possible d’ici cinq ou six mois… le prompt rétablissement de « la loi et l’ordre » aidant…. Mais encore le droit et la justice pour tous, suivant les termes bienveillants des pères de la Constitution.
Luc Lavoie,n est pas celui qui veut aller à la chance au séparatistes ???
Il est bien vu dans certains milieux de calomnier systématiquement la présidence de Richard Nixon. Certes, il était loin d’être parfait mais, contrairement à Donald Trump, son règne s’est caractérisé par d’indéniables réussites, notamment : l’entrée du monde dans la Détente; le spectaculaire rapprochement avec la République populaire de Chine de Mao Zedong; la fin de la guerre du Viêt-Nam; la conclusion d’accords de désarmement avec l’Union soviétique; la diplomatie des sommets; l’amorce du processus de paix au Proche-Orient…
Par ailleurs, sur le plan de la politique intérieure, Nixon correspond à « plus que le Watergate » et son œuvre a été réévaluée. Il a incarné un type de républicain aux politiques plutôt centristes, voire progressistes, dans le domaine social. Un positionnement politique qui a aujourd’hui pratiquement disparu, en raison des dérives droitières successives du Parti républicain depuis cette époque…