Une décision de 800 millions lourde de conséquences

Un procès contre Fox News aurait permis d’exposer le système de mensonges instauré par la chaîne. Et aurait aussi ouvert une boîte de Pandore que personne, à droite comme à gauche, ne souhaitait toucher, sauf Trump. Explications.

Alex Wong / Getty Images

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

Signer un chèque de 800 millions de dollars (américains !) n’est pas un geste qui amènerait une personne saine à pousser un soupir de soulagement. Et pourtant !

On peut imaginer que plusieurs dirigeants du réseau de télé Fox News ont eu cette réaction à la suite de l’annonce d’un règlement à l’amiable de 787,5 millions de dollars dans l’action en justice que lui avait intentée l’entreprise canadienne Dominion. Le procès venait à peine de commencer : mardi avant-midi, on procédait à la sélection des membres du jury ; dès l’après-midi, le procès était terminé.

On se souvient, dans la foulée de l’élection présidentielle de 2020, que des personnes du clan Trump avaient soutenu que les machines Dominion ayant servi à tabuler les votes lors du scrutin avaient « falsifié » les résultats. Ce qui était faux, évidemment, et ce mensonge a en outre été répété ad nauseam sur les ondes de Fox News.

C’est ce qui a poussé Dominion à poursuivre la chaîne de Rupert Murdoch pour plus de 1,6 milliard de dollars, une somme qui, selon l’entreprise canadienne, équivalait aux pertes liées à l’atteinte à la réputation et aux contrats perdus en raison des mensonges propagés par Fox.

De toute évidence, Fox voulait mettre le couvercle sur la marmite rapidement. Il y avait, d’abord, le risque financier dans l’immédiat. Les preuves découvertes et apportées par Dominion étaient dans certains cas accablantes — notamment des déclarations écrites internes de la haute direction de la chaîne qui montraient une volonté de faire passer les cotes d’écoute avant la vérité.

De plus, le juge qui présidait l’affaire, nommé par l’ex-gouverneur démocrate du Delaware et allié personnel de longue date de la famille Biden, était ouvertement hostile à Fox. Le système judiciaire américain est grandement idéologique, même lorsqu’il est officiellement non partisan ; il n’y a pas que dans les dossiers comme l’avortement que l’on peut déceler les orientations politiques d’un juge. Fox pouvait ici constater que le magistrat ne lui ferait pas de cadeau. S’il existait une pire éventualité que verser 800 millions de dollars, c’était payer plus du double en perdant le procès.

Or, il y avait un risque encore plus grand que le paiement de 1,6 milliard : la création d’un précédent. Ou, plutôt, la réinterprétation d’un précédent. Particulièrement depuis la cause New York Times c. Sullivan, entendue par la Cour suprême en 1964.

En 1960, le New York Times avait publié une publicité pleine page payée par des partisans du révérend Martin Luther King, laquelle comportait des erreurs factuelles au sujet de son arrestation par le service de police de Montgomery, en Alabama. Le commissaire de police de cette ville, Lester Bruce Sullivan, a poursuivi le quotidien pour diffamation. La cause s’est rendue jusqu’au plus haut tribunal du pays, qui a débouté le commissaire dans un jugement unanime.

Les tribunaux ont ainsi interprété de façon plutôt large le premier amendement — qui garantit la liberté de la presse et la liberté d’expression — lorsqu’il est question de poursuites en diffamation. Notamment quand il est une figure publique, le plaignant doit démontrer non seulement un lien de cause à effet entre des propos diffusés dans un média et des dommages subis, mais de la « malice » de la part du média en question.

C’est le principe qui a constitué la base d’une série d’autres jugements majeurs depuis ce temps, dont la cause du pornographe Larry Flynt, dont le magazine Hustler avait publié une fausse publicité clamant que le révérend Jerry Falwell, figure de proue de la droite religieuse, avait eu des relations sexuelles avec sa propre mère. La Cour avait tranché, à la quasi-unanimité, en faveur du pornographe. Cette histoire avait inspiré un film mettant en vedette Woody Harrelson et Courtney Love.

Autrement dit, depuis plus d’un demi-siècle, la barre pour gagner une cause en diffamation contre les médias américains n’est pas inatteignable, mais elle est très haute.

Ainsi, mener l’affaire Dominion jusqu’au bout du processus judiciaire comportait le risque de voir les tribunaux revisiter cette jurisprudence, directement ou indirectement… et de la réinterpréter.

Déjà, de nombreux critiques de Donald Trump se plaignent du fait que Fox n’est pas obligée de « rendre des comptes » dans ce règlement à l’amiable. Cela se comprend : les propos de l’ex-président et de ses sbires au sujet de Dominion étaient indéniablement faux, et les répercussions sur la santé de la démocratie américaine, réellement importantes.

Il reste que l’envers de la médaille mérite également d’être considéré. Car Donald Trump aurait pu profiter d’une décision favorable à Dominion…

C’est que, lors de sa première campagne pour la Maison-Blanche, en 2016, l’un des premiers penchants autoritaires du candidat Trump s’était manifesté quand il avait exigé la révision des lois sur la diffamation. Dit simplement : Trump n’aimait pas se faire critiquer par les médias — et il voulait pouvoir poursuivre les organes de presse qui le faisaient.

Évidemment, les informations sévères au sujet du magnat de l’immobilier étaient souvent vraies — mais il arrivait qu’elles soient erronées, en particulier celles entourant la nébuleuse de l’ingérence russe dans l’élection de 2016. Souvenez-vous du dossier Steele, dont la fiabilité des sources était pour le moins douteuse…

Restreindre l’interprétation du premier amendement et faciliter les poursuites en diffamation aurait-il eu pour effet de refroidir d’autres médias voulant critiquer Trump ?

En 2017, Fox avait réglé à l’amiable, pour 90 millions de dollars, une série de poursuites sexuelles majeures, intentées dans la foulée du mouvement #metoo, contre certaines des figures masculines les plus importantes du réseau, dont son ex-PDG Roger Ailes.

Aujourd’hui, le réseau vient d’accepter de débourser sept fois cette somme pour évacuer la poursuite de Dominion. Ça n’a pas été fait par altruisme.

Et de nombreuses personnes dans les salles de rédaction rivales de Fox poussent peut-être elles aussi un soupir de soulagement.

L’ironie est gratuite.

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les chances que ce ce bouffon soit élu sont nulles , il a détruit l’économie mondiale , entrainant le canada de Trudeauflation et de tout le Plc corrompu
il lui reste 16 mois , pour ce non élu ,par les drapeaux et GAGA
le président Donald J TRUMP a gagne les 2020
et pour le capitole orchestrer par les démocrates , un jour la vérité sortira
le plus grand gagnant Zelenski, pas les ukrainiens car Biden et fils a des intérêts en Ukraine
on est pas des trolls la population mondiale
ce mangeur de glace a eu plus que OBAMA aller jouer au billes
mais pour Trudeau 2025 ,qu’il arrête de dépenser l’argent des canadiens Mr emergency act + 28 plc au gouvernement pour les 49 million de canadiens .Fringe minority ,quil dit
on est tous obligé daller dans les banques alimentaires
Mr se tape des vacances avec 5 gardes du corp a 70000 la journée
législateurs faites de quoi merci

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