La techno pour sauver le monde

Entretien avec l’ancien diplomate Daryl Copeland, membre du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.

Photo: Sébastien Thibault

Fêter son 18e anniversaire en 2018 garantit de voir, de son vivant, le premier président américain issu des géants du Web de la Silicon Valley.

Le président Donald Trump s’est appuyé sur deux piliers du XXe siècle pour se hisser au sommet : une fortune amassée dans l’immobilier et une notoriété acquise à la télévision. Or, le jour approche où un candidat conjuguera les deux grands pouvoirs du XXIe siècle pour s’installer à la Maison-Blanche : une fortune amassée grâce aux renseignements personnels des particuliers soutirés sur Internet, et une célébrité alimentée par les réseaux sociaux. Quelqu’un dans la salle a dit Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook ?

Ce pourrait être un mal pour un bien, puisque l’avenir de la planète se jouera au confluent de la science et de la technologie, estime l’ancien diplomate Daryl Copeland, membre du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal et auteur du livre Guerrilla Diplomacy : Rethinking International Relations (Lynne Rienner Publishers).

Selon lui, le défi des nouveaux adultes sera de réorienter les immenses ressources humaines et financières utilisées pour combattre le terrorisme vers la science et le développement humanitaire afin de sauver la planète. Une tâche à la mesure de l’ambition de cette génération, dit Daryl Copeland, qui a fait le point avec L’actualité.

Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à l’avenir de la planète ?

Si rien ne change rapidement, il y a de bonnes raisons d’être inquiets. Il y a une transformation fondamentale des enjeux que les nations doivent affronter, mais on ne sent pas que les États et les organisations internationales sont prêts à répondre à ces nouveaux défis.

Les principales préoccupations des pays, et même des grandes agences internationales comme l’ONU et l’OTAN, sont la violence politique, le terrorisme et l’extrémisme religieux. Ce sont des menaces réelles, mais les chances que ces phénomènes touchent directement un jeune Canadien de 18 ans sont aussi faibles que de prendre son bain dehors par beau temps et d’être frappé par la foudre ! Or, nous y consacrons l’essentiel de nos efforts sur la scène internationale.

L’avenir de la planète n’est pas remis en question par cette bataille de territoires ou d’idéologies. Il faut consacrer davantage de ressources ailleurs.

À quel endroit ?

Les vrais problèmes des prochaines années ont un point en commun : ils sont définis par la science et doivent être résolus par la diplomatie et les nouvelles technologies.

Vous parlez des changements climatiques ?

C’est en haut de la liste, mais ce n’est pas le seul défi planétaire qui exige une meilleure connaissance scientifique, plus de coopération internationale et le développement accéléré de nouvelles technologies pour s’y attaquer. Il y a l’affaiblissement de la biodiversité, la désertification, l’appauvrissement des océans, le partage des endroits communs stratégiques comme l’espace et les zones polaires, le sous-développement alimentaire de régions entières, la faible éducation de certains peuples et ainsi de suite. Les gouvernements consacrent peu de ressources humaines et financières à ces menaces en comparaison avec la sécurité et le terrorisme, alors que ce sont des phénomènes qui touchent beaucoup plus d’humains.

À ce titre, la montée du populisme qui prône un repli sur soi, comme aux États-Unis, n’est pas une bonne nouvelle ?

C’est le pire choix ! Nous avons besoin de plus de coopération, pas l’inverse. On a besoin de se parler, de voyager, d’accueillir des immigrants, de transmettre nos connaissances. Les États-Unis ne sont pas les seuls fautifs. Les gouvernements de toute la planète sont mal outillés pour faire face à ces nouveaux défis. La diplomatie internationale n’est pas orientée vers la science et les technologies. Combien de diplomates sont des scientifiques ? Très peu. Si un jeune veut faire carrière à la jonction de la science et de la diplomatie, il a de l’avenir !

Généralement, les départements scientifiques et technologiques des ministères des Affaires étrangères sont au sein de la division du commerce international, pas au centre de préoccupations comme la résolution de conflits ou les menaces potentielles.

Y a-t-il quand même une raison d’être optimiste pour un adulte de 18 ans ?

Oui, parce que sa génération croit davantage que les nouvelles idées et les futures technologies peuvent sauver la planète. C’est aussi la plus ouverte sur le monde et la plus instruite de l’histoire. Elle peut réinvestir dans la diplomatie scientifique et changer l’orientation trop militaire des interventions étatiques. Aucune armée ne pourra régler le problème de la dégradation des océans. Il est temps de revoir nos priorités.

Trois tendances à surveiller

1. La Chine deviendra la grande puissance mondiale, en lieu et place des États-Unis. Mais d’autres pôles d’influence émergent aussi : l’Inde pour l’ingénierie, le Brésil dans l’agroalimentaire, les super-fondations comme celle de Bill et Melinda Gates dans l’humanitaire…

2. Voyager est plus facile et abordable que jamais. Résultat : une pression sans précédent s’exercera sur les endroits touristiques de la planète. Frictions à prévoir.

3.  La fin des paradis fiscaux et le retour d’un certain contrôle étatique des profits des entreprises ? Les pays de l’OCDE y travaillent activement. Trop beau pour être vrai ? La grogne populaire contre l’évasion et l’évitement fiscaux pourrait forcer les États à en assurer le succès.

J’AURAIS 18 ANS EN 2018 <<<

Annie-Pier LagacéSherbrooke / Sciences humaines, profil psychologie /
Cégep de Sherbrooke / Métier rêvé : hésite entre le droit,
la criminologie, la sociologie et la psychologie

« Le principal défi qui attend les humains dans les prochaines décennies est de s’entendre. On parle souvent d’une possible Troisième Guerre mondiale. Il faut apprendre à se connaître pour comprendre que, dans le fond, on veut tous la même chose : être heureux. Mais pour ça, il faut avoir une ouverture d’esprit. Ce qui est différent n’est pas nécessairement mauvais. »

« Je m’intéresse à l’Asie parce que c’est une culture complètement différente de la nôtre. Je vais faire un stage au Viêt Nam et je veux voir comment ça marche concrètement là-bas, quelles sont les choses qu’on pourrait leur emprunter pour que ce soit plus positif ici. »

« À part des tout-compris, mes parents sont toujours restés au Québec. J’aimerais faire un voyage sac au dos et ils capotent ! »