Depuis la chute du régime nazi, c’est la première fois que l’Allemagne affronte une si forte percée de l’extrême droite. La double fusillade de Hanau du 19 février dernier est en effet intervenue après une longue liste d’actes aux motivations racistes commis dans le pays. Le 14 février, la police allemande avait réussi à empêcher un groupuscule extrémiste de s’attaquer à des immigrés. Le 9 octobre 2019, un sympathisant d’extrême droite avait tenté d’ouvrir le feu dans une synagogue.
Au-delà des attaques ouvertement xénophobes, les militants s’en prennent également à des élus qui ont pris fait et cause pour les étrangers qui ont obtenu l’asile de l’Allemagne à partir de 2015.
De nombreux maires et quelques députés sont menacés de mort. Un député d’origine sénégalaise, Karamba Diaby, a reçu en janvier dernier un courriel de menace finissant par Heil Hitler. La mairesse de Cologne, Henriette Reker, déjà blessée par un sympathisant néonazi qui l’avait poignardée au cou en 2015, a reçu en juin 2019 une lettre se terminant par la salutation Sieg Heil — le « salut à la victoire » des nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ces tentatives d’intimidation sont prises très au sérieux depuis qu’un ancien député du land de Hesse, Walter Lübcke, a été abattu près de chez lui, en juin 2019. Les enquêteurs privilégient la thèse d’un assassinat politique. Deux militants d’extrême droite ont été arrêtés. Le principal suspect, un néonazi de 45 ans, a avoué sa culpabilité avant de se rétracter et d’accuser un comparse.
Dans l’arène politique, les deux partis qui défendent des thèses de l’extrême droite ont le vent en poupe. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui a fait son entrée au Parlement fédéral en 2017, est arrivée deuxième dans trois lands de l’Est en 2019. Le Parti national-démocrate (NPD), encore plus à droite, ce qui lui vaut d’être qualifié de néonazi, siège au Parlement européen depuis 2014. Personne ne se hasarde à prédire que leurs candidats feront moins bien aux prochaines élections fédérales, en 2021, et européennes, en 2024. Sans compter que des groupes et groupuscules nationalistes comme Pegida et le Mouvement identitaire auraient dans leurs rangs environ 24 000 militants, selon le ministère allemand de l’Intérieur.
L’extrême droite est devenue incontournable. À tel point que la droite modérée s’est associée à elle, en février, pour empêcher la gauche de présider une région, le land de Thuringe. Pour la première fois, un ministre-président a été désigné grâce à des élus de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de l’Alternative pour l’Allemagne.
« Jamais depuis 70 ans […] la démocratie n’a été aussi menacée », selon Armin Laschet, le ministre-président (« premier ministre ») de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, un land de l’Ouest.
Les forces dites antisystèmes, souvent antiparlementaires, expriment ouvertement la colère, voire la haine, que leur inspirent les étrangers, les élites politiques et les partis traditionnels au pouvoir depuis la chute d’Adolf Hitler, en 1945. Ce sentiment de défiance est accentué par les inégalités croissantes et la crainte du déclassement, dont beaucoup d’Allemands se sentent victimes, y compris dans les rangs de la classe moyenne.
C’est le constat que fait le Québécois Yan St-Pierre, le PDG de MOSECON (Modern Security Consulting Group), un cabinet d’experts-conseils en matière de contre-terrorisme, de sécurité et de relations internationales. Installé depuis 13 ans à Berlin, ce Montréalais d’origine, ancien chargé de cours de l’Université Humboldt, compte parmi ses clients le Sénat de Berlin.
Quelles pourraient être les conséquences de la montée des idées de l’extrême droite en Allemagne ?
Elle pousse tout l’échiquier politique sans cesse plus à droite. En Allemagne, il est très difficile pour un parti d’obtenir une majorité parlementaire. Cela contraint même les principales formations à nouer des alliances, des coalitions qui, par définition, reposent sur des compromis. Pour attirer des sympathisants d’extrême droite, qui sont de plus en plus nombreux, les grands partis s’approprient les idées de cette mouvance. Ils leur offrent une tribune et leur donnent une plus grande légitimité, que ces idées n’avaient pas avant. Au final, les grands partis adoptent des positions qui s’alignent de plus en plus sur celles de l’extrême droite, notamment en matière de sécurité.
Il est tentant de faire un rapprochement avec la CAQ, au Québec. Ce n’est pas un parti d’extrême droite, bien entendu, mais en jouant sur les peurs des électeurs et en mettant l’accent sur la sécurité, il alimente l’idéologie d’extrême droite. Au lieu de la désamorcer, il la renforce. C’est la conséquence de cette stratégie, même si ces partis, au Québec comme en Allemagne, ne le voient pas ou ne veulent pas le voir.
Les électeurs allemands, de plus en plus nombreux à bouder le parti de la chancelière, font-ils payer à Angela Merkel son ouverture à l’immigration ?
Oui, mais en partie seulement. Des études montrent que les défections de la droite vers l’extrême droite, de la CDU vers l’AfD, s’expliquent moins par le seul rejet de la politique migratoire que par un ensemble de facteurs, y compris certaines positions de la CDU que ses partisans jugent trop libérales, comme le soutien au mariage homosexuel ou à la mondialisation. Selon de récents sondages et études, environ 30 % des électeurs de l’AfD se prononcent en faveur de ce parti parce qu’ils estiment que les élus ne sont pas à l’écoute des électeurs, qu’ils sont déconnectés de leur réalité quotidienne. La politique migratoire joue un rôle important, certes, mais moins qu’on le croit en général.
Le vote pour l’extrême droite est-il un vote de protestation contre un patronat favorable à des immigrants prêts à accepter de bas salaires ?
Pas du tout. Cela aurait pu être le cas avant l’adoption par l’Allemagne d’un salaire minimum en 2015, mais ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les entreprises ont bien profité de l’arrivée des immigrants ; dans plusieurs secteurs, elles en avaient désespérément besoin. Mais les syndicats aussi ! Ils ont touché d’importantes subventions pour leur intégration.
Pourquoi est-ce que tant d’Allemands, dont le pays connaît le plein emploi ou presque, se sentent menacés par des travailleurs étrangers ?
Oui, c’est un pays riche, mais les inégalités sont importantes. Trente ans après la chute du mur de Berlin, l’ex-Allemagne de l’Est est encore beaucoup moins riche que l’ex-Allemagne de l’Ouest. C’est là, dans l’ancienne République démocratique allemande, que l’extrême droite obtient ses plus beaux scores électoraux. Beaucoup d’Allemands ont le sentiment d’avoir été laissés à eux-mêmes depuis trop longtemps. Ils reprochent aux immigrants d’abuser d’un système mis en place par des Allemands sur plusieurs générations. Puis, il y a une certaine crainte allemande, que résume bien une expression très répandue dans la langue courante : deutscher Angsthase, soit le « lapin craintif allemand ». Le « lapin allemand » a peur de la différence et de ce qu’il ne comprend pas.
Pourquoi l’extrême droite en Allemagne s’en prend-elle aux élus qui se sont prononcés en faveur de l’accueil des étrangers ?
Parce qu’ils sont perçus comme des traîtres à la nation allemande, aux valeurs allemandes, du moins selon l’idée que s’en fait l’extrême droite. Elle considère que l’Allemagne est un pays chrétien, où l’islam n’a pas sa place, et que les interdits alimentaires ou le port du voile sont des affronts à ces valeurs. Elle estime que l’Allemagne est un pays libéral sur le plan des mœurs. Les Allemands se promènent facilement nus ou presque dans des saunas ou piscines publics, et elle juge que l’islam n’est pas compatible avec ce mode de vie.
Les militants de l’Alternative pour l’Allemagne refusent le qualificatif d’extrême droite. Ont-ils raison ?
L’AfD cherche, du moins officiellement, à se distancier de l’extrême droite. Le 28 août dernier, la chef du parti dans le land de Thuringe a même été exclue, justement à cause de ses liens avec un groupe d’extrême droite. Cette formation, née pendant la crise de la dette de l’euro, à partir de 2008, se considère d’abord et avant tout comme un parti antieuropéen. Mais, dans les faits, depuis 2015, c’est un parti anti-immigrants. Ses militants se présentent comme les authentiques défenseurs des valeurs conservatrices, qui auraient été délaissées par les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel et ses alliés de toujours, les sociaux-chrétiens de Bavière. L’AfD est donc un parti populiste qui, pour réaliser des gains politiques à court terme, utilise un discours qui rappelle celui de l’extrême droite.
Quels sont ses liens avec le Parti national-démocrate, un parti néonazi ?
Leurs relations sont compliquées. Aux élections nationales de 2013, le NPD a fait campagne sur le thème « Votez l’original ». C’était sa façon d’accuser l’AfD, qui est un peu moins à droite, de lui voler ses idées. Contrairement à cette formation, le NPD se réclame de la « droite forte ». Dans les faits, il sert de pépinière à l’AfD. Il attire des jeunes qui, en vieillissant, finiront par rejoindre l’AfD, dont l’image est moins sulfureuse. Il faut comprendre, toutefois, que ce qui passait pour sulfureux avant les attentats du 11 septembre 2001 est aujourd’hui considéré comme acceptable. Le discours sécuritaire des 20 dernières années a été une aubaine pour l’extrême droite : elle en a profité pour propager son idéologie et recycler un discours antiétrangers en discours sur la sécurité.
La sécurité est devenue un enjeu politique, un enjeu partisan, dont s’est emparée toute la droite. Un dirigeant de la CDU, Friedrich Merz, a même récemment affirmé qu’il fallait modifier le programme du parti pour reconquérir le vote des policiers et des militaires. On sait que ces deux groupes appuient de plus en plus souvent l’AfD, justement en raison de ses positions en matière de sécurité et d’immigration.
Qui se cache derrière les menaces et les attentats visant les élus locaux ?
La police ne met pas toujours le paquet pour savoir qui est à l’origine des menaces. Certains maires le lui reprochent, d’ailleurs. Mais, dans le cas de Walter Lübcke, dont l’assassinat a eu l’effet d’une douche froide sur bon nombre d’Allemands, on sait qu’un des suspects a déjà été aperçu dans des rassemblements du NPD. Ce n’est pas interdit ! Il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un parti légal — ce qui fait aussi débat. Beaucoup de gens soutiennent qu’il devrait être interdit à cause de ses positions néonazies, mais la Cour constitutionnelle a bloqué son interdiction au nom du pluralisme politique.
Les attentats qui ciblent les élus ont-ils nui aux partis d’extrême droite ?
Non. Dans les intentions de vote, l’appui à l’AfD et au NPD reste constant au niveau fédéral : environ 12 % et 1 %, respectivement. Mais, au niveau régional, l’AfD obtient plus de 25 % d’appui dans certains lands. Quant au NPD, il est souvent marginalisé et moqué. En général, c’est mal vu de voter pour ce parti. Les gens qui n’auraient jamais voulu être associés au NPD soutiennent plus facilement l’AfD. Cela leur permet d’exprimer des idées très proches des positions néonazies, sans être stigmatisés comme étant pro-NPD.
Quel rôle joue la Russie dans la montée de l’extrême droite en Europe ?
Difficile à dire. Il y a beaucoup de rumeurs et de fantasmes, mais l’influence russe est réelle, ne serait-ce que sur le plan, disons, logistique. Sur Internet, des pirates et des extrémistes de droite communiquent entre eux dans des forums et des serveurs hébergés en Russie. Ils bénéficient d’un certain soutien russe, quoique pas forcément officiel. Un certain nombre de sympathisants russes, les plus nationalistes, appuient ces mouvements-là.
La Russie est bien vue par l’extrême droite européenne. Elle est perçue comme un pays slave, un pays « pur », qui s’oppose au libéralisme occidental et défend des valeurs chrétiennes. Pour les nationalistes européens, c’est l’exemple à suivre. Ils estiment que la Russie a raison d’utiliser la manière forte pour défendre « son » territoire. C’est pour cela que l’extrême droite n’a jamais condamné l’annexion de la Crimée. Au contraire, des combattants d’extrême droite sont allés se battre au Donbass, dans l’est de l’Ukraine, lorsque des rebelles prorusses ont proclamé son indépendance, en 2014.
La plupart des pays qui ont connu des immigrations massives ont eu des problèmes. C’est fou de ne pas réaliser ça, et c’est l’une des raisons pour lesquelles l’immigration doit être contrôlée et doit se faire lentement.
Ceux qui pensent que les immigrants vont s’intégrer après quelques années sont aussi dans l’erreur. Les Européens (nos ancêtres) ne se sont pas intégrés avec les Amérindiens, tout comme les Noirs aux États-Unis sont très mal intégrés avec les Blancs. Plusieurs sous-groupes forment des communautés fermées et, de temps en temps, cela pose problème.
L’arrivée de musulmans en masse, avec leurs croyances religieuses très fortes… n’est pas facile à accepter et à intégrer. C’est qu’ils sont le peuple élu d’Allah!!! De plus, parmi eux, il y a cette minorité islamiste qui pose problème, et qu’ils n’osent pas critiquer.
Qu’est-ce-que la CAQ à affaire dans ce texte….Je ne comprend pas !
Laisser sous entendre que la CAQ est un partie extrême qui s’apparente au parti Nazi ,ce type n’a pas de bon sens…