L’Amérique latine, cette inconnue

Photo : Daphné Caron pour L’actualité

Le français, l’espagnol et le portugais sont trois langues d’origine latine. Cette proximité linguistique fait du Québec une destination prisée par un grand nombre de Latino-Américains qui choisissent d’immigrer au Canada. Le Québec abrite seulement 23 % de la population totale du Canada, mais il est le lieu de résidence de 38 % de la population canadienne originaire d’Amérique latine. Beaucoup sont nés en Haïti, mais bon nombre viennent aussi des autres pays du Sud. Nous avons donc de bonnes raisons culturelles de mieux connaître l’Amérique latine.

Cet ensemble, formé de 21 pays, est immense. Il compte 623 millions d’habitants, soit presque deux fois la population des États-Unis, 17 fois celle du Canada et 75 fois celle du Québec. Sa production économique annuelle est de 9 900 milliards de dollars américains. Cela équivaut à 8 % du revenu mondial.

Le poids économique des pays de l’Amérique latine varie grandement. À un extrême trônent deux géants : le Brésil et le Mexique. Ils produisent respectivement 33 % et 24 % de la richesse totale de l’Amérique latine. À l’autre extrême, à peine 1,6 % de la richesse émane des cinq plus petites économies réunies (Salvador, Honduras, Nicaragua, Haïti et Belize).

Le niveau de vie est également très variable d’un pays à l’autre. Le plus riche est le Chili, où le revenu par habitant est de 25 000 dollars. Il est suivi du Panamá, de l’Uruguay, de Cuba et de l’Argentine. Chacun de ces pays jouit d’environ la moitié du pouvoir d’achat qu’on trouve au Canada ou au Québec. Cependant, tout au bas de l’échelle, la pauvreté est extrême en Haïti. En fait, un Québécois gagne en deux semaines ce qu’un Haïtien gagne en un an.

Le graphique ci-dessous permet de constater que, depuis 2000, la croissance économique a évolué à des rythmes très différents selon les pays. Le revenu par habitant a plus que doublé au Panamá, le pays dominant. La croissance a été solide également en République dominicaine, au Pérou et à Cuba. À l’autre bout du spectre, elle a été médiocre dans les trois plus grands pays du continent : en Argentine, au Brésil et au Mexique. De plus, en Haïti et au Venezuela, le niveau de vie a carrément diminué. Il est aujourd’hui inférieur à ce qu’il était en 2000.

Diverses raisons expliquent ces succès et ces échecs. Jusqu’en 2008, les économies d’Amérique latine ont bénéficié du boum des ressources naturelles. Des facteurs particuliers à chaque pays ont ensuite amplifié ou atténué la récession de 2009 et ses conséquences.

Au Panamá, des activités portuaires, commerciales et financières stables ont dynamisé l’économie. En République dominicaine, l’industrie touristique a connu une forte expansion. À Cuba, le tourisme a remplacé l’exportation du sucre comme principale activité économique. Le Pérou a bénéficié d’ententes de libre-échange avec plusieurs grands pays.

À l’inverse, une suite de désordres monétaires et financiers ont secoué l’Argentine. Le Brésil, pour sa part, peine à se relever de la récession dans laquelle il a sombré en 2014. Il souffre en même temps d’un grave problème de gouvernance. Le défaut de gouvernance est également évident au Mexique, où s’ajoute l’incertitude entourant l’avenir de l’ALENA. Haïti a été frappé à maintes reprises par le malheur : des désastres géologiques et climatiques répétés l’ont assommé. Le Venezuela, enfin, éprouve de sérieuses difficultés à gérer son économie à la suite de la chute du prix mondial du pétrole depuis 2014.

Il y a du bon et du moins bon dans ces évolutions. Tout de même, globalement, l’économie a crû deux fois plus en Amérique latine qu’en Amérique du Nord depuis 2000 : 86 % contre 36 %. La croissance de la population en âge de travailler devrait continuer à favoriser le Sud dans les années à venir. Une expansion de nos relations commerciales avec l’Amérique latine nous permettrait d’augmenter et de diversifier nos exportations, et d’aider au développement de ce continent. Plusieurs accords bilatéraux de libre-échange entre le Canada et des pays latins sont déjà en vigueur. Il faut les utiliser à plein.

Les raisons de mieux connaître l’Amérique latine ne sont pas seulement culturelles. Elles sont aussi économiques.

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Exact…

Parlant justement de Cuba, il serait intéressant que Monsieur Fortin nous indique dans quelle direction vont les radeaux…?

L’article de monsieur Fortin ne prend pas en compte à l’exception de Cuba, de la République Dominicaine et d’Haïti (pour de mauvaises raisons), l’ensemble de la sous-région des Caraïbes. Qui compte quelques États comme Porto-Rico qui n’est pas pris en compte dans son palmarès. — Ceci ne change certes pas grand-chose quant aux arguments fondamentaux pris en considération dans son texte… mais il convenait d’apporter cette modeste précision.

Ceci affecte bien sûr sensiblement la population et le nombre de pays pris en note.

De la même façon, certains chiffres doivent être relativisés. Ainsi par exemple la croissance du revenu par habitant au Panamá résulte du dynamisme de ses activités financières et la spéculation immobilière qui lui est associée. Tout le monde a bien sûr entendu parler des « Panama papers », ce qui démontre une ingénierie financière qui profite des carences réglementaires sur les placements « off-shore ». Il est assez aisé de conclure du caractère artificiel de cette nouvelle prospérité. Sans compter l’opulence du narcotrafic toujours florissant, lequel reste évidemment difficile à chiffrer….

Le doublement théorique de près de 200% du revenu par habitant occulte amplement la situation réelle du panaméen moyen où plus de 25% de la population continue de vivre sous le seuil de la pauvreté et 3% en pauvreté extrême selon les rapports de la Banque Mondiale.

Globalement d’ailleurs ce qui dessert l’Amérique latine ce sont toujours les inégalités qui ne se sont guère estompées depuis les heures où médecin fraichement diplômé, le jeune Ernesto Guevara sillonnait l’Amérique du Sud en moto pour prodiguer à toutes les populations des soins de santé tout-à–fait gratuitement.

Une leçon d’humilité que nos médecins canadiens et autres spécialistes de la santé bien rémunérés devraient peut-être prendre quelquefois en réflexion.