Le droit à l’avortement malmené en Pologne

Les Polonaises ne peuvent se faire avorter qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Mais des mamies marchent pour faire changer les choses.

Photo : Hélène Bienvenu

VARSOVIE— Comme chaque jeudi depuis cinq ans, à 16 h 30, drapeau arc-en-ciel à l’épaule, Gosia Wołyńska rejoint dans le centre de Varsovie ses consœurs du groupe Polskie Babcie (mamies polonaises), avec qui elle se porte à la défense de l’État de droit dans leur pays. À 78 ans, cette bibliothécaire retraitée est de toutes les manifestations pour « lutter contre les violations [des] droits [en Pologne] ». Surtout depuis l’entrée en vigueur d’une interdiction quasi totale de l’avortement, le 27 janvier dernier. Ce durcissement du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui était déjà l’un des plus restrictifs en Europe, suit une décision du Tribunal constitutionnel, inféodé au gouvernement national-conservateur du parti Droit et Justice (PiS), selon laquelle avorter pour cause de malformation du fœtus — 98 % des IVG légales dans ce pays à majorité catholique — est « contraire » à la Constitution polonaise. Des dizaines de milliers de Polonais étaient descendus dans la rue à la suite de ce jugement, qui a généré la plus forte mobilisation populaire depuis la fin du communisme. Avec moins d’intensité qu’à l’automne, la contestation se poursuit tout de même depuis que cette mesure a force de loi, sans doute, comme l’espère Gosia, « pour éviter de tomber dans l’indifférence ». Ne reste aux Polonaises que deux conditions pour se faire avorter : en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. « Celles qui en auront les moyens pourront se débrouiller, mais cela va susciter davantage d’avortements moins sûrs », craint l’activiste. D’autant que près de 200 000 IVG seraient réalisées clandestinement chaque année en Pologne, soit bien loin des quelque 1 000 avortements répertoriés annuellement dans les données officielles.