
Entre tradition d’hospitalité et contrôle strict de l’immigration, l’État français ne fait pas toujours dans la solidarité. Devant les manquements, une partie de la société civile a pris le relais, jusqu’à se trouver dans l’illégalité.
« C’est honteux ! » rouspète un passant. De son menton, le vieil homme désigne les gros rochers installés par la mairie sous un pont, en plein milieu d’un camp de fortune établi dans un quartier du nord de Paris.
Des migrants y avaient monté leurs tentes, en attendant d’être acceptés dans le centre d’accueil surchargé, situé à quelques centaines de mètres. À cause des rochers, certains ont dû chercher un autre endroit où s’abriter de la pluie. Ceux qui sont restés se contorsionnent, avec leurs tentes, entre ces énormes cailloux. Indigné, un collectif de tailleurs de pierre est venu rappeler aux autorités, en la gravant dans la roche, la devise française : Liberté, Égalité, Fraternité.
« Qu’est-ce que tu ferais, toi, si tu croisais au bord de la route une famille, pieds nus, transie de froid, perdue dans la montagne ? Eh bien, tu les aides, c’est tout. » Éric est persuadé que ce qu’il fait, n’importe qui le ferait.
Choqués de l’accueil réservé aux migrants et demandeurs d’asile, une partie des Français s’engagent pour leur venir en aide. Ce qui n’est pas étranger au fait que le bénévolat associatif ait fait un bond de plus de 11 % de 2010 à 2016 dans l’Hexagone, selon France Bénévolat, une association qui s’occupe de mettre en relation candidats au bénévolat et monde associatif. Une multitude de regroupements proposent aux migrants de l’hébergement chez des particuliers, des cours de français, des repas chauds, de l’aide pour les démarches administratives… Quitte à défier les autorités, comme dans le sud-est de la France, où des bénévoles sont poursuivis en justice pour ce qu’ils appellent « un délit de solidarité ».
Dans une maison à flanc de montagne de La-Colle-sur-Loup, petite ville près de Nice et de la frontière franco-italienne, les casseroles tintent entre les bribes d’arabe, d’anglais, d’italien et de français. On s’active pour le repas. Du haut de son 1,50 m, un enfant de 12 ans prépare des pâtes à la bolognaise. Plus débrouillard que bavard, ce gamin érythréen est arrivé la veille avec trois compagnons de fortune à peine plus âgés. Difficile de connaître leur parcours. Éric, un habitant du coin qui se charge d’accueillir les migrants, ne s’inquiète pas : « Parfois, il faut du temps pour pouvoir se confier », dit l’homme dans la cinquantaine. Sans parler d’autre langue que leur dialecte d’origine, les quatre ados, aussi surprenant que cela puisse paraître, ont trouvé facilement des repères et rigolent en préparant le repas.

Le propriétaire de cette maison atypique, Hubert, bénévole d’Habitat et Citoyenneté, une association d’aide humanitaire et juridique d’une dizaine de membres, n’est pas là aujourd’hui. La confiance est telle qu’il a confié ses clés à l’un des demandeurs d’asile. La maison est ouverte à ceux qui en ont besoin, pour une nuit ou plusieurs mois. De fait, elle est toujours remplie, et quand les quelques lits et canapés sont tous occupés, c’est le jardin qui se tapisse de tentes. Jusqu’à 50 personnes en même temps ont partagé ce lieu de vie. En ce moment, autour de la grande table sont assis, à côté des quatre ados, des demandeurs d’asile venus du Darfour, du Soudan, de l’Érythrée et du Pakistan. Leur exil les a conduits jusqu’à cette maison refuge, où ils reprennent des forces avant de continuer leur périple.
Dans bien des cas, traverser la frontière franco-italienne les a épuisés. Au lieu de prendre le train, où le profilage racial est systématique, des milliers de migrants venus d’Italie tentent de traverser les Alpes à pied. Mais la frontière est très bien gardée : la police nationale et municipale, les Compagnies républicaines de sécurité (les CRS, une force de police spéciale lourdement équipée), la gendarmerie et même l’armée et ses caméras infrarouges y patrouillent avec pour ordre de ne laisser passer personne. Régulièrement, la presse locale relate l’histoire de ceux qui sont morts en longeant la voie ferrée ou l’autoroute. Certains, dans un geste désespéré, ont sauté d’un pont pour fuir la police.

Depuis 2012, il n’est plus illégal en France d’héberger une personne en situation irrégulière. Mais la loi punit toujours — à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros (près de 45 000 dollars) — toute personne « qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ».« Qu’est-ce que tu ferais, toi, si tu croisais au bord de la route une famille, pieds nus, transie de froid, perdue dans la montagne ? Eh bien, tu les aides, c’est tout. » Éric est persuadé que ce qu’il fait, n’importe qui le ferait. Pourtant, ce n’est pas sans risque.
Ce sont les chefs d’accusation portés contre Francesca, membre comme Éric de l’association Habitat et Citoyenneté. Lors de son procès, en avril, le procureur a réclamé huit mois de prison avec sursis. La sentence est tombée le 19 mai et Francesca n’a finalement pas écopé d’une peine de prison, mais d’une amende de 1 000 euros. Une sentence vécue comme une victoire, mais cela ne l’empêchera pas de faire appel, pour le principe. « De toute façon, ils passent, dit la femme de 29 ans à propos des migrants. Donc, autant les aider et empêcher des gens de mourir. » Dans la région, 13 habitants ont été inculpés pour des faits du même genre. Ce qui n’a pas découragé Francesca pour autant. « J’ai conscience qu’il s’agit de quelque chose d’illégal. Mais je ne l’accepte pas, poursuit-elle. Ce sont les autorités qui fabriquent des clandestins en les traitant de la sorte. »

Depuis deux ans, c’est encore plus dur, selon la jeune femme. La police française renvoie les migrants dans les centres d’enregistrement et d’accueil qui ont été créés par l’Union européenne là où la crise migratoire est la plus importante, en Italie ou en Grèce, notamment. Inlassablement, ils reviennent pour tenter de nouveau leur chance à la frontière française. Ils patientent alors à Vintimille, dernière ville italienne avant la Côte d’Azur, jusqu’à trouver un moyen de traverser. Mais ils n’y sont pas les bienvenus. Le maire de Vintimille a récemment passé un arrêté municipal pour interdire aux habitants de nourrir les migrants. Un arrêté qui s’est traduit par des arrestations de militants venus distribuer de l’eau et des sacs de nourriture.
Au refuge de La-Colle-sur-Loup, Mamadou, 28 ans, originaire du Darfour, ne comprend pas pourquoi il est traité ainsi : « On a quitté la mort pour retrouver la mort ici. » Son histoire et ses souffrances sont celles de milliers de ses compatriotes. Sa famille a été tuée, lui a été emprisonné et torturé pour avoir participé à une manifestation. Devenu opposant politique, il a eu le choix des armes, mais a préféré opter pour l’exil. Il raconte comment, sur les côtes libyennes, les passeurs leur ont tiré dessus pour empêcher leur bateau de pêche, au moteur trop abîmé pour transporter les 450 passagers, de faire demi-tour. Comment les passagers, si nombreux dans la cale, ont dû chacun leur tour passer la tête par une trappe pour pouvoir respirer. Certains n’ont pas réussi et les corps sans vie se sont entassés, jusqu’à ce qu’un navire récupère les survivants et les emmène en Italie.
Mamadou a du mal à comprendre la façon dont il est traité en Europe : « Pourquoi ceux qui nous aident sont-ils poursuivis ? » Pour cet exilé, c’est une nouvelle famille qu’il a trouvée ici depuis son arrivée, en début d’année. Francesca est comme une sœur, Éric, un frère. Dans un large sourire, il reprend : « Ils nous ont redonné espoir en ce monde, ils nous enseignent ce que veut vraiment dire être un être humain. »
Cet article a été publié dans le numéro de juillet 2017 de L’actualité.
Compte tenu de la situation qui perdure depuis près de deux décennies et qui s’est accentué durant les huit dernières années pour les pays européen, il faut que la migration dite « économique » cesse mais pas au prix de martiriser les personnes qui réussissent à parvenir sur le continent ni les personnes qui leurs donnent à manger et à boire, mais une surveillance des emmerdeurs qui sont grassement payés pour les faire passer.
En ce qui a trait aux illégaux, l’Europe dispose de lois pour les retourner vers leur destination d’origine. Si les pays de l’Union Européenne ne fait rien, elle croupiera sous des dettes qu’elle sont déjà engagés à l’heure actuelle.
Les terres d’acceuils qu’étaient les pays européens sont devenus de véritables cirques où les migrants économiques affluent par millions par année. Cela ne donne rien à personne si tout le système s’écroule, ce qui est déjà à nos portes.
Il y a longtemps que les pays de la terre entière auraient dû mettre de côté, les pays exportateurs d’armes notamment les USA, la Russie et Israel qui fabrique des Kalasnikov en Afrique du Sud depuis près de 20 ans. Il faut aller à la source des problèmes et non de continuer à ramasser les dégâts dont les coûts augmentent de façon vertigineuse.