Les options américaines en Ukraine

Avec le début de la guerre en Ukraine, plusieurs options s’offrent à Washington face à Moscou. Aucune d’entre elles ne garantit quoi que ce soit cependant, surtout pas une fin heureuse.

AP Photo/Alex Brandon, montage : L'actualité

L’auteur est chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, où ses travaux se concentrent sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.

Alors que la Russie a officiellement entrepris l’invasion de l’Ukraine, et que la Maison-Blanche a déjà fait savoir qu’un tel geste hostile allait déclencher une série de mesures sévères contre Moscou, une question fondamentale s’impose : quelles sont les options pour les États-Unis à ce moment-ci ?

Il y en a quatre.

Les sanctions

L’administration du président américain Joe Biden peut continuer — comme elle le fait depuis lundi, après la reconnaissance par Moscou des régions séparatistes prorusses de l’Est ukrainien — à imposer des sanctions financières au régime russe. L’idée est d’y aller de façon graduelle, en passant à des punitions de plus en plus sévères. C’est ce qu’elle a annoncé jeudi, avec quatre banques russes supplémentaires pénalisées et plus de la moitié des importations technologiques de la Russie supprimées. Vladimir Poutine pourrait être aussi personnellement sanctionné.

Toutefois, cette voie est semée d’embûches internes pour le président démocrate. Car ce n’est pas seulement le degré de sévérité qui risque d’augmenter progressivement, mais également le degré de difficulté à faire adopter ces mesures par les élus. Car, constitutionnellement, les sanctions les plus musclées sont généralement celles qui doivent recevoir l’aval du Congrès, où l’atteinte d’un consensus est un travail ardu, surtout en cette période de grandes divisions aux États-Unis.

Au sein de l’OTAN, la résistance, particulièrement de la part de pays européens craignant la Russie ou dépendant d’elle, se fera sentir tôt ou tard. Par exemple, bien que l’administration Biden semble avoir réussi un important coup diplomatique en obtenant de l’Allemagne, après des semaines de tractations, la décision de suspendre le « fameux » oléoduc Nord Stream 2 la liant à la Russie, d’autres nations, comme l’Italie, paraissent déjà frileuses à l’idée de se mettre davantage à dos leur principale source d’approvisionnement en gaz.

Et puis, les sanctions ont un pouvoir limité. Tout simplement parce que, pour la Russie, lorsqu’il est question de l’Ukraine, les considérations de nature économique peuvent avoir un poids très relatif par rapport aux préoccupations géopolitiques. Tant et aussi longtemps que le Kremlin se sentira menacé par l’Occident, comme c’est le cas depuis maintenant des années, notamment depuis le rapprochement de son voisin avec l’Europe et l’OTAN, punir financièrement quelques oligarques n’accomplira pas de miracles.

L’insurrection

Si Poutine cherche à occuper le territoire ukrainien pendant une certaine période, les États-Unis pourraient appuyer et financer, à visage découvert ou secrètement, une insurrection sur le sol contre les troupes russes. C’est ce que le sénateur et ex-candidat présidentiel républicain Mitt Romney suggérait déjà en janvier à la télévision américaine. Romney, qui il y a 10 ans avait qualifié la Russie d’« ennemi géopolitique numéro un » des États-Unis, voit dans une éventuelle insurrection la possibilité de saigner — au sens figuré et littéralement — la Russie.

Poutine, si sensible à l’histoire de son pays, doit se souvenir que les enlisements militaires à l’étranger ont été au cœur de la chute du régime tsariste pendant la Première Guerre mondiale et du régime soviétique pendant la guerre froide. Les risques liés à une occupation de l’Ukraine — le fait de devenir responsable d’un pays de 40 millions de personnes dont la nette majorité, particulièrement dans sa partie ouest, ne veut rien savoir d’une présence russe — sont bien réels pour Poutine. La perspective de complications et de pertes militaires soutenues pourrait peser dans la balance.

Toutefois, les coûts d’une telle approche, ne serait-ce qu’en pertes de vies pour les Ukrainiens, seraient considérables et l’issue demeurerait incertaine. En fin de compte, les États-Unis pourraient contribuer à créer ou alimenter l’équivalent d’un conflit civil qui ferait des torts inimaginables à l’Ukraine… et réduirait pratiquement à néant ses chances de se joindre à l’OTAN — le point de départ de la crise. Poutine pourrait ironiquement en sortir gagnant.

La militarisation

En plus de financer une insurrection, les États-Unis pourraient, en principe, se porter activement à la défense de l’Ukraine en y envoyant leurs propres soldats. Il s’agirait évidemment de l’option la plus nette — et aussi, bien sûr, la plus dangereuse. Comme l’a récemment dit le président Biden lui-même : « Lorsque les Américains et les Russes commencent à se tirer dessus, il y a une guerre mondiale. » Cette option a donc, pour l’instant, été catégoriquement rejetée par la Maison-Blanche.

Cela n’a toutefois pas empêché l’administration Biden de donner son appui à l’envoi de soldats dans des pays baltes comme l’Estonie et la Lettonie, ex-territoires soviétiques comme l’Ukraine, voisins de la Russie et… membres de l’OTAN. Dans un contexte où l’article 5 de la charte de l’OTAN stipule la défense mutuelle des membres du Traité de l’Atlantique Nord et où Biden a promis très explicitement de défendre « chaque pouce carré » du territoire de l’OTAN, alors que la Russie s’oppose à l’adhésion de ces pays à l’organisation militaire, ce n’est pas une décision sans risque. Il a répété cet engagement jeudi, lors de sa conférence de presse après une rencontre avec les dirigeants de l’OTAN.

L’acquiescement

L’option la plus élémentaire a été écartée d’emblée par les États-Unis dès le début de la crise : considérer sérieusement, voire accepter la demande première de la Russie de s’engager à ne pas admettre l’Ukraine dans l’OTAN. Or, si cette option était irrecevable pour les Américains et leurs alliés avant que Poutine ordonne l’invasion, elle semble carrément impensable aujourd’hui.

Le lecteur s’étant rendu jusqu’ici aura compris une chose : à ce stade-ci de la crise, il n’existe plus de sortie miracle pouvant être orchestrée par les États-Unis.

La suite ne s’annonce pas belle.

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Dans cette chronique, Rafael Jacob évoque avec justesse la possibilité d’une escalade militaire en Ukraine, connotant l’envoi de troupes. Sur la bases des données que je m’efforce de colliger, je relève que cette option semble assez peu probable immédiatement. Une autre option est cependant plus probable, plus conforme à la doctrine militaire de l’Otan, consistant à s’engager dans une confrontation directe avec la Russie.

Dans ce cas cette confrontation pourrait avoir lieue sur trois ou quatre fronts.

Comme le précise Rafael Jacob, conformément à la charte de L’Organisation : dans les pays baltes membres de l’Organisation de l’Atlantique Nord : Lituanie, Estonie, Lettonie, incluant aussi la Pologne où des troupes et des missiles sont déjà concentrés et susceptibles d’être renforcés.

Un second front pourrait être en Mer Noire, des manœuvres maritimes de l’Otan ont pris place récemment sur le thème de la neutralisation de la marine russe postée notamment à Sébastopol. La Sixième flotte des États-Unis basée en Italie est une armée forte de 21000 hommes, près de 200 avions de combat et 40 navires. Elle peut être soutenue par les forces navales européennes, dont les forces françaises. Cette force peut être ravitaillée par la Turquie et par la Grèce notamment.

Le déploiement assez rapide d’une telle armada est susceptible de faire très mal à la Russie.

Un troisième front plus risqué serait dans le Pacifique (Septième flotte des États-Unis) d’où l’armée américaine basée au Japon pourrait déclencher une attaque massive, notamment dans la région de Vladivostok. Ce qui comporte des risques élevés, c’est la proximité de la Corée du Nord et de la Chine. D’où résulterait un concevable embrasement.

Un quatrième front (optionnel) maritime également, consisterait à intervenir dans l’Arctique pour fin de détruire la capacité industrielle de la Sibérie. Ce qui priverait grandement la Russie de produire et de vendre ses hydrocarbures.

Il est possible évidemment que de tels scénarios débouchent sur une troisième guerre mondiale (ce que redoute le président Biden) puisque la Russie pourrait aller de l’avant en réduisant à néant plusieurs nations d’Occident. Lorsqu’il ne fait aucun doute que les stratèges militaires russes ont depuis des années travaillé sur l’ensemble des conséquences que pourraient engendrer cette prise de contrôle du territoire ukrainien.

L’une des questions subsidiaire sera de savoir comment réagira le monde musulman, les conditions pourraient être réunies pour que le Jihâd soit alors sur le point de débuter. La survie d’Israël pourrait être sérieusement menacée. Il faudrait moins d’une année pour voir se multiplier les fronts. La sécurité intérieure de nombreux pays sera mise à mal.

L’une des solutions pour régler la crise serait que l’Otan admette que depuis 30 ans, est allé trop loin dans son délire obsessionnel d’hostilité envers la Russie lorsqu’il est urgent de construire des ponts entre les nations.

Vladimir Poutine a tendu de nombreuses fois la main en direction de l’Occident, mais à chaque fois c’est le chien qui a mordu la main.

Intéressant mais il ne faut pas être naïf, l’OTAN pouvait difficilement fermer la porte aux demandes de pays devenus démocratiques de rechercher sa protection, surtout dans le but de faire face aux visées expansionnistes bien connues du dictateur Poutine. D’un autre côté, Poutine est un menteur pathologique qui n’a de cesse de vouloir déstabiliser l’Occident et les démocraties pour prendre leur place sur l’échiquier mondial aux côtés de son allié chinois. Ses promesses ne valent rien et l’engagement de l’OTAN de ne pas accepter de nouveaux membres en aurait été une à sens unique.

Enfin, il y a un élément que vous n’avez pas souligné, du moins pas directement, c’est le fait que la Turquie est membre de l’OTAN et comme vous mentionniez la flotte américaine dans la Méditerranée, la Turquie pourrait songer à bloquer la circulation des navires russes dans le Bosphore, ce qui serait sur son propre territoire, bloquerait les Russes d’accès aux eaux internationales de la Méditerranée et engagerait l’OTAN si Poutine décidait de forcer le barrage du Bosphore par des voies militaires. Il serait intéressant de voir la réaction du président autocratique Erdogan si une telle demande lui était faite par ses alliés de l’OTAN!

@ NPierre,

Vous soulignez un point assez important concernant le passage des navires dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Par la Convention de Montreux signée en 1936, la Turquie ne peut s’opposer au passage de navires civils non Turcs. Puisque la dite convention fait de ce passage une voie maritime internationale.

Toujours en vertu de la même convention, la Turquie ne peut empêcher le passage d’un navire de guerre qui s’en retourne à sa base d’origine. Ainsi les navires russes qui croisent en Méditerranée, ne peuvent-ils être empêchés de retourner à leurs bases en Mer Noire. La même mécanique s’applique pour les navires de l’Otan qui quand ils croisent en Mer Noire ne peuvent pas être empêchés de revenir à leurs ports d’attache.

Il convient de préciser que jusqu’à nouvel ordre, la Russie respecte les termes de la Convention de Montreux.

La donne peut effectivement changer en cas de guerre. La Turquie pourrait alors limiter le passage et la Russie pourrait comme implicitement vous le suggérez, procéder à un éventuel blocus des détroits. Mais pour le moment il n’y a pas officiellement déclaration de guerre de l’Otan contre la Russie.

Il convient de préciser que Kiev a justement demandé à la Turquie de bloquer le passage des navires russes tant civiles que militaires dans ces détroits. Pour le moment les autorités turques ont diplomatiquement déclarées qu’elles allaient étudier la demande ukrainienne mais que pour l’instant elles continueraient d’appliquer la règle en vigueur de 1936.

La Turquie en a profité d’ailleurs pour préciser que la Convention de Montreux peut empêcher un navire de sortir (en cas de guerre) mais ne peut en interdire le retour de ceux qui sont sortis.

Si l’Otan exigeait de la Turquie qu’elle bloque le passage à tous navires russes (entrée et sortie), il faudrait dans cette occurrence parler de ce qui dans le droit de la guerre s’appelle un « casus belli », ce qui signifie le droit légitime de la Russie de déclarer la guerre à l’Otan.

Pour ce qui est de votre opinion sur le président Poutine, je ne commenterai pas. Vous avez droit à votre opinion et j’ai droit à la mienne. Je me contenterai de discerner que nous possédons sur ce point de sérieuses divergences d’opinions.

Merci encore pour votre remarque géo-stratégique très pertinente.

Il y aura 0 front. D’autant moins que l’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN et que la Russie est de toute façon en position de force en cas d’une impensable escalade nucléraire.

Merci à toi Rafael ……, c’ est évident que la ( ou les ) situation est tout à fait incroyable , dangereuse , pas souhaitable ..Je n’ai pas toujours bien suivi malgré tout l’ Ukraine , surtout le fait de ne pas avoir compris pourquoi ce pays n’ est pas membre de l’ OTAN ..mais , ce qui m’ inquiète tout de même c’ est la Paranoïa évidente ..! Merci encore !

On ne peut laisser la Russie gagner sur se point
Même si l’occident a menti à sa promesse d’arrêter d’agrandir l’OTAN avec des pays limitrophes à la Russie
C’est derniers,préfèrent s’associer avec l’occident qu’avec le régime poutine.
Je crois qu’il faut « étouffer » se régime dangereux même si ça déclenché une guerre mondial parce que c’est clair que la Chine(meilleur ami politique)
Va se mêler au conflit et va profiter de l’occasion pour déstabiliser l’Asie…
Mieux vaut agir maintenant que d’attendre
Ça peut juste être pire malheureusement