
Les rues de Montevideo sont désertes en ce début d’année. Certains habitants sont partis rejoindre les stations balnéaires de Punta del Este et Punta del Diablo, un peu plus à l’est, pour profiter des plages et du soleil.
Bref, la vie suit son cours dans la capitale uruguayenne, et ce, même avec la récente nomination — en décembre dernier — de l’Uruguay comme «pays de l’année 2013» par le magazine britannique The Economist. Le quotidien The Guardian, quant à lui, en a fait son candidat favori à l’obtention du prix Nobel de la paix.
C’est qu’en l’espace de trois ans seulement, le pays de 3,3 millions d’habitants a su se démarquer de ses voisins sud-américains en adoptant une série de réformes progressistes depuis l’arrivée au pouvoir de José Mujica, en 2010.
«Pepe», comme le surnomment affectueusement ces concitoyens, appuyé de son gouvernement du Front Large — Frente Amplio (qui regroupe plusieurs branches de la gauche) —, a ainsi dépénalisé l’avortement et autorisé le mariage pour les personnes de même sexe, en plus d’avoir légalisé la production et la commercialisation du cannabis.

Cannabis
Cette dernière mesure est loin d’être passée inaperçue. Votée en décembre dernier, la loi devrait permettre aux Uruguayens de plus de 18 ans, une fois inscrits au registre national, d’acheter jusqu’à 40 grammes de marijuana par mois dans des pharmacies homologuées par l’État.
Ils seront également autorisés à cultiver dans leur domicile six plants de cannabis par an, mais pour usage personnel seulement. Des clubs (réunissant de 15 à 45 personnes) pourront quant à eux faire pousser 99 plants par an en toute légalité.
La mise en œuvre de la loi n’interviendra pas, cependant, avant le mois d’avril.
En faveur de la légalisation, Raul, qui exerce le métier de chauffeur de taxi, se dit satisfait de l’action du gouvernement, dont le but est de contrer le narcotrafic et d’éradiquer le marché noir.
«La légalisation de la marijuana est positive», explique l’homme, qui admet consommer régulièrement des drogues douces. Néanmoins, il reste perplexe quant à l’objectif de la loi. «Même en encadrant la consommation et la vente, les gens continueront à s’approvisionner chez leurs dealers habituels», croit-il.
Cela ne l’empêche de vanter les qualités de José Mujica, l’«homme du peuple» connu comme étant le chef d’État le plus pauvre du monde : celui-ci verse en effet près de 90 % de son salaire mensuel à diverses organisations sociales.
Proche de ses concitoyens et résidant dans une modeste ferme en compagnie de son épouse, Mujica rompt ainsi avec l’image des autres chefs d’état sud-américains. Critiqué au lendemain du vote par l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) des Nations unies, celui qui fut guérillero du temps de la dictature militaire (1973-1985) a répondu en invitant le président de l’organisation à venir le rencontrer en Uruguay plutôt que de proliférer des mensonges.

Mais tous ne voient pas d’un bon œil le fait de légaliser la production et le commerce du cannabis. Pour José, qui a passé 18 ans de sa vie aux États-Unis avant de revenir dans son pays natal, «cette loi est purement médiatique». Employé dans les transports publics, le trentenaire aimerait voir plus d’investissements en santé publique et en éducation, par exemple.
«Le cannabis, ce n’est pas vraiment une priorité. La qualité de nos écoles et de nos hôpitaux publics est déplorable. Ce sont des réformes dans des secteurs comme ceux-là dont nous avons réellement besoin», explique-t-il.
Tradition libérale
L’Uruguay : un grand pays en matière d’avancées sociales, alors ? Selon Gustavo San Román, professeur de littérature au département d’études hispaniques de l’Université de Saint Andrews, en Écosse, cette tradition progressiste trouve ses racines dans l’histoire du pays et de son peuple.
C’est au cours du XXe siècle que l’Uruguay s’est forgé cette identité libérale en adoptant toute une série de réformes sur des thèmes aussi variés que l’abolition de la peine de mort, l’autorisation du divorce, l’assurance santé et la nationalisation de nombreux services publics.
De fait, sur un continent où l’Église catholique continue de jouir d’un pouvoir considérable, le petit État laïque coincé entre deux géants — l’Argentine et le Brésil — fait office de précurseur en matière de politiques sociales. «[Cette Église] n’a jamais été très forte en Uruguay et a perdu de son influence au XIXe siècle», indique San Román, spécialiste de la culture et de l’identité uruguayennes.
Un exemple : en octobre 2012, l’Uruguay est devenu le troisième endroit en Amérique latine à légaliser l’interruption volontaire de grossesse, après Cuba et le Guyana. Cette loi donne l’autorisation à une femme de mettre fin à une grossesse jusqu’à 12 semaines de gestation, sous certaines conditions.

Mariage gai
Le 10 avril 2013, le Sénat a définitivement permis aux personnes de convoler en justes noces en Uruguay. Le pays est ainsi devenu le douzième au monde à se prononcer en faveur du mariage pour tous, de même que le second sur le continent sud-américain après l’Argentine, en 2010.
Chez le voisin brésilien, le mariage entre personnes de même sexe est autorisé seulement dans certains États. «J’espère que mon peuple va continuer à se montrer toujours plus tolérant envers les homosexuels», explique Andrea, une nutritionniste originaire de l’Uruguay maintenant installée à Fortaleza, au Brésil, avec son époux.
C’est le 22 août dernier que l’Uruguay a célébré son premier mariage entre conjoints de même sexe, en présence de nombreux journalistes venus du monde entier pour couvrir l’événement. «Il s’agit d’un jour historique pour le pays», avait alors affirmé Sergio Miranda, un des mariés, à l’agence de presse espagnole Efe.
Dès septembre 2009, les couples homosexuels s’étaient vu donner le droit de se porter candidats à l’adoption après avoir officialisé leur «place» au sein d’une union civile, un statut qui est entré en vigueur le 1er janvier 2008. Cette mesure avait alors fait de l’Uruguay le premier pays d’Amérique latine à donner le droit aux couples de même sexe d’adopter un enfant.
Facal en dormira pas! Surtout que son pays avait fait le carré d’as au dernier Mundial.