Melbourne, la ville du bonheur

Championne du monde de la qualité de vie depuis six ans, Melbourne dévoile ses atouts. Suivez le guide!

Photo: Nigel Killeen / Getty Images
Photo: Nigel Killeen / Getty Images

 

Il y a d’abord tous ces petits coups de main, ces attentions très visibles quand on prend le tramway à Melbourne. Des inconnus qui s’aident à porter les courses. Un conducteur qui tient une conversation avec un sans-abri en mal de lien social… Puis, sans qu’on s’y attende, des notes de musique résonnent dans la rame. Tram Sessions, un groupe de béné­voles qui organise des concerts impromptus dans le tramway (le plus vaste du monde, avec ses 245 km), a invité ce jour-là le chanteur Hein Cooper à s’y produire, avec sa guitare. Le conducteur sourit, les passagers d’abord un peu surpris sor­tent rapidement leur téléphone pour immortaliser l’éphémère.

«C’est vraiment melbournien, hein?» me lance Ashleigh Hills, une grande blonde originaire de Nouvelle-Zélande, qui gère les Tram Sessions depuis que les créateurs du concept, des Suédois, sont rentrés chez eux.


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Réputée pour sa culture, son art urbain et sa vie de quartier, Melbourne est la championne du monde de la qualité de vie depuis six ans, selon le cabinet britannique indépendant The Economist Intelligence Unit, propriété du groupe qui publie le magazine The Economist.

La deuxième ville d’Australie, avec quatre millions d’habitants, n’a pas de monument phare comme Sydney, ses plages ne sont pas mythiques, son climat est plus capricieux (on peut expérimenter les quatre saisons en une journée), et pourtant, son charme continue d’opérer depuis sa fondation, en 1835.

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«Je me suis toujours demandé pourquoi les touristes viennent à Melbourne plutôt qu’à Sydney. Mais y vivre, c’est formidable», dit Sophie Couchman, conservatrice du Musée chinois, ouvert en 1985 pour raconter la ruée vers l’or, mais aussi l’immigration récente en provenance d’Asie. Elle adore sa ville natale: «Notre architecture victorienne est très spéciale, nos parcs sont magnifiques, la nourriture est délicieuse. Sydney, c’est la flamboyante, bondée et dynamique. Mais Melbourne, c’est une famille.»

Selon les auteurs du palmarès, les Melbourniens bénéficient de très hautes prestations sur le plan de la sécurité, des soins de santé, de la culture, de l’environnement, de l’éducation et des infrastructures, autant de services répartis sur 7 694 km2 (16 fois la taille de l’île de Montréal).

«Melbourne est une magnifique ville, jeune, avec de larges trottoirs pour flâner, dit le maire, Robert Doyle. Notre but, c’est d’avoir une ville à taille humaine au service des gens.»

«Nous venons de 220 nationalités, parlons 260 langues et dialectes, pratiquons 150 confessions religieuses, ajoute-t-il. Mais nous formons un seul Melbourne.»

Pour une fois, pas besoin de se promener avec le parapluie de secours, comme tout bon Melbournien. Il fait 40 °C en ce jour de février. La chaleur est étouffante. Direction Hosier Lane, la ruelle taguée la plus célèbre de la ville. Au milieu des touristes, une mariée se fait prendre en photo. «C’est un peu le cirque ici», déplore Daniel Lynch, as des graffitis des allées melbourniennes depuis cinq ans. Avec ses lunettes colorées, le graffiteur de 38 ans ne passe pas inaperçu. Il s’arrête devant un graffiti immense, dédié à la cause aborigène, peint lors de la fête nationale, le 26 janvier. «Si vous êtes chanceux et que l’œuvre est puissante, vous pouvez espérer la voir survivre deux mois», explique-t-il.

Une plage paisible, propice aux activités familiales. (Photo: Picture Partners / Alamy)
Une plage paisible, propice aux activités familiales. (Photo: Picture Partners / Alamy)

 

 

 

Les artistes urbains purs et durs tentent de chasser les touristes du quartier à coups de dessins salaces, mais ceux-ci sont rapidement couverts de peinture par des employés municipaux.

À quelques minutes de marche de Hosier Lane, dans AC/DC Lane, le cœur de la scène rock’n’roll et métal est aux prises avec l’embourgeoisement. «Avant, c’était plein de rats et ça sentait la pisse, raconte Daniel Lynch. Maintenant, il y a des appartements chics et des restaurants pour les gens d’affaires du quartier. En fait, en 2016, à Melbourne, si votre bar n’est pas dans une allée sympa avec des graffitis, alors peut-être qu’il n’est pas très bon…»

Les propriétaires du mythique Cherry Bar, ouvert en 2000 (et qu’a déjà tenté d’acquérir Noel Gallagher, du groupe Oasis), ont dû dépenser près de 100 000 dollars en 2014 pour une insonorisation exigée par les nouveaux voisins. Si le bar a survécu, c’est grâce à la mobilisation de ses habitués, qui ont sorti leur porte-monnaie. Car à Melbourne, la solidarité n’est pas un concept abstrait.

Les entreprises sociales et solidaires ont le vent en poupe. Rue Gertrude, par exemple, dans le quartier Fitzroy, le restaurant Charcoal Lane forme de jeunes aborigènes en difficulté aux métiers de la restauration et leur trouve ensuite un travail dans les hôtels du géant mondial Accor.


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Greg Hampton, chef du Charcoal Lane, cuisine de la nourriture indigène. «On reçoit beaucoup de clients étrangers, et les Melbourniens commencent tout juste à s’y mettre.» Vrai que, pour l’instant, ces derniers restent plus attachés au parma chicken (un blanc de poulet pané, recouvert d’une tranche de jambon, de fromage fondu et de sauce tomate) qu’à l’émeu ou au wallaby!

Chez Streat, acheter son café contribue à la réinsertion de jeunes de la rue. Avec quatre enseignes à Melbourne, Rebecca Scott a réussi son pari solidaire. La femme de 44 ans a quitté la capitale, Canberra, pour Melbourne en 2009. «Chaque année, 100 jeunes en difficulté se joignent à nous. C’est un peu plus complexe que juste préparer de bons cafés et de bons petits plats.»

À son arrivée, Rebecca Scott devait expliquer longuement aux Melbourniens ce qu’est une entreprise sociale. «Aujourd’hui, elles sont partout, il y en a au moins 40 dans le secteur de l’hospitalité. C’est génial de voir ce secteur arriver à maturité!» De Londres à Kaboul, des gens l’appellent désormais pour reproduire le modèle chez eux.

À Melbourne, les cafés sont légion, mais aussi les espaces verts. La municipalité a planté 3 000 arbres par an depuis 2005. «Grâce à ce système, on rafraîchira à terme la ville de 5 °C!» assure Robert Doyle, maire depuis 2008. «Et nous avons la chance d’avoir de magnifiques jardins.»

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      Aux Royal Botanic Gardens, fondés en 1846, le guide Benjamin Church, du peuple aborigène Gunditjmara, explique à deux Melbourniennes les vertus des plantes et des arbres de l’Australie précoloniale. Sur une surface de 38 hectares (en comparaison, le Jardin botanique de Mont­réal en fait 75), plus de 50 000 plantes forment l’un des nombreux havres de paix de la ville.

      Pendant des dizaines de milliers d’années, la nature de la région a été préservée par les peuples aborigènes Wurundjeri, Boonwurrung et Wathaurong. En 1835, un navigateur arrivant de Tasmanie, John Batman, donna son nom à la ville: Batmania. Dans son journal, il écrivit: «C’est un endroit pour un village.» Depuis, le village a bien grandi.

      Padmini Sebastian fait partie de ces migrants qui ont façonné l’histoire de Melbourne depuis les années 1850. Aujourd’hui directrice du Musée de l’immigration, elle est arrivée du Sri Lanka en 1985, comme réfugiée. Elle avait à peine 18 ans. Elle a vu Melbourne se développer, devenir une ville cosmopolite. «Dans la rue, vous entendez beaucoup de langues différentes, il y a aussi de nombreux étudiants internationaux, et les restaurants reflètent cette diversité. Chaque semaine, il y a un nouveau festival.»

      Le défi, dit Padmini Sebastian, est maintenant «d’avoir une ville durable, dans le respect de l’environnement».