Peut-on à la fois critiquer Trump et la Chine ?

Non seulement on peut, mais on doit, rappelle notre chroniqueur.

Le président Trump et le vice-premier ministre chinois Liu He, le 15 janvier 2020, à la Maison Blanche (Photo : Shealah Craighead)

Si la crise du coronavirus chamboule bien des choses, l’une d’elles semble malheureusement intacte : l’ère de tribalisme bête que vivent les États-Unis. À peu d’égards est-ce plus visible que lorsqu’il est question du rôle de la Chine dans la crise.

D’un côté, le président Trump semble déterminé à faire de la Chine un bouc émissaire. C’est trop tentant pour lui : en passant ainsi à l’offensive, il se donne une cible sur laquelle tirer, au lieu d’avoir à répondre à nombre de critiques graves et légitimes quant à sa gestion du dossier. Parmi les cibles : ses déclarations désinvoltes pendant des semaines au sujet de la menace du virus, maintenant bien répertoriées ; les déboires du gouvernement fédéral américain, là aussi pendant des semaines, concernant le dépistage ; le manque de cohésion et de clarté de la part de son administration.

Pour le président et ses alliés, incluant plusieurs voix dans les médias conservateurs américains, la Chine sert presque automatiquement de prétexte pour faire dévier les questions sur la réponse américaine à la pandémie. Soir après soir, sur la chaîne FOX News, on tape sur le clou chinois sans relâche.

On demande toutefois peu pourquoi, même après avoir présenté le dépistage de masse comme une des principales façons de sortir de la crise, on peine à dépasser 100 000 tests par jour dans le pays le plus riche au monde, qui compte plus de 300 millions d’habitants.

À l’inverse, parce que Trump a fait de la Chine un « punching-bag », les critiques du président observent massivement un mutisme face au régime chinois ou, pis encore, se portent à la défense de ce dernier. Selon ces critiques, il serait dorénavant « raciste » d’utiliser l’expression « virus du Wuhan » ou « virus chinois », car elle favoriserait la discrimination de personnes d’origine asiatique… alors que l’utilisation de ces termes ne semblait pas particulièrement controversée avant que Trump en fasse lui-même un cas. Pas plus que ne l’était l’utilisation des termes « grippe russe » (pandémie de 1889), « grippe espagnole » (1918) ou encore… « grippe asiatique » (1956).

Au-delà des débats creux de sémantique, le fait désormais indéniable est que la Chine affiche un bilan accablant dans le dossier du coronavirus. Le régime a d’abord, et ce pendant des mois, tenté d’étouffer la crise ; des professionnels chinois de la santé ayant sonné l’alarme ont soit été arrêtés… soit ont soudainement disparu. Il a relayé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des informations mensongères aux conséquences meurtrières, incluant celle voulant que la transmission d’humain à humain n’était pas démontrée. L’OMS a relayé ces informations au reste de la planète aussi récemment qu’en janvier.

Au même moment, la Chine dévoilait des statistiques bidon quant à son bilan en ce qui concerne le nombre d’infections et de décès liés au virus. C’est ce que conclut un rapport des services de renseignement américains, rapport qui fait état non pas d’erreurs de bonne foi, mais d’un effort délibéré de dissimuler des faits et de tromper le monde extérieur. Ces chiffres ont servi à établir les analyses et les modèles des autres pays, à commencer par les États-Unis.

Pendant ce temps, à l’intérieur de la Chine, le régime employait des mesures inhumaines pour « lutter » contre le virus, allant notamment jusqu’à souder les portes des résidences de ses propres citoyens. Puis, prétendant avoir « vaincu » le virus, il envoyait des représentants à l’international pour faire la morale aux pays très infectés comme l’Italie, et pour accuser des pays occidentaux comme les États-Unis et la Grande-Bretagne d’avoir amplifié la crise. Aujourd’hui, les autorités chinoises autorisent à nouveau la vente d’animaux comme des chauves-souris dans des marchés insalubres, tout en fermant massivement les cinémas, dans un aveu implicite que la crise, contrairement à leurs prétentions, n’est pas derrière.

Des médias américains majeurs, incluant le New York Times, ont louangé la Chine pendant des semaines. Et, du moins jusqu’aux sévères remises en question de ces chiffres, les ont relayés.

Actuellement, critiquer la gestion américaine de la pandémie vous place dans un camp et critiquer la gestion chinoise vous met dans l’autre. Or, les deux ne sont pas et n’ont pas à être mutuellement exclusifs. En fait, la propension à remettre en question l’un et l’autre est précisément ce qui devrait distinguer un régime de l’autre.

C’est l’oxygène même d’une démocratie. Et la démocratie, pandémie ou pas, doit continuer de respirer.

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La bêtise humaine dans son intégralité. Plus on vise un grand ensemble d’humains (en nombre), plus cette bêtise est énorme et grossière. Également présente dans nos vies quotidiennes à plus petite échelle, elle se doit d’être plus subtile. Ne dit-on pas que le QI d’une masse d’humains est moindre que les individus qui la composent? En voici un exemple concret. Les religions s’en inspirent.

Bonjour monsieur Jacob, j’ai une question par rapport au rôle de l’OMS. Cet organisme international a-t-il les moyens d’intervenir et de pénaliser les pays comme la Chine dont les pratiques ancestrales mettent à risque la santé de l’humanité? Je pense ici à ces marchés publics où les animaux porteurs de virus s’y retrouvent. Si non, quel organisme international pourrait agir? En matière d’éducation aussi il y a tout un travail à faire pour bannir certaines pratiques à risque pour la propagation de virus endémique. Qui pourrait obliger ces pays à bannir certaines pratiques? Merci à l’avance pour vos précisions. PS. J’ai lu votre ouvrage RÉVOLUTION TRUMP et j’ai fort apprécié votre analyse de la politique américaine. Très instructif.

Bonjour Hélène,

D’abord, merci de vos bons mots.

Actuellement, je vois mal comment l’OMS ou tout organisme international serait en mesure de « forcer » la fermeture de marchés de la sorte. Le meilleur outil dont disposeraient les autres pays du monde à court terme pourrait être d’imposer des pressions diplomatiques et commerciales, le développement économique de la Chine dépendant énormément de ses exportations.

En théorie, j’imagine qu’ils pourraient tenter d’interdire l’entrée du cargo et des ressortissants chinois (si cela ne violait pas les accords en vigueur) — mais en pratique, ce serait évidemment à toutes fins pratiques impensable.

En effet, la Chine et devenue le bouc émissaire pour l’ineptie et le déni de la gravité de l’épidémie par l’administration Trump.

Il est probable que les Chinois conformément à leurs habitudes aient disons «embelli» les statistiques les concernant. Tout le monde le sait, y compris moi… Donc des gens intelligents et prévoyants savaient à quoi s’attendre, c’est à dire « au pire ». Par contre, à ma connaissance, les informations scientifiques essentielles ont été partagées sans réserve sur le code génétique, les facteurs de transmission clés comme le Ro, le taux de létalité et la gravité des symptômes.

Pour appuyer, mon affirmation, je citerai M. Gaston de Serres, un épidémiologiste québécois. « il est possible de se fier au taux de reproduction du coronavirus rapporté par la Chine puisqu’il est cohérent avec celui observé dans d’autres pays, et ce, même si on ignore le nombre réel de cas de COVID-19. »
https://bit.ly/3dYGFKI

Donc les pays occidentaux disposaient des données scientifiques pour bien se préparer. L’information que la Chine aurait cachée, le nombre réel de décès, concernait la performance de son système de santé, pas la gravité épidémiologique de la COVID-19.

De plus, la situation était déjà catastrophique et hors de contrôle en Iran et en Italie et Trump parlait encore de fausse nouvelle (hoax) gonflé par les médias. Encore récemment, il parlait d’assouplir le règles de confinement à l’encontre du simple bon sens et de la réalité scientifiquement démontrée.

Enfin, la Chine et d’autres pays, incluant des démocraties comme Taïwan et la Corée du Sud, ont été capables d’endiguer la pandémie COVID-19 en appliquant rigoureusement des règles simples d’hygiène dont la mal nommée « distanciation sociale (en réalité le simple éloignement physique).

En conclusion, l’administration Trump et surtout Trump lui-même, cherchent à cacher leurs négligence et le déni puéril de la réalité scientifiquement démontrée. La Chine n’a rien dissimulé d’essentiel sinon tenté de protéger l’image de son système de santé.

Scientifiquement vôtre

Claude COULOMBE

M. Coulombe,

Merci de votre commentaire. Je me permettrais toutefois d’y poser un bémol: il n’y a pas seulement au niveau de son nombre de cas ou de décès que la Chine a induit le reste du monde en erreur. Des semaines après l’éclosion de la crise, elle disait encore que la transmission d’humain à humain n’était pas entièrement démontrée, ce qui a notamment poussé l’OMS à propager le même message. Gardons en tête qu’aussi récemment qu’en janvier, le Dr. Fauci disait publiquement que le coronavirus ne posait pas de menace majeure pour les États-Unis. Ce n’est pas un hasard. Et il n’est pas question de Trump ici.

Où le président peut être critiqué de façon légitime, je crois, c’est pour avoir continué à minimiser la situation bien après coup. Mais ça n’enlève en rien la responsabilité de la dictature chinoise dans la crise maintenant mondiale.

Cher Monsieur Jacob,

D’abord merci d’avoir pris la peine de répondre à mon commentaire. En effet le gazouillis (tweet) de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) du 14 janvier fait bien mal paraître à la fois les autorités sanitaires chinoises et l’OMS. Il peut être trompeur de citer une information hors contexte comme le fait FoxNews (https://bit.ly/2y1FOZa) depuis quelques jours. Rappelons que le premier mort en Chine a été rapporté le 11 janvier et le premier cas hors de Chine, en Thaïlande le 13 janvier. Nous étions donc au tout début de ce qui allait devenir une pandémie.

Pour bien comprendre, il faut examiner la ligne du temps (https://bit.ly/2RlNBb0). Le 31 décembre 2019, les autorités chinoises ont informé l’OMS qu’une forme sévère de pneumonie sévissait à Hunan. On parle de 41 malades. Au début les responsables locaux à Hunan ont pensé que tous les cas étaient reliés à un marché de poissons. Avec ce critère ils mirent du temps à bien mesurer la transmission d’humain à humain (voir ma note plus bas).

Il est vrai que les responsables locaux à Hunan ont tenté d’étouffer l’affaire soi-disant pour éviter la panique et parce qu’ils croyaient pouvoir contrôler l’épidémie rapidement (https://wapo.st/3c3Np8w). Il y avait également une guerre intestine, car des médecins sur le terrain, comme l’ophtalmologiste Li Wenliang (décédé de la covid), constataient des signes de transmission d’humain à humain. Mais c’était un point de vue minoritaire et la façon de tester ne permettait pas de bien démontrer la transmission d’humain à humain du moins de l’avis des responsables locaux à Hunan. C’est donc l’information qui a été rapportée par l’OMS dans le tweet du 14 janvier.

Cela dit, dans les jours qui suivirent les autorités chinoises prirent les choses au sérieux et décrétèrent la quarantaine à Wuhan le 23 janvier, puis dans la province d’Hubei. Il n’y avait donc plus de doute sur la transmission d’humain à humain. Le 30 janvier, l’OMS décrétait une urgence sanitaire internationale. Le 2 février survinrent les premiers décès à l’extérieur de Chine.

Quant à moi, l’inaction et le déni des occidentaux pendant le mois de février est le facteur le plus aggravant de l’épidémie alors que les informations scientifiques essentielles étaient bel et bien connues et partagées sans réserve.

La «paille» dans l’oeil des chinois et de l’OMS demeure une tentative de dissimuler la «poutre» dans l’oeil des américains.

Merci encore de votre «bémol»

Scientifiquement vôtre

P.-S.: Au Québec nous avons également souffert de l’application de règles trop strictes pour le dépistage de la COVID-19, du moins en début d’épidémie. Par exemple il fallait absolument avoir voyagé à l’extérieur du Québec, comme le raconte Dominic Champagne dans les pages de l’Actualité (https://bit.ly/3e60xf7). Cette façon de faire introduit un biais de sélection qui empêche de constater les cas de transmission communautaire et de dépister les cas de porteurs asymptômatiques.

Pour cela, pas besoin de tester tout le monde, il suffisait de faire un échantillonnage au hasard (par exemple à pile ou face) des gens présentant des symptômes. Encore, mieux, nous aurions pu faire une campagne de tests avec un échantillonange aléatoire sur toute la population ou du moins dans les sous-populations à risques comme le personnel et les résidents des CHSLD et les résidences de personnes âgées.

Toud d’abord, il s’agit d’un excellent article. Je crois personellement que le Parti Communiste Chinois gérant approximativement 1.4 billions d’habitants (1.386 en 2017) tout en ayant une main prise sur ses citoyens et en raignant avec ce climat de peur, a réussi a baffouer le monde entier en tentant d’étouffer la situation possiblement connu entre l’été 2019 et l’automne 2019. Ce ne fût que la pointe de l’iceberg en décembre 2019 quand l’OMS fût obligatoirement alerter dû au fameux et courageux Dr. Li Wenliang du Wuhan Central Hospital. Malgré la menace, le dommage était déjà répandu sur les réseaux sociaux; merci au Twitter Chinois Weibo! La Chine a extrêmement mal géré la situation et ils y sont en parti responsable jusqu’à maintenant. Le nombre d’habitants et de personnes dans le monde qui voyagent nous a possiblement permis de vivre une 1ère vague COVID-19, et ce, en janvier dernier malheureusement. Pensez-y un peu… En ce attrait au gouvernement Américain sous la gouverne de cette hurluberlu M. Trump lui-même; il n’y a rien pour qualifier ce bouffon avec ses multiples mensonges qu’on ne retrouvent à peine dans un livre personnel du célèbre Pinnochio! En terminant, nos gouvernements fédéraux et provinciaux ont sensiblement bien répondu malgré la tempête. La question qui faut se poser est la suivante; « Avons-nous trop attendu avant d’agir »? N’oubliez pas le dictons; poser la question; c’est y répondre…

Bonjour M. Jacob,

Qu’on aime ou non le Président des USA, M. Trump, parce qu’il est non-conventionnel et non ´politically correct’ , il tire sur la bonne cible.
Est-ce que l’OMS va régler le problème? Elle ne l’a pas fait pour le SRAS en 2003 et voilà la catastrophe dans laquelle le monde se trouve présentement. Et ce n’est pas fini… ça continue… :
https://nypost.com/2020/04/13/chinas-wet-markets-back-in-business-despite-us-calls-to-shut-them/

LD