Le Brexit aura bien lieu
Après un référendum, deux élections générales et trois reports de la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il est maintenant assuré que le pays larguera définitivement les amarres le 31 janvier. La spectaculaire victoire électorale du Parti conservateur de Boris Johnson le 12 décembre confirme la nette volonté des Britanniques d’appliquer les résultats du référendum de 2016 sur la sortie de l’Europe. Toutefois, les Britanniques et les Européens ne sont pas au bout de leurs peines. Si un accord général a été trouvé en octobre dernier sur les modalités de sortie, les deux parties ont maintenant jusqu’au 31 décembre 2020 pour négocier une nouvelle relation qu’elles souhaitent aussi « solide et étroite » que possible. Le psychodrame du Brexit n’est pas encore terminé et pourrait sans doute nous réserver encore quelques surprises.
Trump or not Trump
Le 3 février, les primaires démocrates lanceront le cycle électoral américain sans doute le plus important et le plus mouvementé jamais vu depuis longtemps. Le cycle se déroulera en effet jusqu’au scrutin du 3 novembre dans une atmosphère politique délétère. Le président Donald Trump, qui sollicite un nouveau mandat, a été mis en accusation pour abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès par la Chambre des représentants et devra subir un procès au Sénat où il sera jugé. S’il est trouvé coupable, il sera destitué et il lui sera interdit d’occuper sa charge. Compte tenu de la majorité républicaine au Sénat, tout indique que cette procédure va échouer.
En parallèle, les démocrates devront se choisir un candidat parmi la douzaine encore en piste. Le favori, l’ancien vice-président Joe Biden, semble bien en selle, mais un nouveau venu, le milliardaire Michael Bloomberg, pourrait brouiller les pistes.
En ce moment, les démocrates ont l’avantage. Ils ont remporté une solide majorité à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat en novembre 2018. Ils ont aussi fait des gains appréciables lors de scrutins locaux où ils ont ravi plusieurs postes de gouverneur et pris le contrôle de plusieurs assemblées d’État. Les sondages les donnent favoris. Donald Trump plafonne depuis deux ans. Sa cote de popularité tourne autour de 40 %. Toutefois, il dispose d’une bonne carte : l’état de l’économie. Le taux de chômage est au plus bas et la signature d’accords commerciaux avec le Canada, le Mexique et la Chine apaisent les tensions tout en démontrant à la population que la façon Trump de négocier donne des résultats.
Alors, Trump or not Trump? Il reste un facteur difficile à mesurer et qui fera certainement la différence lors du scrutin : le caractère du futur président. Les Américains veulent-ils encore d’un homme vulgaire, narcissique et imprévisible à la tête du pays ou d’un(e) président(e) poli(e), magnanime et digne de confiance?
Le désarmement en danger
Les événements au Royaume-Uni et aux États-Unis ne doivent pas nous faire oublier que la terre tourne et que d’autres questions interpellent le monde. En avril, les 185 pays signataires du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) entameront plusieurs semaines de négociations sur son renouvellement. Cette rencontre revêt une grande importance pour la sécurité internationale. Le Traité consacre l’inégalité des États face à la possession de l’arme nucléaire. Il autorise les cinq grandes puissances – États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni – à détenir cette arme et l’interdit aux autres signataires. En retour, les cinq doivent s’engager dans des négociations afin de réduire et d’éliminer leurs armes nucléaires. Au cours des années, le nombre de ces armes est effectivement passé de 70 000 à 15 000. Malheureusement, le traité est fragilisé par le refus de l’Inde, du Pakistan, d’Israël et de la Corée du Nord, tous détenteurs de l’arme, de le signer et par la décision des États-Unis et de la Russie de s’engager dans une course qualitative visant à moderniser leurs armes et à les rendre plus précises.
La rencontre des membres du TNP va aussi se dérouler au moment où les deux grandes puissances se retirent d’accords de désarmement nucléaire (traité antimissile, traité sur les missiles de moyenne portée en Europe, accord sur le programme nucléaire iranien) qui constituaient une architecture de sécurité assurant une certaine stabilité internationale. Dans Le retour du nucléaire, un livre paru il y a quelques semaines, Michel Fortmann, professeur à l’Université de Montréal, se demande si on doit attendre une crise comme celle des missiles à Cuba en 1962 pour ramener les grandes puissances à la raison…
Le Canada sous le feu des projecteurs
En juin, le Canada connaîtra ses quinze minutes de gloire sur la scène internationale. En effet, les 193 membres de l’Assemblée générale de l’ONU choisiront parmi trois candidats – Canada, Norvège et Irlande – ceux qui occuperont les deux sièges de membres non permanents du Conseil de sécurité en compétition dans le groupe des États d’Europe de l’Ouest et autres. Il y a dix ans, en octobre 2010, pour la première fois en soixante ans, le Canada avait subi une humiliante défaite aux mains du Portugal.
La présente élection risque d’être aussi difficile pour le gouvernement Trudeau. La Norvège et l’Irlande font campagne depuis plusieurs années et affichent un bilan fort honorable sur la scène internationale. Ces deux petits pays, chacun peuplé de cinq millions d’habitants, consacrent une part substantielle de leur budget à l’aide au développement. Ils participent, à leur façon, au maintien de la paix dans le monde : la Norvège à travers une diplomatie de créneaux (négociation, médiation, reconstruction), l’Irlande en déployant des centaines de Casques bleus. Sur plusieurs questions diplomatiques, dont le conflit israélo-palestinien, ils rejoignent le consensus international à l’ONU.
Le Canada reste actif dans le monde, mais son engagement envers l’ONU demeure limité. Seulement 29 Casques bleus canadiens sont déployés en mission et l’alignement du Canada sur les positions israéliennes l’isole de ses alliés européens et des pays musulmans. L’aide canadienne au développement est semblable à celle de la Norvège et diminue depuis une vingtaine d’années. Contrairement à la Norvège et à l’Irlande, le Canada entretient de mauvaises relations avec l’Inde, la Chine, la Russie et l’Arabie saoudite, quatre pays qui exercent une grande influence au sein de l’Assemblée générale de l’ONU. Enfin, à l’ONU, les Européens (43 pays) appuient généralement les candidats européens. Comme il faut 128 votes sur 193 pour être élu, le Canada devra trouver des appuis sur d’autres continents (les Amériques 35 pays, l’Asie, 47, l’Océanie, 14, l’Afrique, 54). L’indifférence qu’il affiche envers le continent africain depuis des années risque de favoriser les candidats européens. Un nouvel échec mettra en relief la question de l’influence du Canada dans le monde.
Hong Kong sur la brèche
Les élections législatives à Hong Kong en septembre s’annoncent explosives. Depuis juin dernier, une partie importante de la population est en révolte ouverte contre les autorités du territoire et, de ce fait, du gouvernement central à Pékin. La décision du gouvernement de Hong Kong de modifier une loi sur l’extradition vers la Chine a mis le feu aux poudres. Depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, Hong Kong vit sous le régime d’« un État, deux systèmes » qui lui garantit le maintien pendant cinquante ans de ses institutions politiques et judiciaires héritées de la période coloniale britannique. Le projet de loi visant à changer les règles d’extradition a été perçu comme une tentative par Pékin, où le pouvoir est de plus en plus autoritaire, de modifier l’accord de rétrocession et de limiter les libertés des Hongkongais. La réponse des habitants a été radicale : chaque semaine et, parfois, chaque jour, des centaines de milliers de manifestants envahissent les rues de la ville pour réclamer l’annulation de la loi et la démission du gouvernement local. Avec le temps, la contestation s’est élargie aux questions sociales et politiques. Les manifestants réclament une meilleure redistribution de la richesse, un accès au logement et une réforme du système électoral afin d’instaurer des élections au suffrage universel pour le Conseil législatif.
Le gouvernement a finalement retiré la loi, mais ne semble pas avoir l’intention de céder aux revendications des manifestants. À Pékin, les autorités soufflent le chaud et le froid. Elles ont déployé un important dispositif militaire autour de Hong Kong tout en hésitant à tenter un coup de force comme ce fut le cas contre les manifestants de la Place Tien Anmen il y a trente ans. Le règlement de cet affrontement est rendu difficile par le caractère éclaté de la révolte et la nature changeante de ses tactiques. On l’a qualifiée de « sans leader », même si les étudiants mènent la charge. Elle est essentiellement pacifique tout en étant émaillée d’actes de violence soigneusement planifiés. Qui va céder le premier?
Bien que j’aie plusieurs opinions assez différentes de celles de monsieur Coulon relativement à l’ensemble de son texte, je vais concentrer mes commentaires sur un seul sujet : le Brexit, à fin de ne pas les rendre trop long.
Les élections du 12 décembre dernier au Royaume-Uni qui confèrent une ample majorité au parti de monsieur Johnson, ne confirment pas une volonté particulière des Britanniques d’appliquer les résultats du référendum de 2016.
Ce serait plutôt l’inverse si l’on regarde les résultats d’un point de vue territorial.
Si l’auteur de ce billet avait pris le temps d’analyser les résultats, il se serait aperçu que le taux de participation n’a été que de 67%, que ce sont un peu moins de 14 millions d’électeurs qui ont voté pour le parti Tory, lorsque ce sont les partis qui sont pour le maintien dans l’Europe ou à tout le moins pour un second référendum qui sont largement majoritaires en voix. Avec près de 18 millions d’électeurs.
Comme nous avons au Canada en commun le même système électoral, les Britanniques ont les mêmes distorsions arithmétiques en termes de représentativité au Parlement que celles qui existent chez nous.
Le débat sur le Brexit n’est pas encore terminé pour les habitants du Royaume-Uni où plusieurs régions n’ont pas encore dit leur dernier mot. Ces élections ne font que confirmer les fractures désormais irréductibles qui existent dans cette population. La seule chose qui profite pour le moment aux Tories, c’est la faiblesse relative du Labour qui a cependant obtenu plus de voix qu’en 2015, mais perd presque 8% de ses députés.
Lorsqu’il écrit ceci : « (…) il est maintenant assuré que le pays larguera définitivement les amarres le 31 janvier. »
Je relève ici une formule imagée qui ne rend que partiellement compte des faits. Le Brexit a commencé dès 2016, il devrait être désormais ratifié au plus tard le 31 janvier prochain, en principe conformément aux documents finaux aux termes des négociations, lesquelles sont assorties d’amples mesures transitoires dont certaines pourraient perdurer pendant trois ans (ou plus).
La suite dépendra beaucoup de la volonté que les Britanniques auront de payer les arriérés qu’ils doivent à l’Union européenne. Pour autant que ce Royaume puisse parvenir à ce qui pourrait devenir inéluctable : la partition. Au sein de l’Union européenne, il n’y a que de bonnes raisons pour rendre à l’Irlande sa réunification.
Certaines dimensions métaphysiques pourraient hanter l’esprit de Boris Johnson pour assez longtemps. Être ou bien ne pas être reste invariablement toujours la même question.