
Edward Steichen (1879-1973) a photographié Garbo, Dietrich, Rodin, oui Auguste Rodin, le sculpteur. Il a tout croqué, touché tous les genres : nature morte, nu, reportage de guerre, chronique sociale, mode, portrait. Steichen ne souhaitait pas reproduire simplement la réalité. Pictorialiste, il intervenait sur le cliché, donnant à ses tirages une apparence de tableau, hissant ainsi la photographie au rang des beaux-arts. En 2005, l’une de ses images, « Le pont à la lumière de la lune » (1904), a été vendue 2,4 millions d’euros chez Sotheby’s à Paris. C’est dire que l’Américain d’origine luxembourgeoise était une star. Il était également peintre, typographe, horticulteur – en 1936, le Musée d’art moderne de New York accueillit ses « fameux delphiniums hybrides », une expo de fleurs vivantes, y pensez-vous ! Steichen fut directeur de la photographie des magazines Vogue et Vanity Fair, avant de terminer sa carrière comme directeur de la photographie au MoMA.
Pour cette exposition, les portraits de Steichen dialoguent avec ceux de Yousuf Karsh (1908-2002), Canadien d’origine arménienne, autre grand portraitiste du XXe siècle, qui a immortalisé quelque 11 000 personnalités, dont Winston Churchill, en 1941, sur une photo qui le fit connaître à travers le monde. Deux photographes d’avant le Botox et les babines regonflées, d’avant les appareils jetables et les logiciels de retouche. Deux portraitistes du temps où la photo était l’art de la lumière et de l’humanité.

• Yousuf Karsh et Edward Steichen, l’art du portrait de célébrités, Musée McCord d’histoire canadienne, à Montréal, jusqu’au 25 avr., 514 398-7100.
Aussi au Musée McCord, mais jusqu’au 6 février, L’éloquence du quotidien, 124 photos, surtout en noir et blanc, de Gabor Szilasi, dont vous reconnaîtrez la signature.
Le photographe est né à Budapest en 1928, il a porté l’infâme étoile jaune, a perdu sa mère dans les camps d’extermination. Arrivé au Québec en 1959, il a constitué en 50 ans un corpus extraordinaire. Il a photographié l’ordinaire des jours et des petites gens : scènes de la vie hongroise et du Québec rural des années 1970 (Charlevoix, Beauce, Abitibi-Témiscamingue…), clichés de l’architecture de Montréal et de quelques personnalités (Félix-Antoine Savard, Madeleine Ferron). L’artiste ne se contente pas de donner le réel à voir, il insuffle à ses images du sens et de l’émotion. Une rétrospective d’une grande force.
