
Yves Bolduc a décidé de quitter son poste de ministre de l’Éducation — et la vie politique —, pris dans une tourmente sans fin qu’il alimentait en grande partie lui-même.
On aurait dit qu’il n’ouvrait la bouche que pour y mettre l’autre pied.
À une autre époque, Jacques Parizeau aurait dit qu’il «s’auto-pelure-de-bananisait».
Il a planté la graine de son calvaire alors qu’il n’était même pas au gouvernement. Entre 2012 et 2014, lorsqu’il était dans l’opposition comme député-médecin, Yves Bolduc a touché une prime de 215 000 dollars pour avoir pris en charge 1 500 patients en attente d’un médecin de famille.
Un geste inexcusable, qu’il a tenté de justifier pendant des semaines, l’été dernier, mettant à mal une crédibilité qui ne s’en est jamais remise. (J’avais écrit sur le sujet ici.)
Ensuite, ce sont surtout des gaffes de communication qui l’ont achevé, au point où il n’était plus en mesure de mener son ministère — l’un des plus importants au Québec.
Mais s’il cède sous la pression aujourd’hui, ce n’est pas tant en raison du passé que de l’avenir. Le ou la prochaine titulaire du poste ne l’aura pas facile.
Bolduc n’était plus l’homme de la situation pour faire face au bouillonnement qui se prépare ce printemps dans les cégeps et les universités, avec les mandats de grève des étudiants qui s’accumulent.
(J’ouvre une parenthèse. Un récent vote de grève à l’UQAM montre que les raisons de la mobilisation sont parfois obscures. Ce vote s’est tenu pour protester contre l’austérité budgétaire — on peut comprendre —, mais également contre l’exploitation du pétrole, l’arrêt du transport des hydrocarbures et l’abrogation de la loi 10 sur la réorganisation des services de santé !
Si le Québec n’exploite pas son pétrole, il devra continuer de l’importer comme c’est le cas actuellement, et donc de le transporter. Difficile d’empêcher les deux. On souhaiterait tous que le Québec consomme moins de pétrole, et il faut y travailler, mais l’or noir est encore avec nous pour un avenir prévisible. Dans le cas de la loi 10, très complexe même pour les spécialistes du réseau de la santé, il est difficile de savoir si les étudiants craignent le pire ou s’ils veulent sauver les 1 300 cadres qui vont perdre leurs emplois. Fin de la parenthèse.)
Cette mobilisation, peu importe son ampleur et les motifs, risque de mettre le ministre de l’Éducation sur la sellette. Non seulement devra-t-il articuler un discours face au mouvement étudiant, mais il faudra également gérer les tensions qui découlent des votes de grève, dont la légitimité sera inévitablement contestée (voir le bon éditorial de Josée Boileau dans Le Devoir. En novembre 2012, j’estimais qu’il était temps de clarifier les règles avant une nouvelle confrontation, ce qui n’a malheureusement pas été fait.)
À cette tempête qui pointe à l’horizon, il faut ajouter le projet de fusionner des commissions scolaires — un dossier très délicat qui ne passe pas comme une lettre à la poste sur le terrain, notamment en région, et qui se heurte également à une opposition au sein du caucus libéral.
En ajoutant la gestion des compressions budgétaires et les difficiles négociations qui s’amorcent pour le renouvellement des conventions collectives des professeurs, on constate que la barque de l’éducation est pleine. Et qu’il faudra naviguer avec doigté, ce printemps, pour éviter qu’elle ne chavire.
Même pour un ministre compétent et crédible, cela ne s’annonce pas facile. Avec un ministre décrédibilisé, c’était carrément impossible.
Yves Bolduc a pris la bonne décision de quitter maintenant pour retourner à la médecine, où il sera utile à la société. Attendre un remaniement ministériel cet été, comme le voulait le plan initial du premier ministre, n’était plus tenable.
Il y a des coches mal taillées dans tous les nouveaux conseils des ministres. Il n’y a là rien d’exceptionnel. Pauline Marois a dû composer avec Daniel Breton en arrivant au pouvoir. Stephen Harper est pris avec Julian Fantino, qu’il ne sait plus où placer pour éviter le désastre.
Yves Bolduc était un homme affable, courtois, d’une grande gentillesse. Lorsqu’on le croisait, il aimait parler de ses dernières lectures, souvent des biographies historiques ou des essais. Il partageait cette passion avec Philippe Couillard, qui l’aimait bien. Les deux médecins partagent aussi une certaine candeur par rapport à la politique. Un côté analytique, théorique, qui peut sembler en décalage avec la dure réalité politique qu’impose la gestion des émotions et de la perception de l’électorat (les commentaires de Bolduc sur la fouille à nue «respectueuse» entrent dans cette catégorie).
Son passage au ministère de la Santé, un secteur qu’il connaissait bien, avait été correct, sans être éblouissant. Un ministère difficile, probablement le plus difficile du Québec, mais Yves Bolduc y avait une expertise. Il savait sur quoi s’appuyer pour répondre aux bombardements de questions de l’opposition et des médias.
Philippe Couillard pensait qu’il se débrouillerait aussi à la tête de l’autre grand ministère, l’Éducation. Il a surestimé les capacités de son ministre.
En le sortant de sa zone de confort, son manque de jugement politique est devenu évident. Les réflexes n’étaient pas au rendez-vous.
La politique est loin d’être une science exacte. Ce sont des humains qui la font, avec leurs forces et leurs faiblesses. Un premier ministre tente de jauger le talent dont il dispose et d’en tirer le meilleur profit pour son gouvernement. Souvent, il y arrive. Parfois, non.
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À propos d’Alec Castonguay
Alec Castonguay est chef du bureau politique au magazine L’actualité, en plus de suivre le secteur de la défense. Il est chroniqueur politique tous les midis à l’émission Dutrizac l’après-midi (sur les ondes du 98,5 FM) et analyste politique à l’émission Les coulisses du pouvoir (à ICI Radio-Canada Télé). On peut le suivre sur Twitter : @Alec_Castonguay.
» Ce sont des humains qui l’a font, avec leurs forces et leurs faiblesses. » Heureusement les Humains sont perfectibles… Surtout, lorsqu’il sont pourvu d’un esprit libre et critique…,
et qu’ils ne sont pas museler par les impératifs de l’image du Parti ou pire par les DOGMES d’un idéologie que le Parti ne peut jamais remettre en question sans avoir peur de donner du crédit aux autres partis considérés AVANT TOUT comme des adversaires….
Coopérer pour le bien la société ??? Ben voyons donc…
Devrions-nous envisager de rendre obligatoire une gouvernance dites » minoritaire » ??? Pour favoriser la concertation, la coopération et l’intérêt supérieur des citoyens plutôt que celle du parti au pouvoir….
Apprécions-nous vraiment les lois » mammouth » ( cela sonne un peu dépassé comme style, ne trouvez-vous pas ? ), les baillons à la va-vite et une insolence hautaine ???
Même si nous avons élus majoritairement un Parti qui a OUBLIÉ plusieurs de ses engagements électoraux ( c’est devenu monnaie courante, on dirait ), acceptons-nous vraiment ce comportement de dictateur continuellement en état d’urgence ???? Urgence de quoi, au fait ?
Belle tentative d’humaniser l’inhumain. Ça me rappelle Denis Bombardier et sa déclaration d’amour pour un certain propriétaire de yacht… On a vraiment pas besoin de ça…
Notre cher ex ministre pourra à nouveau inscrire 1500 patients en quelques mois et toucher à nouveau les primes d’inscriptions. Vive les économies dans le système de santé.
Désolant de constater la perte de quelqu’un qui voulait servir les gens.Trop gentil pour le poste.MAIS les étudiants????Je ne comprends pas leurs vues.Habituellement les jeunes veulent changer le monde, l’améliorer,etc. Pourquoi défendent ils les vieilles façons de faire et protéger celles-ci? Parce que les syndicats sont derriere eux??? Ce sont eux qui devront composer avec les dttes futures…..
La mission d’un ministre de l’éducation n’est pas de réduire la dette de l’état.
La mission d’un ministre de l’éducation est de promouvoir l’éducation ( instruction et culture ).
Voilà ce qu’aura été la faiblesse de monsieur Bolduc
Votre article est équilibré et instructif. Bravo !
Qui vous contredirait sur le cas Bolduc? En fait d’argumentation concernant la « menace étudiante » vous semblez vous contredire en soulignant que le fouilli associé à la multiplicité des causes sera indigestible pour la population.
Par rapport au pétrole, vous reprenez l’argument spécieux que nous continuerons à avoir besoin de pétrole, donc nous devons poursuivre son transport puisque nous n’en produisons pas au Québec. Pourtant, nous savons tous que le CO2 n’a pas de frontière et que la production de pétrole des sables bitumineux hausse de 17% la production de CO2 par rapport au pétrole que nous importons (parce que c’est bien de cet enjeux dont il est question; il faut beaucoup d’énergie pour extraire le pétrole des sables bitumineux). L’extraction de pétrole au québec pourrait éventuellement produire moins de CO2. Mais cette production s’ajoutera à la production mondiale accélérant ainsi les bouleversements climatiques. Cette réalité fait qu’il faudrait réduire la production mondiale de pétrole pour assurer un meilleur avenir pour les populations futures. Or que fait-on au Québec? On rêve d’expoliter le pétrole enfouis dans les profondeurs de l’île d »Anticosti en se disant qu’on continuera a consommer du pétrole après avoir démoniser l’Alberta.
Je ne sais quel âge vous avez monsieur. Mais cela me rappèle le désastre de la pêche des poissons de fond de l’atlantique Nord au début des années 90′. Au lieu d’imposer des limites d’exploitation comme cela a été fait pour la pêche côtière du homard, on a encouragé pendant des décennies le réflexe du chacun pour soi des pêcheurs et exploitants partant de l’idée que vaut mieux « que je prenne le poisson avant l’autre pêcheur ».
On se retrouve, au niveau mondial, avec une situation similaire avec le pétrole. Avec la différence que le pétrole est une ressource non-renouvelable (notez qu’on ne voit pas le jour du retour de la morue). En utilisant pour justification du transport du pétrole de l’Ouest le fait que le québec n’en produit pas s’inscrit dans cette logique implacable de perte à
échéance. Oui, le pétrole, nous en avons besoins. Mais ce n’est pas en contribuant à l’augmentation de la production mondiale de pétrole que nous assurons l’avenir de nos enfants. Et encore moins en acceptant le risque associé au passage du pétrole de l’Ouest sur nos terres en vue de son exportation à l’étranger. Issue de phytoplanctons, le pétrole enfouis dans la terre est un réservoir de carbone qui s’est accumulé durant des millions d’années. Réservoir que l’homme s’est attelé à libérer en grande partie en un peu plus d’un siècle avec les conséquences que l’on connaît.
Il n’y a que deux solutions: réduire la production de pétrole de manière à ce qu’une partie du carbone soit capté de nouveau par les végétaux présents sur terre et dans les océans et rétablir une grande parties des boisés et des grandes forêts décimés au cours des siècles. Pour cela il faudra revoir nos modes de production et d’aménagement des territoires et océans et établir des limites en matière d’exploitation. Cela implique sans détour la conclusion d’ententes internationales assorties d’obligations de résultats.
cher Monsieur Castonguay ,J’ai voté comme étudiante pour la grève à l’UQAM pour toutes les raisons que vous avez nommées plus haut .Il est étonnant que vous n’y voyez pas de liens ,c’est la volonté de s’opposer aux gestes posées ou que va poser ce gouvernement qui a plus a coeur de continuer à enrichir les plus nantis que de s’occuper d’écologie ,d’enseignement ,d’art ,de santé etc. Tout est dans tout comme dirait l’autre et la volonté de ce gouvernement n’est pas d’assainir les finances publiques mais réduire le plus possible la responsabilité de l’état dans des domaines où il a toujours été présent .C’est ce qui s’appelle ,comme ça s’est fait en Angleterre ,passer d’un état social-démocrate et responsable de la classe moyenne et des moins nantis à un état de droite où c’est l’entreprise privé qui règne .Étonnant que vous n’ayez pas fait le lien .Nathalie Gascon
Ce commentaire adressée au Devoir en marge de l’éditorial de Josée Boileau: Voici des propos clairvoyants qu’on aurait souhaiter lire lorsque le Printemps érable a pris naissance en 2012. Alors qu’à mon humble avis, Le Devoir aurait pu mieux voir venir les dérives dont il est question ici. Espérons, que si un tel phénomène devait se répéter dans les mois qui viennent, on aura retenu la leçon! CP
Correction: adressé
«On souhaiterait tous que le Québec consomme moins de pétrole, et il faut y travailler, …»
Primo, pas tous le souhaitent.
Secundo, il aurait fallu écrire «…que le Québec consomme moins de pétrole, et il faudrait y travailler, …»
Est c’est là que le bât blesse. Le problème est de deux ordres:
1) Les efforts déployés pour la réduction de la consommation sont minimes et ce n’est pas la priorité. N’oubliez pas, il y a deux moyens d’économiser: augmenter les revenus et diminuer les dépenses…
2) S’il y a exploitation, comment cela va se faire? A-t-on suffisamment progressé au niveau de la sécurité de l’environnement, des personnes et de l’économie? Poser la question, c’est y répondre.
M. Castonguay, la mobilisation étudiante dont vous parlez n’ est a mon avis pas si importante que vous semblez lui donner. En effet l’ opinion publique en a marre de ses enfants gâtés qui veulent casser la baraque et repartir avec une idéologie qui ne tient pas la route! Ils sont contre tout ce qui bouge actuellement et s’ il n’ y en aurait pas ils en inventeraient!
Des votes de grève en catimini, des appels a la désobéissance civile et des cours de formation qui sont en réalité des appels a la confrotation et a l’ intégriste (c’ est dans l’ air n’ est-ce pas) ! Bref rien de sérieux si les autorités en place prennent leurs RESPONSABILITÉS et qu’ ils fassent régné l’ ordre!
Pour ce qui est du pétrole ; il en faut n’ est-ce pas ! Pourquoi se mettre la tête dans le sable et nier sa présence ! Les revenus il en faut pour vivre, alors que les anti-touts nous donnent des solutions a court terme pour payer tous les services qu’ ils réclament! C’ est bien beau faire des discours qui ne rime a rien mais soyons réaliste qu’ est-ce qu’ on fait demain matin pour payer l’ épicerie? Allons -nous faire de sempiternellesCOMMISSIONS qui nous mènerons a rien et pendant ce temps -la l’ épicier va attendre très patiemment de se faire payer!!
Les gauchistes, les environnementalistes, les syndicalistes sont des entités qui ont des solutions LONG TERME ( qu’on balaie en-dessous du tapis) qui ont bonne bouche mais qui s’ avèrent inefficaces a court terme car complètement innaplicables! Les solutions qu’ on nous présentent sont généralement des DÉPENSES a court et long terme; mais je n’ ai jamais entendu de la bouche de leurs porte paroles ( a part imposer les riches) des solutions de revenus , de développements ÉCONOMIQUES durables, d’ entrepreneurship ect…
Ils sont incapables de parler de ses choses -la car ils ne connaissent pas la façon de GÉNÉRER des revenus! Car dans leur tête ils ont la possession de la SCIENCE INFUSE jusqu’ a ce qu’ ils arrivent dans le mur!!
Je suis incapable de vous lire jusqu’à la fin : trop de fautes, à mon goût. Désolé.
Monsieur Castonguay semble plus inquiet sur le sort du mouvement étudiant, que des impacts de l’inaction de l’ex-ministre de l’éducation. En lisant le texte, j’ai eu l’impression que la fin de la parenthèse se terminait au paragraphe suivant.
Les « raisons obscures » de la mobilisation ont parfois des explications fort simple. Même si l’austérité est une raison suffisante pour se mobiliser, les avocats ont une maxime fort pertinente dans ces circonstances : « Trop fort casse pas ». C’est sans doute pour un motif semblable que cette association étudiante « a beurré épais ».
Je trouve étonnant que l’on juge correct son passage à la santé. Il a pris plus de 2 ans un insignifiant projet de loi sur la gouvernance, a cédé à la pression pour un programme de procréation assistée plein de trous et appuyer un règlement tout aussi bancal pour des nouvelles primes aux médecins de famille dont il s’est goinfré. Pour le reste il a fait de la nanogestion tout en laissant aller le désastreux dossier informatique. Si c’est ça un mandat exercé correctement, la barre est vraiment très très basse.