Budget : voyage dans le «futur» des générations du même nom

Les générations futures sont réunies sur la place Couillard pour célébrer le résultat d’années de serrage de ceinture. Au balcon, le premier ministre Hamad prononce son discours.

PolitiqueLes budgets difficiles comme celui déposé hier, on ne fait pas ça pour maintenant : on fait ça pour demain. On fait ça pour nos enfants, etc. Vous connaissez la chanson.

Et quand on aura assez coupé pour faire des surplus, nous aurons droit à des baisses d’impôts. Et quand on va faire des déficits à cause des revenus de l’État à la baisse, eh bien on pourra recommencer à couper. Pour nos enfants.

J’ai parlé longuement du concept de générations futures dans un autre texte. Je crois qu’il est temps d’aller leur rendre visite.

Unknown

Mars 2038, sous le bouclier fiscal qui protège le Québec…

Pour la 23e année consécutive, Carlos Leitão a refait le coup de pub de porter la même vieille paire de souliers avant de remettre son budget. Personne n’ose le lui dire, mais ça commence à sentir le fromage.

La grande manifestation étudiante annuelle a été tolérée presque 10 minutes consécutives par le SPVM. Une situation que Richard Martineau, après des années à raffiner son style, a commenté d’un concis «!!!».

Les générations futures, habillées en aluminium, sont réunies sur la place Couillard. Elles s’apprêtent à célébrer dans l’enthousiasme le résultat d’années de privation et de serrage de ceinture. Au balcon, le premier ministre Hamad prononce son discours.

«D’abord, une bonne nouvelle : le budget du ministère de l’Éducation va être augmenté de 65 %, ce qui le mène à 35 dollars et 28 sous. Cinq élèves tirés au hasard recevront même un duo-tang gratuit.»

Dans la foule, certains s’agitent. «On vit au-dessus de nos moyens !» crie un homme. «Vous endettez nos enfants !» hurle une dame. Du balcon, Martin Coiteux, remplacé depuis quelques années (sans que personne ne s’en rende compte) par un androïde sans émotion, fait des yeux mauvais aux trublions, ce qui suffit à les faire taire.

«Évidemment», poursuit le PM Hamad, «il va falloir se serrer la ceinture et couper encore un peu. Mais je vous rassure : cela n’aura aucune répercussion sur les services à la population. Ce qui n’est pas très difficile, remarquez, puisque le gouvernement n’offre pratiquement plus aucun service.»

Il faut dire que depuis que le taux d’imposition des entreprises a été fixé à -8 %, tout l’argent du gouvernement passe à payer les compagnies pour les remercier d’être au Québec. Que voulez-vous ? Il faut bien créer un climat compétitif !

«Ce n’est pas tout !» ajoute le premier ministre, à la surprise générale. «J’ai le grand plaisir de vous annoncer… une baisse d’impôt !»

Dans la foule, un murmure incrédule se répand. On peine à y croire.

Un homme, Goldrak (oui, c’est son nom. Rappelez-vous : on est «dans le futur»), serre son enfant dans ses bras. «Wow ! Bulzigook3, tu vas peut-être pouvoir aller chez le dentiste cette année !» annonce-t-il avec émotion.

Sans qu’il puisse s’en empêcher, les larmes lui viennent aux yeux. Malgré le tarif de cinq dollars par larme, il décide de les laisser couler sur ses joues.

La sirène retentit à ce moment précis. C’est l’heure pour tout le monde d’aller au spectacle obligatoire du Cirque du Soleil, racheté par la Caisse de dépôt en 2016 et devenu, depuis ce temps, le plus gros et le plus puissant organisme du gouvernement.

* * *

À propos de Mathieu Charlebois

Ex-journaliste Web à L’actualité, Mathieu Charlebois blogue maintenant sur la politique avec un regard humoristique. On peut aussi, lire ses anticritiques culinaires sur le blogue Vas-tu finir ton assiette ? et le suivre sur Twitter :@OursMathieu.

Les commentaires sont fermés.

Après tout 2038, c’est dans à peine 33 ans. La question se pose réellement pour savoir comment nous parviendrons à financer l’État, comme l’ensemble des services publics qu’il devrait assurer. Dans un contexte mondial qui sera sans le moindre doute différent.

Peut-être plus paisible en espérant qu’on ait trouvé des solutions au terrorisme ambiant, mais peut-être plus compliqué à gérer avec des pays émergeants qui auront cessés d’émerger et qui voudront occuper la place qui leur revient dans l’échiquier mondial.

Quel sera le poids du G7 en 2038, comme celui du Canada dans ce concert là ?

Quel sera le poids des provinces dans ces conditions-là et cet équilibre précaire entre les petites et les grandes provinces, les provinces riches et celles moins fortunées, tout comme les vertus et les bienfaits de la péréquation ?

Mes avis sont que le Canada aura plus que jamais besoin d’être coopératif s’il entend peut-être encore émerger parmi les nations les plus favorisées ou bien ; nous nous enfoncerons sur la voie du déclin jusqu’à ce qu’une fusion entre le Canada et les États-Unis devienne la seule planche de salut pour renforcer notre position dominante dans le concert des nations.

Pas pour 2038 peut-être… Mais qui sait d’ici la fin de ce siècle.

Que penser en même temps de la situation climatique de la Terre quand plusieurs endroits dans le monde pourraient disparaître entrainant toutes sortes de flots de migration. Serons-nous encore d’ici 2038-40 encore en mesure de penser le Québec comme une société parfaitement distincte ? Ou bien s’il ne faudra pas revoir nos modèles pour recentrer la gouvernance sur le développement local pour ne pas dire communautaire à un moment où les corporations auront toutes été absorbées en grande partie par des intérêts étrangers. Quand celle-ci poursuivront leur course à la conquête du monde avec un marché canadien plutôt encore petit et donc donc faible comme générateur de profits.

Alors que justement le Cirque du Soleil sera soit passé entre des mains arabo-persiques ou des richissimes actionnaires situés dans quelque Empire du Soleil Levant. D’ici 2038 ce sont plus de mille et une nuit qui se seront passées. J’ai comme idées que les excellentes résolutions budgétaires de ces années 2015 se seront telles des mirages dans un désert de sable, tout bonnement envolées comme un voile de fumée.

Si j’avais un petit conseil à suggérer aux jeunes aujourd’hui, c’est de se préparer à vivre et donc construire un monde qui ressemble à ce qu’il veulent et non spécifiquement à toujours reproduire les même patentes trouées dans l’absolue continuité de ce qui nous est toujours actuellement proposé. Un monde n’a pas obligatoirement besoin d’être riche pour pouvoir être beau.

**** Erratum :

2038 n’est pas dans 33 ans mais dans 23 ans bien évidemment. On n’y parlera plus d’ailleurs le français, mais à la place le « novlangue » ; « Le novlangue était destiné, non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée, et la réduction au minimum du choix des mots aidait indirectement à atteindre ce but. » Comme l’explique si bien George Orwell dans son ouvrage culte : 1984.
Et on peut dire d’ores et déjà que nous sommes sur la bonne voie !

Bravo pour l’article ‘back to the future’!!! Cependant, je crois que vous manquez soit d’imagination ou de sens critique car le Québec n’existera tout simplement plus dans ces temps ‘historiques’. Nos gouvernements successifs, en incluant le fédéral s’il existe encore, auront tout détruits. Le tout ne sera plus qu’un immense empire corporatif géré par des androïdes qui n’auront, et avec raison, aucune compassion pour cette espèces qui les aura créés. En effet, n’étant point humains et n’ayant par conséquent aucune émotion, ils ne pourront jamais comprendre les raisons qui ont amené notre espèce à s’autodétruire. Pourtant ils ont une étincelle de lucidité et estime que le tout est dû à notre incapacité de s’intégrer dans les lois naturelles au lieu de les combattre et les transgrécer. Bienvenue dans le merveilleux monde des ‘inhumains’.

« Il faut dire que depuis que le taux d’imposition des entreprises a été fixé à -8 %, tout l’argent du gouvernement passe à payer les compagnies pour les remercier d’être au Québec. Que voulez-vous ? Il faut bien créer un climat compétitif ! »

À la vitesse que les impôts aux entreprises baissent depuis 10-12 ans, je ne serais même pas surpris qu’on annonce des subventions généralisées (un impôt négatif) bien avant 2037.