Il y a de ces «faits divers» qui sont moins «divers» que d’autres. Il y a de ces «faits divers» qui viennent vous chercher.
Et par les temps qui courent, ils ne manquent malheureusement pas.
Impossible, en effet, de rester indifférent devant celui-ci. Les détails comptant, je me permets d’en reproduire de larges extraits:
Un policier de la Sûreté du Québec (SQ) vient d’être suspendu de ses fonctions après avoir tiré à lui puis traîné au sol un homme de 85 ans qui dînait au restaurant, pour le ramener de force à son centre d’hébergement, a appris La Presse. L’octogénaire aurait perdu connaissance durant la brutale intervention.
Le Comité de déontologie policière, qui a imposé au policier une suspension de trois semaines et demie dans un jugement rendu cette semaine, n’est pas tendre envers lui. Il l’accuse d’avoir porté atteinte à l’intégrité physique, à l’honneur, à la dignité et aux droits fondamentaux de sa victime, en plus d’avoir utilisé un langage injurieux et d’avoir mis sa santé en péril.
«L’agent a fait preuve de manque flagrant de jugement et d’incompétence grossière. [Sa] conduite constituait en elle-même un risque pour la santé de monsieur, vu son âge, ne serait-ce qu’à cause des émotions fortes que cela lui faisait vivre», a écrit le comité.
L’histoire remonte à juin 2009. Yvon Trudel, alors âgé de 85 ans, était attablé dans un restaurant de Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie, tout près de la résidence pour personnes âgées où il habitait. Au même moment, l’agent Vincent Langlais, jeune patrouilleur de la SQ, a reçu un appel disant qu’un octogénaire qui n’avait pas la permission de sortir seul était recherché par les employés de sa résidence.
Il a rapidement repéré M. Trudel, qui attendait qu’on lui serve son dîner au restaurant Plaza Déli, qu’il fréquentait depuis 30 ans. Sans prendre la peine de vérifier que l’homme était bien celui qui manquait à l’appel, il s’est dirigé vers lui pour lui ordonner de le suivre. M. Trudel a refusé et affirmé qu’il voulait terminer son repas.
«Non, non, vous n’avez pas le temps de finir votre repas, c’est tout de suite que vous vous en venez», a répondu le policier.
Paniqué, M. Trudel s’est agrippé à la table et a crié: «Il n’y a personne qui va me sortir, je ne comprends pas la raison.»
Selon des témoins, Vincent Langlais a ensuite pris l’homme sous les bras pour le tirer hors de la banquette, avant de le traîner au sol. Ils ont raconté au Comité de déontologie que le vieillard était «tombé dans les pommes» à un certain moment.
(…)
Peu après, il a fait un léger infarctus, puis sa santé a décliné. Il est mort en octobre 2009. (…)
Alors qu’on attend toujours des nouvelles de l’enquête menée sur l’arrestation musclée de citoyens innocents par la policière Stéfanie Trudeau – la fameuse Matricule 728 aussi connue pour sa brutalité notoire lors des manifestations étudiantes du printemps dernier -, on apprend aussi sur les ondes de Radio-Canada que dans le cas d’Yvon Trudel et du policier Langlais, trois semaines de suspension pour un comportement aussi inacceptables et aux conséquences aussi dramatiques pour la victime et sa famille, constituerait en fait une sanction majeure pour le Comité de déontologie policière.
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Et parlant de la Matricule 728, ce sont aussi les arrestations massives et les gestes gratuits de brutalité posés par certains policiers lors de la grève étudiante, qui ont mené le ministre de la Sécurité publique à déposer en novembre un projet de loi visant à instaurer un Bureau des enquêtes indépendantes sur la police.
Rappelons que jusqu’à maintenant, au Québec, la police, si l’on peut dire, enquête sur la police…
En octobre dernier, j’en faisais ici l’analyse et formulais justement la demande pour la création d’un bureau indépendant d’enquête composé de civils et inspirés du modèle ontarien.
Celui que promet le gouververnement Marois, pour reprendre ses propres termes :
fera enquête lorsqu’une personne, autre qu’un policier en devoir, décède ou est blessée gravement ou par une arme à feu utilisée par un policier lors d’une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. L’objectif des enquêtes indépendantes est de déterminer si des éléments de preuve démontrent qu’une infraction criminelle a été commise par les policiers impliqués dans l’événement.
(…)
Le Bureau sera chargé de la conduite de toutes les enquêtes indépendantes ordonnées par le ministre de la Sécurité publique. Dirigé par un civil n’ayant jamais été agent de la paix, le Bureau sera une entité permanente et civile dont les enquêteurs auront une expertise pertinente en matière d’enquêtes sur des crimes majeurs ou, dans le cas de civils n’ayant jamais été policiers, auront occupé des fonctions leur ayant permis d’acquérir des compétences pertinentes aux attributions du Bureau.
Notons que si l’annonce fut bien accueillie, il reste qu’elle ne répond pas pour autant à la demande faite par plusieurs pour une enquête publique et indépendante sur la répression policière pendant la grève étudiante.
Néanmoins, cette histoire tragique de M. Yvon Trudel, brutalisé par un policier en 2009 à l’âge de 85 ans, puis décédé à peine quatre mois plus tard, aurait sûrement pu être l’objet d’une enquête par un Bureau indépendant… du moins, s’il avait existé au moment des événements.
Bref, attendu au Québec depuis longtemps, ce Bureau indépendant d’enquête ne sera pas un luxe…
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Le travail de policier est certes un des plus exigeants et des plus difficiles qui soit et la brutalité demeure le propre d’une minorité d’entre eux.
Or, la brutalité policière est néanmoins un phénomène qui existe. Et même si ce dernier est minoritaire, il importe que les policiers ne soient pas au-dessus des lois dès lors qu’un ou une d’entre eux les transgressent. En fait, il importe qu’ils ne le soient plus…
Trois semaines de suspension sans salaire – en fait, 18 jours ouvrables… on ne trouve pas les mots face à une sanction aussi inversement proportionnelle aux torts causés à M. Trudel et sa famille endeuillée.
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Pour lire la décision du Comité de déontologie policière, c’est ici.
On y apprend aussi que selon la Procureure du Commissaire à la déontologie policière, l’agent Langlais n’a exprimé ni regrets, ni remords pour sa conduite et qu’il s’est comporté comme «un vrai cowboy».
Pis encore, elle précise qu’«on ne voit rien dans son attitude, trois ans plus tard, qui nous permette de penser qu’il a appris de ses erreurs»; que l’«acte à réprimer est révoltant en soi et qu’il n’y a pas de facteur atténuant dont on puisse tenir compte».
L’agent, ajoute-t-elle, a usé d’une «force» «gratuite, démesurée et prolongée» alors que même après l’événement, il «continue à jouer de l’uniforme et de la badge».
Ce que réfute l’avocat de l’agent, lequel parle quant à lui de l’«empathie» de l’agent pour le fils de sa victime…
Dans sa décision, le Comité qualifie plutôt ce que l’agent avait dit au fils de sa victime de «tissu de mensonges qui ne peut avoir été concocté que dans le but de prévenir une plainte déontologique ou d’autres recours contre lui».
On y affirme aussi que par ses gestes, l’agent «a porté sérieusement atteinte à la confiance et à la considération que requièrent ses fonctions».
Et pour tout ça, et plus encore, 18 jours de suspension sans solde…
Une formation à bonifier… sérieusement
Au moment des événements, l’agent Langlais était un «jeune» policier avec moins de trois années d’expérience.
Ce qui nous ramène invariablement à la question nettement plus large et importante de la formation des policiers.
Dans ce billet posté en octobre dernier, je faisais l’analyse de cette formation et de ses déficiences tout en proposant, entre autres choses, une formation universitaire obligatoire préalable à leur formation de policier et en listant les raisons militant dans ce sens.
Et de conclure, sous forme d’appel et d’espoir: un autre beau dossier pour le ministre de la Sécurité publique…
Je crois qu’un poste, derrière un bureau, loin du public serait salutaire à cet incompétent insensible.
On est loin de 19-2.
La déontologie policière c’est une farce qui dure depuis trop longtemps.
Jean Émard
Une commission indépendante comme…en ONTARIO?
Eh ben…
Vous avez évolué Madame Legault. Félicitations!
Lorsqu’on se présente dans certains endroits publics relevant du Gouvernement, on voit souvent l’avis suivant relatif aux comportements non tolérés adoptés par certains usagés: »Tolérance zéro ». Mais, curieusement, ce genre d’avertissement n’est jamais indiqué à l’intention des policiers ou autres fonctionnaires qui se croient tout permis. Il est temps de mettre en place un système qui va traiter tous les citoyens de la même manière car, plus ça va, plus on a l’impression que le Québec (et le Canada aussi) se dirige vers la dictature et l’Etat policier. Il est temps que ça arrête!
J’ai comme pas compris quelque chose: « …un octogénaire qui n’avait pas la permission de sortir seul »!!!
L’octogénaire était en prison?
Sortir sans permission d’une résidence pour personnes âgées est-il assimilable à une évasion et ainsi justifier une intervention policière?
J’ai 68 ans et ce pourrait être mon tour dans quelques années.
Pourrait-on m’informer avant que je me fasse tirer dessus? Ça m’inquiète.
Quand on lis le jugement, on s’apercoit que le policier s’est pris 5 jours pour negligence de la santé de quelqu’un sous sa garde de maniere prolongée.
Donc si il s’en serait tenu a « seulement » se foutre de la santé d’un vieillard et le trainer au sol comme un sac d’ordures au moment des actes, il se serait pris encore moins de temps.
On vit dans une republique de bananes « light »
@ Yves Ménard (# 5):
Sans être un spécilaiste de la chose, je crois que certaines personnes âgées sont incapables de s’orienter correctement à cause de certaines maladies ou « absences » et qu’on ne peut les laisser sortir seules des maisons où elles logent d’où le terme « pas la permission de sortir seule… ».
On voit de temps à autre dans les journaux des cas de personnes âgées perdues que l’on retrouve en mauvaise condition ou mortes de faim ou de froid à cause justement du fait qu’elles ont réussi à tromper la vigilence des employés des maisons de pension.
Ça m’enrage cette histoire !!! L’octogénaire était assis au restaurant en train de manger. Le jeune policier aurait dû s’asseoir devant avec lui, prendre un café, discuter avec lui, le laisser finir son repas et le ramener tranquillement et gentiment à sa résidence: il aurait ainsi fait preuve d’intelligence émotionnelle…Au lieu de cela, il a traité le pauvre homme comme un criminel et démontré une fois de plus que la police fait souvent n’importe quoi..Quel gâchis, quel manque d’opportunité de faire du bien…
@ IrèneYakonowsky (# 8):
Vous avez raison…sauf lorsque vous incriminez « LA » police.
Il s’agit ici d' »UN » policier et non de l’ensemble de la police. De plus, combien d’évènements contraires à celui-ci où le (ou les…) policier fait preuve de bon sens, de vertue et de charité chrétienne se déroulent au Québec sans que les médias n’en touchent mot?
Au Québec, les bonnes nouvelles c’est pas trop vendeur!
Bonjour,
Bien sûr, jusqu’à tout récemment, tout au plus une décennie, les travailleurs du Québec en très grande majorité jouissaient des salaires parmi les plus bas au Canada. Et pourtant, les différents corps policiers au Québec se voyaient rémunérés avec les plus hauts salaires au Canada. En tous cas, état policier ou quoi ???
Bref, une instance indépendante se doit de prendre place afin de ( policer ces malotrus et malotrue comme la # 728 qui nous souhaitons ne soit pas un indicatif…… En concluant, ce qui est peu dire, le ( lastic ) concernant les amendes dans cette province demeure et de loin le plus tendu au Canada. Soit souvent 10 fois, 20 fois plus onereuses que dans le reste du Canada…. Bien ‘a vous, John Bull.
Il fut un temps où, pour devenir policier, il suffisait d’être grand, gros, fort, avoir de grands pieds et très peu de choses entre les deux oreilles…
J’en ai connu de ceux-là, il y en a qui sont encore vivants mais heureusement retraités.
Cependant, je les croyais à tort disparus; on en voit qui donnent des contraventions par zèle ou encore qui se comportent exactement comme celui dont Josée Legault parle, c’est dommage quand on croit que notre société évolue pour le mieux, on se trompe.
Tout organisme, institution, organisation etc etc qui n`est pas sujet à la transparence pourrit de l`intérieur. Exemples: le III Reich, toutes les monarchies réelles, les églises , les corps politiques, les financiers, etc etc. Pourquoi s`insurger contre la Police. Si on accepte les prémices (club fermé ) il faut accepter les résultats. Ou croire aux miracles.
Si Vincent Langlais avait été un employé du centre d’hébergement, au lieu d’être policier et avait traité M. Trudel de la même façon, je suis convaincu qu’il aurait été remercié, puis poursuivi pour voies de fait. Il est regrettable que des imbéciles heureux trouvent leur place dans un corps policier. Je vous appuie entièrement dans votre démarche pour que les enquêteurs ne soient pas reliés à aucun corps policier.