Cher Stéphane,
J’ai bien lu ton billet d’hier, qui répondait au mien, que tu n’as visiblement pas apprécié. (Désolé de te tutoyer même si on ne se connaît pas, mais c’est un peu comme pour cette histoire de Charte des valeurs ― c’est vous qui avez commencé.)
Je comprends que les péquistes de bon ton n’aiment pas se faire comparer au Tea Party. Et ce même si notre première ministre a officiellement invité les conservateurs souverainistes à voter pour le PQ pendant la dernière campagne électorale, que les propositions identitaires du PQ sont évidemment une occasion de chasser sur le terrain politique jadis occupé par l’ADQ, et qu’un sondage publié ce matin démontre que les Québécois conservateurs sont très mobilisés par la Charte, alors que la gauche urbaine y est réfractaire.
Quelques points:
1) Premièrement, si tu as effectivement lu mon billet deux fois, tu sais que j’ai pris soin de distinguer les politiques identitaires du reste. Nous sommes certainement d’accord pour dire que le PQ et le Tea Party ont, entre autres, des positions très différentes quant à l’interventionnisme de l’État, les armes, l’environnement, etc. Mais malheureusement pour Nous, j’ai la forte impression que le PQ a choisi de rejoindre le Tea Party sur le plan identitaire en présentant sa Charte des valeurs.
2) Ton billet semble reposer sur l’idée que c’est moi qui ai lancé l’idée d’un clivage urbain/régions (ou peuple/élite) sur la question de la Charte, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Ce sont plutôt tes amis Djemila Benhabib et Mathieu Bock-Côté, pour ne pas les nommer, qui ont dénoncé la «désaffiliation identitaire de Montréal» et la «confiscation du débat par les élites cosmopolites» dans des entrevues données la semaine dernière. Notre ami Mathieu a même affirmé que le débat en cours constituait une «figure douce de la partition de Montréal» et qu’un des grands objectifs de la Charte était de «réinscrire Montréal, ville cosmopolite, ville plurielle, sous la référence québécoise». En entendant ces propos ― partition, mise en tutelle de la ville par les régions, dénonciation des élites ― tu comprendras peut-être pourquoi j’ai pensé à Sarah Palin.
3) À leur décharge, tes amis avaient de quoi fonder leurs impressions. Les 15 maires des villes défusionnées s’opposent à la Charte, un vote unanime qui a fait dire au maire Philippe Roy qu’il était pratiquement sans précédent. Le conseil municipal de Montréal s’est unanimement prononcé en faveur d’une laïcité ouverte. Tous les candidats à mairie s’opposent à la Charte. Même Louise Harel est contre. Quant au dernier sondage Léger, voici ce qu’il indique concernant les appuis régionaux à la Charte:

De toutes les régions du Québec, il n’y en a que deux qui s’opposent à la Charte: Montréal et Québec. Toutes les autres régions sont en faveur (ou également divisées). Je ne sais pas pour toi, mais en ce qui me concerne, ça semble pas mal valider l’impression de tes amis (et la prémisse de mon billet) à l’effet qu’il existe un certain clivage urbain/rural sur la question de la Charte des valeurs.
4) Comment faire, dans les circonstances, pour prétendre que Montréal appuie la Charte? Eh ben…. eh ben… en considérant seulement les appuis francophones! Fallait y penser. Quand on ne s’intéresse qu’au vote d’un certain groupe, on peut faire apparaître plein de choses extraordinaires. À ce titre, c’est Mitt Romney qui a été élu président des États-Unis en 2012, parce que 59% des Blancs ont voté pour lui! (C’est un gros scoop, tu devrais l’envoyer au New York Times.) Par contre savais-tu qu’Obama avait aussi été élu président avec 93% des voix si on ne considère que le vote des Noirs? Si j’étais de mauvaise foi, je ferais remarquer qu’il y a une ressemblance de plus entre le PQ et le Parti Républicain: les deux partis semblent avoir décidé de tout miser sur le vote d’un seul groupe d’électeurs. Ça ne semble pas trop aider les Républicains ces temps-ci, par contre. Et entre nous, je ne suis pas certain que ce soit une bonne stratégie pour le PQ à long terme non plus.
5) Considérant que nous ne serons sans doute jamais d’accord quant à la véritable nature de cette Charte, le débat sur la valeur respective du discours officiel et des lignes ouvertes me semble assez futile. Entre temps, je continuerai malheureusement de croire que les lignes ouvertes reflètent mieux le sentiment et la manœuvre politique qui sous-tendent la Charte que les explications maladroites du gouvernement. Cela dit, même en s’en tenant aux arguments et contre-arguments d’intellectuels comme Guy Rocher, je te réfère aux opinions de Jean-Pierre Proulx, qui considère que, dans le présent débat, la laïcité est «instrumentalisée au service de la nation», ou alors qu’elle sert de «paravent de l’intolérance», comme l’écrivait Jean Dorion, ou encore à Maria Mourani et Michel Seymour, entre autres, qui considèrent que «le caractère discriminatoire [de la Charte] deviendra de plus en plus évident à l’usage». Ah oui, et il y a aussi Gérard Bouchard, qui disait récemment que:
«Les ténors du gouvernement s’appuient sur cette insécurité, qui n’est pas fondée à mon avis — par exemple la vision qu’on a des accommodements, nous avons entendu une femme tout à l’heure qui disait « Ils vont nous envahir, on ne sera plus chez nous! » ― voilà une phobie que le gouvernement devrait s’employer à détruire, plutôt qu’à encourager, pour s’y appuyer.»
Encourager l’insécurité pour s’y appuyer. À toi de voir à quel parti politique américain ça te fait penser.
Les immigrants prennent, de plus en plus, au Québec, la balance du pouvoir économique et politique. Même quand ils sont très minoritaires. Ils réussissent, contrairement à nous « les Canadiens-français du Québec, les Québécois du Canada, les francophones d’Amérique » dans le Canada, à imposer leurs choix en économie, en construction, en garderies et en religion sur la place publique, incluant au gouvernement.
Très juste. C’est parce qu’ils sont concentrés et votent en bloc pour le même parti. Au Québec du moins.
Je n’ai jamais compris pourquoi le PQ était pro-immigrants, continuait à accueillir 50,000 immigrants par année, alors que 95% des immigrants sont contre eux. Plus maso qu’un Péquiste, tu meurs.
Au Canada, c’est différent. Ils ont longtemps voté pour les Libéraux, le parti de Trudeau, le parti du multiculturalisme. Ils ont voté majoritairement (genre aux deux-tiers) mais jamais comme au Québec.
Présentement, leur vote se déplace vers les Conservateurs qui mettent de l’avant des valeurs plus près d’eux comme la famille, la sécurité et la religion. Les valeurs de Libéraux, comme le mariage gay ou la légalisation du pot, sont à des années-lumière de leurs valeurs.
Comme si la rive-nord de Montréal (48-38) ne faisait plus parti de Montréal!! Exit Laval. Exit Mascouche. Exit St-Jérôme. Relégués aux ruraux, aux zépas d’Hérouxville.
Comme si la rive-sud de Montréal (45-36) ne faisait plus parti de Montréal. Exit Longueuil. Exit St-Bruno. Exit Ste-Julie. Relégués aux ruraux, aux zépas d’Hérouxville.
Le nombril du Plateau ne semble plus avoir de limites!