1) Au moment où la pandémie a rattrapé le Canada, à la mi-mars, le gouvernement de Justin Trudeau venait de déposer un projet de loi pour élargir l’accès à l’aide médicale à mourir.
L’automne dernier, la Cour supérieure du Québec a donné raison à Nicole Gladu et à Jean Truchon et jugé que le critère de mort raisonnablement prévisible qu’imposaient les lois québécoise et fédérale aux demandeurs d’aide médicale à mourir était trop restrictif.
Lors du dépôt du projet de loi C-7 durant l’hiver, le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, avait plaidé pour la nécessité d’adopter une nouvelle mouture de la loi avant une date butoir fixée pour le début juillet afin de s’en tenir aux seules modifications requises pour satisfaire les tribunaux.
Le ministre expliquait que des réformes largement réclamées, comme celle visant à permettre aux personnes qui reçoivent un diagnostic de démence de donner leur consentement préalable à l’aide médicale à mourir, seraient examinées dans le cadre d’une révision globale de la loi, laquelle devait s’amorcer en juin.
Pandémie oblige, l’échéancier fédéral ne tient plus la route, d’autant que la Chambre des communes siégera seulement une poignée de fois d’ici le 21 septembre.
Entre-temps, l’éclairage sous lequel la prochaine étape du débat législatif va se dérouler a changé.
Avant même que la pandémie ne braque les projecteurs sur les soins de longue durée au Canada, une imposante majorité d’électeurs étaient déjà favorables au consentement préalable en matière d’aide médicale à mourir. Les pressions pour qu’Ottawa passe aux actes — quitte à remanier son projet de loi en profondeur — pourraient s’accentuer.
2) L’instauration d’un programme pancanadien d’assurance médicaments devait être le grand chantier social du deuxième mandat de Justin Trudeau. Mais la détérioration des finances publiques engendrée par la crise de la COVID-19 va entraîner un retour à l’essentiel en matière de dépenses gouvernementales.
Dans un contexte où les gouvernements vont devoir aller au plus pressé, l’assurance médicaments pourrait-elle vraiment faire le poids par rapport au régime de soins de longue durée, désormais largement vu comme le maillon le plus faible du système de santé ?
3) À la fin mai, le gouvernement Trudeau a reporté indéfiniment la présentation du plan d’action qui devait assurer le suivi du rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, présenté il y a un an.
Juste avant le confinement, la question autochtone — notamment à la faveur d’un bras de fer au sujet d’un projet d’oléoduc — dominait l’actualité au Canada. La COVID-19 l’a balayée sous le tapis. Pour combien de temps ?
Cinq ans se sont écoulés depuis l’instauration par le gouvernement fédéral de la commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones. Ces années se seraient-elles soldées par davantage de progrès mesurable si, à la place d’une commission, on avait mis de vastes réformes en chantier ?
Dans la mesure où une crise en chasse une autre, le temps n’est-il pas presque toujours susceptible de dissiper le sentiment d’urgence qui anime l’opinion publique au sujet d’un dossier ?
Au minimum, tout cela devrait fournir matière à réflexion à ceux qui réclament la tenue d’enquêtes publiques provinciales ou fédérale postpandémiques sur les soins de longue durée. Parfois, il peut être préférable de forcer les gouvernements à battre le fer quand il est chaud.
4) Au début de l’année, le gouvernement Trudeau promettait une décision imminente quant à la place éventuelle du géant chinois Huawei dans l’implantation du réseau 5G au Canada.
Avant la pandémie, les relations entre le Canada et la Chine étaient déjà dans un piètre état. Elles se sont détériorées depuis et, avec elles, l’image qu’ont les Canadiens de la Chine et de son régime.
Au début de 2020, Justin Trudeau aurait déjà eu de la difficulté à susciter suffisamment d’acceptabilité sociale pour faire une place importante au géant chinois dans les plans de 5G canadiens. On est désormais devant ce qui s’apparente de plus en plus à une mission politique impossible.
5) Quand Andrew Scheer a démissionné comme chef conservateur, à la fin de l’an dernier, plusieurs estimaient que son parti ne pourrait faire l’économie d’un débat sur un éventuel repositionnement en matière de lutte contre les changements climatiques.
En fait, il y a des lunes qu’on a aussi peu parlé d’environnement dans le cadre d’une course au leadership fédérale. Seul l’avenir dira si — comme à l’époque de la crise financière de 2008 — c’est le sort qui attend la lutte canadienne contre les changements climatiques après la pandémie.
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Sur la question autochtone, ce n’est pas tout. Le gouvernement Trudeau a profité de la pandémie pour pousser la construction de l’oléoduc TransMountain, voulant miser sur le fait que les opposants autochtones étaient confinés et ne pouvaient manifester à cause des restrictions imposées par la santé publique. Pire, on a toléré des camps de travail de centaines de travailleurs avec la promiscuité qui suit et au risque de leur santé, pour pousser la construction.
La même chose se produit du côté des Wet’suwet’en car le lendemain de l’entente avec les chefs héréditaires, la compagnie repartait la construction du gazoduc Coastal GasLink sur leur territoire et la construction a continué à grande vitesse, encore avec des camps de travailleurs, pour profiter du fait que les Wet’suwet’en étaient occupés à combattre la pandémie. En fait, il semble que l’entente en question n’était encore une fois qu’un écran de fumée.
Alors, dans ce contexte, le sort fait au rapport de l’enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées subit le même sort que tous les rapports antérieurs faits à coups de millions de dollars sur la question et qui ont ensemble fourni aux gouvernements au-delà de 1 000 (oui, MILLE) recommandations pour décoloniser le pays et respecter les droits des Premiers peuples.
La réalité c’est qu’il n’y a pas d’intérêt véritable dans la population pour redresser cette situation coloniale parce que beaucoup de gens en profitent et les gouvernements aussi profitent de ce colonialisme qui a dépossédé les peuples autochtones. On sait fort bien qu’une crise va en suivre une autre et il s’agit de faire des commissions d’enquête à répétition pour noyer le poisson. On préfère dépenser des millions de dollars en commissions (la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 a travaillé pendant 5 ans à coup de plusieurs millions de dollars des contribuables et leurs 440 recommandations ont été oubliées sur les tablettes). Faut croire que les gouvernements jugent que ces millions de dollars sont mieux investis dans du bla bla que pour résoudre les vrais problèmes et, pendant ce temps là, les femmes et filles autochtones continuent d’être victimes de génocide comme l’a si bien illustré l’enquête.
Maintenant, une commission d’enquête pour la pandémie ? Une autre façon des gouvernements de noyer le poisson et de s’en laver les mains.
J’ai été emballé du dernier numéro de mai- juin. Je remercie vos journalistes pour la qualité des reportages. Bon succès!