Connaître ses classiques

Dans ce monde où tout change trop vite, le citoyen est en perte de repères. Heureusement, il peut compter sur l’élite politique pour lui fournir des piliers inamovibles. 

Photo : La Presse canadienne

Dans le bon vieux temps d’avant 2013, la date de l’élection était la prérogative du premier ministre, qui pouvait la déclencher au moment le plus opportun. Opportun pour lui, bien sûr. Pas pour vous.

Le processus allait comme suit : pendant des semaines, le premier ministre répétait que ben non, il n’y a pas d’élection qui s’en vient, où est-ce que vous avez pris ça, je ne peux pas vous parler plus longtemps car je dois aller annoncer 45 investissements pas du tout électoralistes.

Puis, quelques jours plus tard, surprise-surprise, on était en élection.

Avec les élections à date fixe, ce n’est plus possible. Le gouvernement a quand même encore le choix de faire durer la campagne entre 33 et 39 jours. La rumeur veut que le PLQ vise plutôt 39 que 33.

Parce que les Québécois méritent une semaine de plus de débats ? Parce que c’est ce qu’il y a de mieux pour la démocratie ? Parce qu’il croit que plus François Legault parle longtemps, plus il risque davantage de débouler un escalier ? Je vous laisse choisir.

Si vous demandez à Philippe Couillard si la rumeur d’une campagne imminente est vraie, il se contentera de répéter :

« Je peux vous dire que l’élection aura lieu le 1er octobre. Ha ha ha ! »

Il répétera sa phrase avec le sourire heureux de celui qui respecte une tradition millénaire : commencer chaque élection avec un beau mensonge et beaucoup de partisanerie.

Dans ce monde où tout change trop vite, le citoyen est en perte de repères. Heureusement, il peut compter sur l’élite politique pour lui fournir des piliers inamovibles. Philippe Couillard l’a bien dit en juillet dernier : « Pour le renouveau, ça prend de la continuité. »

Si on attend encore le renouveau de Philippe Couillard (se prépare-t-il à se raser la barbe ? à changer son nom pour Chilippe Pouillard ? à inscrire Gaétan Barrette à des ateliers de gestion de la colère ? Ce suspense me tue !), on est servi en fait de continuité.

Il nous a même récemment servi son plus grand succès : crier RÉFÉRENDUM !

François Legault a beau s’engager à ne pas tenir de référendum, son adversaire libéral demeure sceptique et le soupçonne de conserver la menace référendaire dans sa manche.

« M. Legault dit qu’il va demander des pouvoirs à Ottawa, et si c’est non, il va faire quoi ? Il va peut-être faire des référendums si ça ne marche pas. Est-ce que c’est ça qu’on veut au Québec ? On n’avancera pas et tout le monde le voit très bien. »

La menace référendaire, en 2018. Wow. (*)

Le PLQ et son chef sont comme ces vieux rockeurs boomers sur le pilote automatique qui refont le même spectacle depuis 40 ans. * Lève son briquet dans les airs et gueule comme un perdu * « Wouuuuuh ! Jouez “En cette période d’instabilité économique” ! Faites “Les référendums et la rue !” »

On a déjà hâte que Philippe Couillard blâme le PQ pour tous les problèmes en santé en ressortant les infirmières à la retraite sous Lucien Bouchard en 1997.

Parlant du PQ, il n’y a bien qu’eux pour essayer de se démarquer dans cette symphonie de déjà-vu avec une campagne de publicité qui croise Loco Locass avec Ti-Gus et Ti-Mousse. Ils sont plusieurs à prétendre que c’est la première fois qu’un parti utilise l’humour en campagne électorale.

Vraiment ?

A-t-on déjà oublié le « Je suis prêt » de Jean Charest ? C’était drôle en maudine, ça.

Oh ! J’espère que Philippe Couillard va la ressortir celle-là aussi ! Peut-être en medley avec « Les deux mains sur le volant » ? * Relève son briquet dans les airs * WOUUUUUUHOUUUU !

***

(*) Si on pousse jusqu’au bout l’argumentaire du premier ministre, doit-on comprendre qu’il s’engage à ne rien réclamer du fédéral, puisqu’il ne pourrait rien faire en cas de refus ? Quel inspirant plan de match.

Les commentaires sont fermés.

Merci à la démocratie de nous rappeler que rien ne change vraiment, c’est un cycle infini de dire n’importe quoi pour gagner du pouvoir le temps d’un mandat… j’ai juste hâte qu’on puisse se faire gouverner par une intelligence artificielle dont sa seule job sera d’optimiser la bureaucratie pour un moindre coût et un maximum d’efficacité, ce sera peut-être un peu moins pathétique. Mais encore là, chaque parti va créer son intelligence artificielle et la vendre comme étant la meilleure. Et on découvrira bien vite que le cycle se répète encore… Aussi bien en rire comme le fait si bien l’auteur.

Premiers commentaires objectifs que je lis à date sur la campagne électorale de 2018!

Hahaha! Toujours aussi drôle M. Charlesbois! Je suis aussi très découragé de voir que les Libéraux osent ressortir l’épouvantail du Référendum… c’est pathétique. Vivement un nouveau gouvernement le 1er octobre!

Voici mes prévisions électorales

Ce que les chefs diront s’ils sont élus (notez que le genre masculin s’applique même à QS.)

CAQ: Je ne savais pas que les finances publiques étaient en si mauvaise état, je ne pourrai donc pas respecter mes promesses.

PQ: Je ne savais pas que les finances publiques étaient en si mauvaise état , je ne pourrai donc pas respecter mes promesses.

QS: Je ne savais pas que les finances publiques étaient en si mauvaise état, je ne pourrai donc pas respecter mes promesses

PLQ: Je ne savais pas que les finances publiques étaient en si mauvaise état, je ne pourrai donc pas respecter mes promesses.

Voilà!

Très drôle. Mais ma foi c’est triste aussi . Nous avons un beau paysage politique.
Je suis totalement en accord avec votre conclusion.

Eh oui, et on appelle ça la démocratie…. La majorité des électeurs se retrouvent dans l’opposition alors qu’une minorité gouverne « majoritaire » comme des potentats. Alors que dans la plupart des démocraties, le mandat d’un chef d’état ne peut dépasser une ou deux élections, ici, on peut élire nos premier ministres à vie, élection après élection! Dans un tel contexte, c’est quoi la différence entre çà et une dictature? Pas surprenant que les gens ne votent pas et soient cyniques car on mérite mieux que ça! Nous sommes tellement loin de la gouvernance par consensus!

Que voulez-vous dire par ¨gouvernance par consensus¨ ? Avoir un consensus en politique est une utopie, et une utopie, ça brime toujours au moins une personne sur deux quand ce ne sont pas les deux.

D’accord avec vous. Je sais très bien pour qui ne pas voter à cette élection. Et je n’écouterais pas cette fois-ci toutes les élucubrations que vont nous servir nos politiciens par médias interposés parce que ce sera la tour de Babel surtout avec les médias sociaux. Je vais aller mettre ma petite croix encore une fois même si je n’y crois plus beaucoup. Plus ça change plus c’est pareil.

@ C. d’Anjou,

En pratique, il existe déjà au Canada des gouvernements de consensus au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce mode de gouvernance qui implique la majorité de la population se pratique aussi sur plusieurs territoires autochtones dont le Nutnatsiavut (territoire autonome du Labrador) et aussi au Groenland notamment qui est pratiquement totalement autonome par rapport au Danemark maintenant.

Ce qui diffère entre un système de gouvernance consensuel et un système conventionnel, c’est que chaque élu l’est comme indépendant et non comme membre d’un parti politique. Le choix du président de l’assemblée, du PM et du cabinet est effectué par le vote des membres de l’assemblée constituée.

Un vote consensuel, n’est pas un vote unanime. Tout dépendant des statuts, il doit y avoir une majorité minimale qualifiée qui se trouve aux alentours des 2/3 (idéalement 70%) avant qu’un projet ne soit définitivement adopté.

À noter que ce mode de gouvernance est aussi employé par des Conseils d’administration de grandes entreprises ou de grandes organisations. On peut penser entre autre au FMI dont toutes les décisions sont prises sur une base consensuelle.

— En résumé, ce qui caractérise une gouvernance de consensus : c’est la recherche d’une représentation équilibrée de l’ensemble des intérêts sur un territoire donné, couplée à des choix qui au-delà des choix purement idéologiques, politiques ou partisans préservent le bien et/ou supporte les intérêts de toute la communauté.

N’oubliez pas que le propre de toutes les utopies, c’est qu’un jour ou l’autre elles se sont presque toutes réalisées. J’aimerais ajouter que le « choix parfait » n’existe probablement pas. C’est l’usage qui seulement permet de pleinement pouvoir l’apprécier.

@ Serge Drouginsky:
Eh bien voilà qui est très bien expliqué. Je confondais effectivement unanimité et consensus. Merci M. Drouginsky. Et dans ce cas, je serais plutôt favorable à un tel système, car je déteste les ¨lignes de parti¨ qui forcent ceux qui voient les choses autrement de s’aligner sur ce que le chef leur dit. Tu plies ou c’est dehors. On l’a vu lors du débat sur la laïcité alors que je suis convaincu que la majorité des députés et ministres semblaient prêts à adopter le discours du jour.
Petite question: pouvez me citer un ou deux exemples ¨d’utopies¨ qui se sont réalisées (à part le système de santé et l’éducation) ?
Bonne journée.

@ C. d’Anjou,

Vous me lancez un défi difficile ! Ce n’est pas parce qu’on affirme une chose que nécessairement cela est…. À part bien sûr nos parfaits systèmes de santé et d’éducation….

Quoiqu’il en soit, je vais vous proposer quelques exemples qui traduisent mes propos :

La République de Platon qui décrit une société idéale organisée et constituée, est considérée par quelques-uns comme une utopie ou par d’autre comme une préfiguration de l’utopie puisque le mot a été forgé par l’anglais Thomas More en 1516 dans cet ouvrage intitulé en latin : « Utopia ».

Ce qui caractérise une utopie, c’est la description d’un lieu fictif avec le mode de vie (en principe idéal) de ses habitants. Le Paradis terrestre est aussi une sorte d’utopie ; rien n’empêche les gens de faire du monde dans lequel nous vivons un endroit où il fait bon vivre pour tous.

Ainsi les utopies qui se réalisent, ce sont toujours des transpositions d’une description ou d’un récit idéalisé. Souvent elles décrivent un futur qui n’existe pas au moment où le récit est écrit.

Pour revenir à Platon, La République qu’il décrivît, a inspiré de nombreuses constitutions modernes depuis la rédaction de la Constitution des États-Unis d’Amérique. Ainsi les États-Unis forment-ils au départ une sorte d’utopie réalisée à un moment où ces territoires vivaient sous le joug de systèmes encore absolutistes.

Au chapitre des utopies réalisées on peut penser aux écrits de Charles Fourier et son idée de Phalanstère ; suivi par l’édification au 19ième siècle du Familistère de Guise (Nord-est de la France) par un industriel : Jean-Baptiste Godin qui souhaitait unir les activités industrielles du lieu (fonderie) avec un cadre de vie agréable, promouvoir une vie saine et de bonnes mœurs pour les ouvriers, plus d’égalité entre tous, un mode de vie communautaire incluant aussi dans le projet les cadres et les membres de la direction. Même s’il ne reste plus que les bâtiments du Familistère, la société fondée par Godin existe toujours.

Plus proche de nous, la ville d’Hochelaga-Maisonneuve avant qu’elle ne soit annexée à Montréal était une sorte d’utopie en partie réalisée puisqu’elle permettait d’articuler un habitat ouvrier de qualité, des infrastructures modernes (bibliothèque, piscine, théâtre, jardins, etc.), dans un tissu industriel et manufacturier.

Évidemment le projet n’a jamais été totalement complété avec l’annexion de de la ville par Montréal, mais on peut admirer encore quand même quelques résultats très réussis tout autour du Marché Maisonneuve.

Je pourrais en ajouter sur cette question. J’espère cependant être parvenu à relever ce défi ?

C’est un bel effort. Vous avez de profondes connaissances, je vous l’accorde.
Bonne semaine à vous.

@ Serge Drouginsky
Bonjour,
Est-ce que le Bhoutan avec son indice du bonheur national brut qui guide le pays dans l’établissement de ses plans économiques et de développement est une utopie réalisée ?

Wow, quelle amélioration par rapport à votre chronique précédente, ça promet pour la suite… Toutefois, vous vous trompez sur les référendums et je vous donne un exemple. Si François Legault gagne l’élection et demande au fédéral de mettre du bleu dans le drapeau du Canada pour plaire aux Québécois, Justin n’aura pas le choix s’il veut éviter un référendum : Le drapeau du Canada sera mauve, point. 😉