Crimes sexuels : un rapport mettra l’armée dans l’embarras

Des sources à Ottawa ont confié à L’actualité que le rapport est «embarrassant» pour les Forces, voire «brutal» pour le commandement, qui se prépare à la tempête depuis plusieurs semaines.

La chaîne de commandement des Forces armées canadiennes a manqué à son devoir de protéger ses membres, femmes et hommes, contre les violences sexuelles commises dans ses rangs. Trop souvent, les supérieurs font preuve d’aveuglement volontaire devant ce problème et ne prennent pas au sérieux les allégations des victimes. La culture «sexualisée» qui règne au sein de nombreuses unités permet à ces violences de se perpétuer.

Ce sont les principales conclusions du rapport indépendant sur l’inconduite sexuelle dans les Forces canadiennes, signé par l’ancienne juge de la Cour suprême, Marie Deschamps, qui devrait être dévoilé ce jeudi, à Ottawa. Le chef d’état-major de la Défense, le général Tom Lawson, sera sur place.

L’armée a en main ce document potentiellement explosif depuis un mois, mais voulait prendre le temps de le traduire et de préparer une réponse aux recommandations qu’il contient avant de le rendre public.

Des sources à Ottawa ont confié à L’actualité que le rapport est «embarrassant» pour les Forces, voire «brutal» pour le commandement, qui se prépare à la tempête depuis plusieurs semaines. «Le rapport ne pourra pas être pris à la légère ou mis de côté», dit-on dans l’entourage de ceux qui ont pris connaissance du document.

L’actualité a révélé en février que l’armée a mis sur pied une escouade spéciale, l’Équipe d’intervention stratégique sur l’inconduite sexuelle, afin de suivre ce dossier et de mettre en œuvre certaines des recommandations du rapport Deschamps.

Cette équipe est dirigée par l’une des femmes les plus hautes gradées au pays, la major-générale Christine Whitecross. Celle-ci est secondée par l’adjudante-chef Helen Wheeler. Toutes deux seront présentes à Ottawa pour le dévoilement du rapport.

Certains au sein du commandement militaire voient l’équipe de Christine Withecross comme «un embryon», qui pourrait éventuellement grandir et jouer le rôle du «Sexual Assault Prevention and Response Office» (SAPRO) des Forces armées américaines.

Dans sa forme actuelle, la modeste structure canadienne ne se compare toutefois en rien au SAPRO, qui gère cet enjeu au sein du département américain de la Défense. Ce bureau, mis sur pied il y a bientôt 10 ans, coordonne toutes les politiques en matière d’agressions sexuelles dans les rangs militaires aux États-Unis. Il est chargé de produire, chaque année, un rapport sur l’incidence de ces violences (assorti de recommandations), ainsi qu’un rapport portant spécifiquement sur les académies de formation militaire. Rien n’indique pour l’instant que les Forces canadiennes souhaitent aller aussi loin.

Issue de l’aviation, la major-générale Christine Whitecross, native de la Nouvelle-Écosse, est l’une des cinq femmes générales au Canada. Depuis 2011, elle est l’ingénieure militaire en chef des Forces canadiennes, au Quartier général de la Défense, à Ottawa, et la première femme à occuper ce poste.

L’examen indépendant des politiques des Forces en matière de violences sexuelles a été déclenché à la suite de la parution, en avril 2014, d’un grand reportage du magazine L’actualité. Cet article révélait que chaque jour, cinq femmes ou hommes sont agressés sexuellement dans la communauté militaire canadienne, et levait le voile sur les nombreux obstacles que doivent affronter les victimes qui osent porter plainte.

La juge Deschamps ainsi que le chef d’état-major ont décliné plusieurs demandes d’entrevues de L’actualité ces derniers mois.

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