Députée libérale à Québec de 2007 à 2022, Christine St-Pierre a été ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, de même que ministre des Relations internationales et de la Francophonie. Journaliste à Radio-Canada de 1976 à 2007, elle a été courriériste parlementaire à Québec et à Ottawa, puis correspondante à Washington.
L’ancien ministre français Jean-Pierre Chevènement décrivait de manière lapidaire ce que représentait pour lui la solidarité ministérielle : « Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne. » (Le Monde, 4 février 1983)
Au sein d’un gouvernement, la solidarité ministérielle assure une stabilité dans la gouvernance. Et elle prend toute son importance en cas de coup dur ou de choix difficile à faire…
Je l’ai vécue aux premières loges durant le mandat de Philippe Couillard. Lorsqu’il a décidé d’appliquer des mesures draconiennes pour atteindre l’équilibre budgétaire, il lui a fallu compter sur l’appui indéfectible de son cabinet. Les compressions, nous le savions, allaient faire très mal. Des ministres plaidaient leur cause à l’interne, mais se gardaient bien de le faire sur la place publique.
Le directeur du Devoir, Bernard Descôteaux, l’avait observé en 2015 : « Tous les ministres sont conscrits à l’atteinte de cet objectif avec des compressions de dépenses dans tous les ministères. La solidarité ministérielle est exemplaire à cet égard. »
Le gouvernement Couillard faisait le calcul que les compressions effectuées en début de mandat conduiraient à l’équilibre budgétaire, empêcheraient une décote du Québec sur les marchés financiers et mèneraient en fin de mandat à des surplus qui feraient oublier aux électeurs ces moments pénibles. C’est essentiellement ce qui s’est produit… à l’exception du dernier point. Car les électeurs ont eu la mémoire longue et ont chassé les libéraux du pouvoir aux élections suivantes. Les libéraux ne s’en sont d’ailleurs pas encore remis.
C’est ce calcul que fait François Legault en tuant abruptement le projet autoroutier de troisième lien. Il est en début de mandat et espère que les électeurs auront oublié cet épisode lors des prochaines élections.
Or, rien n’est aussi sûr. L’opposition est certes faible à l’Assemblée nationale, mais la principale menace sur la rive sud de Québec est Éric Duhaime. Ce dernier ne se gênera pas pour taper sur le clou ad nauseam au cours des trois prochaines années, aidé en plus par Radio X. Depuis des générations, les résidants de Lévis et d’ailleurs en Chaudière-Appalaches rêvent d’un lien à l’est des deux ponts existants qui permettrait de relier Lévis et la capitale nationale. Je suis originaire du Bas-du-Fleuve et enfant, j’accompagnais mon père qui allait vendre ses produits de la ferme à Québec. Déjà à l’époque, il pestait de devoir faire un si grand détour à l’ouest par le pont de Québec afin de livrer sa marchandise… Pour lui, c’était une grosse perte de temps et d’argent.
L’idée est donc bien ancrée, et c’est ce que le gouvernement Legault est peut-être en train de sous-estimer. Les partisans du projet n’oublieront pas tous le renoncement de la CAQ. Les ministres Bernard Drainville et Martine Biron, qui maîtrisent l’art de la communication, ont beau avoir l’air contrits, ils ne pouvaient ignorer que ce projet n’irait nulle part lorsqu’ils se sont lancés en politique.
Ces deux ex-journalistes aguerris et rigoureux se sont quelque peu métamorphosés au fil de leurs analyses sur la faisabilité du troisième lien. Les déclarations de Bernard Drainville (« lâchez-moi avec les GES » ou « pas besoin d’études quand on est pris dans le trafic ») détonnaient.
Avant son entrée en politique, Martine Biron avait quant à elle critiqué le projet en le qualifiant d’« électoraliste ». Elle avait, en privé, posé des questions à François Legault, qui s’était fait rassurant et l’avait convaincue. Devant la presse parlementaire la semaine dernière, la même Martine Biron absorbait le choc de la réalité : « Quand je me suis présentée en politique, je savais que j’aurais des jours un petit peu plus difficiles. Je ne m’attendais pas à ce que ça vienne aussi vite et que ça soit aussi brutal. »
Certains diront que le scénario était écrit d’avance et que l’abandon du projet autoroutier a été pris en compte au moment de former le Conseil des ministres. François Legault a confié les Transports à sa meilleure communicatrice, Geneviève Guilbault. Il a également recruté dans des circonscriptions stratégiques de la Rive-Sud — Lévis et Chutes-de-la-Chaudière — deux autres personnalités habiles en communication, Bernard Drainville et Martine Biron, afin de mieux faire avaler la pilule aux citoyens de la région.
Ces deux anciens journalistes ont bâti leur carrière sur l’éthique. La blessure dans ce cas est très profonde. Ils devront naviguer pour rétablir le lien de confiance avec la population, et le chef du Parti conservateur du Québec ne lâchera pas le morceau. Leur solidarité ministérielle est sérieusement mise à l’épreuve.
Dans le passé, des ministres québécois en désaccord avec leur gouvernement ont quitté leur équipe avec fracas. En 1984, sept ministres péquistes et trois députés ont tourné le dos à René Lévesque, séduit par le « beau risque » proposé par le premier ministre du Canada, Brian Mulroney. Une voie que Jacques Parizeau avait qualifiée de « stérile et humiliante ». Sous le gouvernement de Robert Bourassa, un désaccord à propos de la loi 178 sur l’affichage avait soulevé la colère et entraîné le départ inouï de trois ministres anglophones à la fin des années 1980.
Chose certaine, le premier ministre Legault devra faire preuve de beaucoup de finesse pour calmer le caucus de Québec : il y a bel et bien une fracture. On a joué avec un rêve.
L’ancien ministre français Bernard Kouchner disait que « s’en aller, c’est déserter ». C’est peut-être à ces sages paroles que s’accrocheront les ministres déçus des derniers jours.
L’erreur de beaucoup est de penser que la question du troisième lien ne concerne que les populations de Québec et Lévis. J’habite dans Charlevoix. St-Jean-Port-Joli est à 20 kilomètres de chez moi. Oui, mais voilà, je dois faire 250 kilomètres pour m’y rendre, dont un détour de 40 km et 45 minutes par l’ouest de Québec. Ce détour absurde et polluant est une réalité non seulement pour les gens du Grand Québec, mais, on le voit, pour tous les Québécois vivant le long du fleuve à l’est de Québec. Ce qui fait quand même au total environ un million d’habitants à qui on refuse un lien essentiel. Pas besoin d’études prétendument scientifiques pour comprendre la nécessité d’un lien routier à l’est de Québec. La vraie vie ne se met pas toujours en équation. Et je ne voudrais pas non plus avoir à rappeler le nombre de domaines dans lesquels des « experts » se sont déjà trompés (pensons simplement aux crises financières). Étonnamment, l’idée d’un pont sur le fjord du Saguenay, qui refait régulièrement surface, coûterait quelques milliards, mais ne serait utile qu’à une infime partie de la population, ne fait pas débat! Ça sent la querelle politico-idéologique, plus que pragmatique.
On comprend qu’un tunnel réservé aux transports en commun entre Québec et Lévis ne comble en rien le besoin d’un troisième lien. Ce sera au mieux un super tunnel de métro, où pourront circuler des véhicules de transport en commun, sur rails ou pas, pour déplacer quotidiennement quelques milliers de piétons et cyclistes du centre de Québec au centre de Lévis. Ça fait beaucoup de milliards pour pas grand monde! Cette nouvelle mouture n’a plus aucun intérêt, ou si peu.
Ce n’est pas ce projet au rabais qui va faciliter les échanges économiques et humains le long de cette fracture de 1000 kilomètres qu’est le fleuve dans la région de Québec et en aval. Ce n’est pas lui qui va faire baisser la pollution émise par des millions de kilomètres effectués chaque années pour contourner Québec. Je me fous qu’on fasse un pont ou un tunnel, mais l’Est du Québec a réellement besoin d’un deuxième lien à l’est de Québec (accessoirement, cessons de prendre les gens pour des imbéciles, les deux ponts à l’ouest de Québec, qui partent à peu près du même point pour arriver à peu près au même point, ne sont en pratique qu’un seul lien, tels deux tabliers d’un même pont. Que l’on songe au pont Mercier.)
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Dans un autre ordre d’idée, je ne m’explique pas la hargne des chefs des partis d’opposition depuis huit jours, après l’annonce de l’abandon du tunnel dans sa première définition. Ça fait des années que ces chefs de parti réclament à cors et à cris l’abandon du projet de lien à l’est de Québec. Dans un monde où on ne prend pas les électeurs pour des imbéciles, MM. Plamondon, Nadeau et Tanguay devraient se frotter les mains et manifester leur satisfaction. Mais non! Les voici qui enfilent leurs armures de preux chevaliers pour se porter à la défense des pauvres électeurs déçus de la CAQ!
Il me semble qu’aucun électeur du PQ, du PLQ ou de QS n’a été lésé, puisqu’ils n’en voulaient pas, de ce tunnel, et n’ont certainement pas voté pour François Legault. Dès lors, de quoi se mêlent ces champions autoproclamés de la veuve et de l’orphelin caquistes? Si promesse brisée il y a eu, si déception il y a eu, si règlement de comptes il doit y avoir, cela concerne uniquement les électeurs de la CAQ. C’est à eux, et à eux seuls d’en juger, et de sanctionner au besoin leur député ou leur parti. Que viennent faire là MM. Plamondon, Nadeau et Tanguay? C’est de l’ingérence de bas étage dans les affaires d’un électorat qui n’est pas le leur.
Tout porte à croire que ces personnes, loin de vouloir faire de la politique autrement comme elles aiment à le prétendre, cherchent juste à exploiter un incident qui ne les concerne pas pour se livrer à des attaques malveillantes contre le gouvernement et la CAQ, autrement dit pour faire de la petite et vile politique politicienne mesquine, comme on en fait depuis des décennies, en créant de toutes pièces un scandale là où il n’y en a aucun qui les regarde.
Accessoirement, tout ce tapage improductif et injustifié est très insultant pour les électeurs de la CAQ. Rappelons qu’une immense proportion de ces derniers n’était pas concernée, géographiquement parlant, par le tunnel, et n,a donc pas voté en fonction de cette promesse. Rappelons aussi que le tunnel, pour important qu’il soit pour les gens de Québec et de la région, n’est certainement pas non plus, pour la plupart d’entre eux, la raison déterminante de leur vote pour la CAQ. J’étais très attaché à ce tunnel, mais ce n’est pas ce qui m’a fait voté au premier chef pour François Legault. Et c’est probablement le cas pour la majeure partie de l’électorat du parti. Il y a quantités d’autres raisons de vouloir donner son suffrage à cette formation.
Dès lors, prétendre, comme le font MM. Plamondon, Nadeau et Tanguay, que nous allons tourner notre veste parce qu’on nous a enlevé notre nananne, ou que nous sommes assez stupides pour avoir élu ce gouvernement sur une seule promesse, est extrêmement insultant.
Vraiment, je ne comprends pas la cabale qu’essaient d’orchestrer ces trois chefs. Vous pouvez être sûr que la promesse d’un tunnel à l’est de Québec ne vous a fait perdre aucune voix, nous n’aurions de toute façon pas voté pour vous. Vous n’avez aucune raison de chiâler.
Je vous invite plutôt à faire de la politique comme des adultes et comme des personnes qui respectent l’intelligence des électeurs.
« Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne. »
A-t-on aussi eu un P. Couillard, chef de madame, qui s’était exclamé, excédé, qu’il n’y en a qu’UN gouvernement, pas vingt-cinq…
Mais la meilleure, du meilleur, Jean Cournoyer, qui, il y a très longtemps, avait lâché candidement: « Il n’y en a qu’UN ministre : le Premier… »
Hier avions-nous une petite rencontre famille de la seule première moitié de la fratrie. Tout à coup, l’aînée exprime son admiration à l’égard de la v.-PM/Q, qui, WOW!, demeurerait donc calme, elle, et digne, comme au-dessus de tout (ou tous?), nonobstant l’agitation, la fébrilité et l’insigne vulnérabilité ou précarité du moment.
Oh, de fait, s’il en est une qui « ‘fait’ » mieux, qui « l’a » plus que quasi tous autres en ce moment, c’est bien elle… Ce n’est sûrement pas Drainville, doté plus que quiconque d’autre de propension ou plus habile qu’aucun autre à se mettre les pieds dans les plats; ni le PM même…
Au point de s’en demander si, de fait (bis), la v.-PM ne serait, ne ferait, et significativement, mieux que le PM en ce moment, dont le comportement s’avère assez pitoyable, merci, (pour ne pas dire exécrable ou… «sacrant»); et dont un aspect (de plus en plus?) pervers ressortirait, comparativement, nonobstant (bis aussi) que les femmes seraient… « plus perverses » que les hommes – (dixit Denise Bombardier, expressément, il y a un certain temps).
Serait-on moins… « vicieux », moins vieux? Confortant ainsi l’appréhension moniste de l’être; contrairement à son appréhension dualiste suggérant qu’il pourrait y avoir ascension morale ou spirituelle en même temps que déchéance ou déclin physiques?
Chose certaine, par ailleurs, il y aurait qqch inhérent à la personne ou personnalité legaultienne qui soit ne varierait guère au fil des âges ou s’altérerait croissamment inexorablement : sa fiabilité, celle de son jugement ou en loyauté.
Lisait-on en effet hier, sous la plume de T. Mulcair, à son propos, qu’« On dit que l’appétit vient en mangeant. Or, il semble aussi que le goût de tromper vienne en mentant. » Enchaînant en disant: « Au-delà des fourberies de Legault »…
Il y a cinq ans, y eut-il semblablement un portrait de Legault in La Presse+ (31 mars 2018), en lequel pouvait-on lire ceci:
« « il s’est brouillé avec ses partenaires d’affaires et Jean-Marc Eustache, qui est toujours PDG de Transat, n’a jamais accepté de lui reparler. […] Plus important, cette rupture donne encore aujourd’hui des arguments à ceux qui affirment que François Legault n’est pas fiable et qu’on ne peut lui faire confiance.
[…]
« Ce n’est pas un gars qui est très loyal envers son entourage et sa loyauté est très limitée à certains individus », tranche un ancien employé. » »
Est-ce que ce qui vient d’advenir eu égard à de récentes éminences fraîchement recrutées, ne témoignerait avec force évidence de la véréalité de tel type d’affirmation?
Bref, aussi loin que remonte-t-on dans le temps, ne peut-on ne pas devoir en conclure qu’il « manque », résolument, « qqch », important, chez cet individu, pour se comporter comme il le fait, de génération en génération.
Il ferait preuve soit d’inaptitude chronique (e.g. à comprendre)
soit d’ineptitude dramatique, comportementalement, récurremment.
Qu’il suffise de (se) rappeler la célèbre affaire Michaud, d’il y a vingt-deux ans et demi. Quasi tout le monde, au PQ, aura ultimement compris et admis qu’avait-ce été une grave, très, très grave erreur — (pour ne pas dire horreur) — d’avoir ainsi lynché qqn innocent (sans l’entendre en plus!) — (du plus haut tribunal suprême qu’est l’ANQ [s’autoproclamant «l’institution la plus noble» ! s.v.p.]) —;
quasi tout le monde, donc, sauf l’Inédit François Legault.
Qui soit s’avère absolument incapable de comprendre qqch aussi simple et élémentaire; ou, pour des motifs bien bien bas, se refuserait à faire amende honorable en en admettant l’infâme et l’odieux, et en s’en excusant dûment.
On ne démissionne pas pour une question d’infrastructure ou de travaux publics. Ce n’est pas la première fois qu’un parti renonce à mettre en œuvre un pont, une route où une école qu’il avait promis aux électeurs durant une campagne électorale. Il n’y a aucun principe fondamental en jeu.
Les ministres du gouvernement de René Lévesque invoquaient en 1984 le principe fondamental de l’engagement du parti québécois à faire l’indépendance. Ils avaient une raison valable de démissionner puisque le parti renonçait à son principe premier en endossant la réforme du fédéralisme canadien.
Les députés de la CAQ auraient eu une raison valable de démissionner lorsque le parti a renoncé à la réforme du mode de scrutin, une question plus fondamentale qui engage le principe de la juste représentativité des élus face à la volonté des électeurs.