
Ma curiosité fait que je trimballe souvent mon clavier dans des coins étranges d’Internet. Ça m’amène parfois à découvrir des choses insignifiantes, comme qu’il existe une looooongue page Wikipedia à propos de l’orientation du rouleau de papier de toilette.
D’autres fois, c’est plus… troublant.
En fouillant les méandres de je ne sais plus quel groupe Facebook dont le nom devait être une version soft de «On n’est pas racistes, on veut juste que les races restent chez eux», je suis tombé sur une théorie étonnante.
Attachez votre chapeau en papier d’aluminium avec de la broche, parce que ça fesse dans le complot: l’attentat de Québec a été perpétré par des islamistes, mais ils l’ont déguisé, avec l’aide des autorités, en un geste d’extrême droite. Vous vous souvenez du deuxième suspect, ce Marocain finalement relâché parce qu’il n’avait rien à voir là-dedans? C’est lui le vrai tireur.
De plus, le 11 septembre était un «inside job», le gouvernement contrôle la météo et si tu écoutes l’émission de Véronique Cloutier à l’envers, tu entends des messages secrets. (Ça ne règle pas le manque de chimie entre Véro et son coanimateur, par contre.)
Que quelques crackpots sur Internet croient ce genre de délire, soit. À part espérer que ce ne soit pas le cousin qui va venir nous jaser de politique au prochain souper de famille, on n’y peut rien. Mais on peut quand même se demander où ils prennent ça.
Une des réponses: The Rebel, média en ligne du Canada anglais fondé par Ezra Levant, un ancien du défunt cirque réseau de télé Sun News.
Dans les jours suivant l’attentat, The Rebel a envoyé à Québec une de ses journalistes, en demandant de l’aide financière aux internautes pour défrayer les coûts du voyage. Dans son appel aux dons, le média semblait être complètement renversé par le fait que le deuxième suspect ait été relâché, comme si un homme blanc qui tire du gun était la chose la plus saugrenue qui soit.
«What’s going on here? What are the facts? And can we trust the mainstream media to tell us the truth about such a controversial and sensitive subject? We don’t know all the facts yet. But unlike the CBC, we intend to uncover the truth, not bury it.»
[«Que se passe-t-il ici? Quels sont les faits? Et pouvons-nous faire confiance aux médias de masse pour nous dire la vérité sur un sujet aussi controversé et délicat? Nous ne connaissons pas encore tous les faits. Mais contrairement à la CBC, nous avons l’intention de découvrir la vérité, pas de l’enterrer.»]
Pendant trois jours, leur envoyée a couvert Québec sur un ton de «on nous cache des choses».
À grands coups de «je ne fais que poser des questions», elle a esquissé les contours d’un vaste complot mêlant la police (qui a relâché volontairement un tueur), Radio-Canada et l’ensemble des médias (qui travaillent de concert pour faire oublier des informations, même si ce serait le scoop du siècle que de prouver une telle conspiration), Justin Trudeau lui-même et le monde politique en entier (qui se sont entendus pour cacher la vérité, afin de… quoi au juste? ce n’est pas trop clair), et une collection de faux témoins (parce que, tant qu’à être rendu là, pourquoi pas).
La dame n’a pas de preuves, non. Mais elle a des questions, alors ça revient au même.
Je n’arrive pas à organiser une fête-surprise à ma sœur sans que quelqu’un s’ouvre la trappe, mais on peut cacher qui est le vrai responsable d’une tuerie à Québec. Ça a ben de l’allure.
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Pour être bien honnête, je ne connais pas en profondeur The Rebel. Chaque fois que j’essaie de regarder une de ses vidéos, je finis par faire autre chose de plus agréable, comme écouter un disque de cornemuse en m’arrachant des poils de nez.
J’ai cependant assez côtoyé cette version «Nos Compliments» de Breitbart pour remarquer quelques tics que j’ai déjà vus ailleurs.
Son léger délire de persécution et son attitude «le monde entier est contre nous et vous». Son utilisation des termes «lying medias», «fake news» et autres dénonciations des «élites». Sa démonisation de tous les médias sérieux. Son impression que c’était mieux dans un «avant» bien flou, où on se tenait debout, ou quelque chose du genre. Sa fixation sur les musulmans et les réfugiés.
Ou alors cette casquette qu’on trouve dans son magasin en ligne.

C’est un sentiment extrêmement subtil, mais j’ai l’impression d’avoir déjà vu ça quelque part…
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La semaine dernière, Ottawa a été au cœur d’un psychodrame fort peu élégant, autour d’une motion, M-103, qui demande au gouvernement de «condamner l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques».
D’un côté du débat, on en parle comme d’une motion non contraignante peut-être mal formulée.
De l’autre, cachez vos enfants: c’est le prélude à l’instauration de la charia au Canada.
Je vous laisse deviner de quel côté tombe The Rebel.
Dans une vidéo, Ezra Levant explique que la députée d’origine pakistanaise à l’origine de la motion veut «importer les valeurs de son pays» et qu’elle n’est «pas de notre côté en ce qui concerne la séparation de l’État et de la mosquée» («I don’t think she is on our side when it comes to separation of mosque and state»). Rien que ça.
Chez les candidats à la chefferie du Parti conservateur, on s’est rué sur cette histoire avec le même entrain qu’un enfant habillé propre qui trouve un trou de bouette où se salir.
Kellie Leitch a même lancé une «pétition». J’utilise les guillemets parce qu’il n’y a aucun texte ni aucune explication, seulement un formulaire offert uniquement en anglais. C’est important parce que M-103 vise, si je comprends bien l’iconographie, à museler nos enfants.

«Oh, et pendant que vous êtes là, vous ne feriez pas un petit don à ma campagne?»

«Merci! On se reparle bientôt, puisque vous allez maintenant recevoir mon infolettre.»

Mercredi, The Rebel organisait un «Rallye pour la liberté d’expression», parce que son équipe adore les rassemblements. Elle adore aussi la liberté d’expression, mais pas assez pour ne pas huer les médias chaque fois qu’elle le peut.
Qui y était? Kellie Leitch, évidemment. Elle a probablement dormi devant la porte d’entrée de la salle pour avoir une des meilleures places.
Chris Alexander y était aussi. On se souviendra que c’est lui qui parlait quand la foule s’est mise à scander «Lock her up» lors d’un autre événement organisé par The Rebel. Encore aujourd’hui, on se demande ce qui est pire: demander qu’on mette en prison une élue, ou ne même pas être capable de créer ses propres slogans politiques.
Ajoutez à cela Pierre Lemieux et Brad Trost, et c’est le tiers des aspirants chefs du Parti conservateur qui se trouvaient à ce rallye. Ils y étaient parce qu’ils n’ont aucune réserve à se frotter à The Rebel, parce qu’il y avait là des électeurs qu’ils veulent séduire, à qui ils veulent dire «Moi aussi, je pense comme vous».
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Tout cela n’est peut-être pas encore aussi grand public que Guylaine Tremblay au Gala Artis, mais ce n’est pas pour autant un phénomène rare, des idées et des attitudes marginales, qu’on ne croise qu’au détour d’un égarement sur Internet à 2 h du matin.
On parle souvent de la bulle des médias sociaux qui nous garde entouré de gens qui pensent comme nous. Au Québec, elle est doublée d’une bulle linguistique, dans laquelle on est bien à l’abri du reste du Canada et de ses débats en anglais. Sans s’en rendre compte, on se retrouve avec un sacré angle mort.
Il faut absolument en sortir, sinon on risque de faire tout un saut quand la première ministre Kellie Leitch va entrer en poste. Après tout, elle est en deuxième place dans la course au leadership du Parti conservateur. Le saviez-vous?
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Mathieu Charlebois blogue sur la politique avec un regard humoristique.
J’en ai des frissons dans le dos quand je lis les commentaires de certains Québécois sur les articles traitant de ce sujet. En plus d’être bourrés de fautes d’orthographe, on peut y lire les pires inepties et âneries dignes du deux de pic au fond de la classe. Et le pire c’est que ces gens ont le droit de faire des enfants! Ayoye!!!!!
…et ils ont le droit de voter!!!
Je vais également plus ou moins régulièrement sur certains sites dont celui du J de Mtl. et la section « commentaires » aurait besoin d’un ou deux modérateurs dignes de ce nom. Pour l’instant, on dirait que c’est « wide open »…
Les inepties et autres âneries ainsi que le incalculables fautes d’orthographes (50% de la population québécoise est illettrée fonctionnelle et on dirait qu’ils se sont tous donnés rendez-vous là-bas…) s’y côtoient à merveille mais ce que je voit de plus en plus souvent, ce sont des commentaires disgracieux, insultants, grossiers et même outrageants envers la classe politique.
Pas surprenant que peu de gens compétents veulent s’y aventurer.
Vous trouvez ca normal que 3 semaines après la tuerie on n’a toujours pas vu les images de la tuerie ainsi que l’enregistrement du 911 de Bissonnette?
Vous trouvez ca normal que le juge ait émis l’ordre de non-publication à toute la preuve présentée cette semaine?
Vous trouvez ca normal qu’on ne télédiffisera ce procès comme on n’a pas diffusé le procès Turcotte, comme on n’a pas diffusé le procès Magnotta?
Eh bien, regardez ce qui se passe ailleurs dans le monde démocratique parce qu’ici pour la transparence de la police et du système de Justice, on repassera.
On nous prend pour des enfants! On administre la Justice en cachette, en catimini. Après ca on s’étonne que des Albertains s’intéressent à notre système hermétique.
Si je ne m’abuse, il est illégal de télédiffuser un procès au Canada mais vous pouvez y assister sans aucun problème à moins qu’il y ait huis-clos.
Dans certains cas, le prononcé de la sentence est diffusé mais rarement.
De toute façon, nos journalistes, et ils sont nombreux, sont à pied d’oeuvre presque 24/7 pour nous renseigner sur tous les procès publics et je ne vois pas l’ombre du début du commencement d’une conspiration dans notre système de justice.
Lent notre système? OUI mais pas à la solde d’une machination quelconque. Il y a trop de parties divergentes impliquées.
@ jack2 Les procès ne sont pas des spectacles de télé-réalité. Il y en a suffisamment je crois… Si vous voulez y assister, les portes sont ouvertes. Les preuves seront présentés au moment du procès. Et pour ce qui est de l’état de la mosquée après le massacre, vous pouvez en visionner les images sur le Net si ça vous plaît.
Votre commentaire est tout à fait à L,image de l’artice:
« Je ne sais pas comment la justice fonctionne, mais je sais qu’à l’émission l’Abitre ils nous diffuse tout, alors pourquoi on ne sais rien de ces histoires? Je fais juset poser des questions, là »
Les images de la tuerie, vous voulez vraiment les voire?
Est-ce que c’est normale qu’on de télédiffuse pas les procès?
Oui, par respect pour les victimes, leur famille, et même pour les accusés qui ont la présomption d’innocence et qui demeurent des être humains malgré tout.
Côté transparence, sans être des chefs de file, on n’est quand même pas aux Philippines où le président commende de tuer aux citoyens.
Et pour les Albertains, toutes les raisons sont bonnes pour cultiver le ressentiment contre les autre provinces, surtout celles qui ont de généreux programmes sociaux (dont ils auraient eux-même bien besoins suite aux incendies et aux ralentissement pétroliers) et à qui ils versent de la péréquation