
Ces parlementaires, qui n’ont pas que le titre d’honorable, sont au cœur de la vie de la Chambre des communes. En voici trois, dont le départ à la retraite se fera sentir dans le prochain Parlement.
Pendant que ses contemporains politiques dévoraient Machiavel, Peter Milliken déchiffrait les textes arides consacrés à la procédure parlementaire et rêvait d’en écrire quelques lignes. Ce sera finalement tout un chapitre.
Député libéral sortant de Kingston-et-les-Îles, en Ontario, Peter Milliken a non seulement réalisé son rêve de devenir président de la Chambre des communes, mais il a occupé son fauteuil pendant plus de temps que tous ses prédécesseurs.
Au cours de ses 10 années à la présidence, il a vu passer trois premiers ministres et quatre gouvernements, dont trois minoritaires. Au printemps de 2005, il a tranché un vote de confiance en faveur du gouvernement minoritaire de Paul Martin, le sauvant d’élections précipitées. (Quand un vote au Parlement se solde par l’égalité des voix, la tradition veut que le président tranche en votant contre la motion ou le projet de loi en question.)
Lors de la dernière année, le président de la Chambre a reconnu trois fois le gouvernement de Stephen Harper coupable d’outrage au Parlement. C’est un record dans les annales fédérales. Dans un Parlement au sein duquel l’opposition majoritaire n’a pas toujours eu le courage de ses convictions, Peter Milliken a gardé avec distinction les buts de la démocratie parlementaire.
Dans l’imaginaire fédéral, il y a une place particulière pour les parlementaires qui, sans être premiers ministres, se sont distingués pour leur contribution au débat sur la politique étrangère du Canada. Parmi ceux-là, on compte notamment Joe Clark et Lloyd Axworthy dans le rôle de ministre des Affaires étrangères, Bob Rae dans son poste actuel de critique de ce même portefeuille… et la députée bloquiste sortante de La Pointe-de-l’Île, Francine Lalonde.
Jusqu’à ce que la maladie la force à cesser de parcourir la planète, Francine Lalonde s’est occupée d’un dossier dans lequel peu d’observateurs s’attendaient à ce que le Bloc québécois se taille une place crédible. Ses collègues fédéralistes se souviendront d’elle comme d’une députée qui a systématiquement fait mentir l’idée qui veut que le Bloc ne s’intéresse qu’aux sentiers étroits par lesquels les dollars fédéraux voyagent vers le Québec.
Francine Lalonde n’aura pas vu son rêve d’un Québec souverain se réaliser, mais elle aura quand même laissé un cadeau de départ à ses amis canadiens. Avec son projet de loi sur le droit de mourir dans la dignité, elle a aidé à faire germer un débat fondamental auquel n’échapperont pas éternellement les élus fédéraux.
Si Stephen Harper est chef d’un Parti conservateur réunifié et premier ministre du Canada, c’est en partie grâce à une poignée de députés réformistes qui ont pris leur courage à deux mains en 2001 et quitté leur formation pour rejoindre temporairement la poignée de progressistes-conservateurs que dirigeait alors Joe Clark. Le député de Chilliwack¬Fraser Canyon, Chuck Strahl, était à leur tête.
Débarqué aux Communes avec la première vague réformiste, le ministre sortant des Transports a toujours fait preuve d’une ouverture qui ne correspond pas à l’image de rigidité intellectuelle que bien des électeurs se font d’un conservateur animé par de fortes convictions religieuses.
Depuis six ans, Chuck Strahl vit avec un cancer des poumons inopérable. Pendant cette période, il a dirigé trois ministères et fait l’aller-retour entre la Colombie-Britannique et Ottawa presque toutes les semaines. Surtout, il est devenu une force tranquille du cabinet Harper.
Le Parti libéral a perdu la bataille contre le libre-échange canado-américain, qui avait amené Peter Milliken à Ottawa, en 1988. De 1993 à aujourd’hui, la souveraineté chère au cœur de Francine Lalonde ne s’est pas réalisée. Le gouvernement conservateur que Chuck Strahl laisse derrière lui ne ressemble pas beaucoup au Parti réformiste auquel il a adhéré. On dit souvent que ce sont les gagnants qui écrivent l’histoire, mais ce n’est pas vrai lorsqu’il s’agit de l’histoire parlementaire.