Marc Garneau a pris tout le monde par surprise mercredi matin en annonçant son retrait de la course à la direction du Parti libéral du Canada. En scientifique qui refuse de nier les faits, il a vu que les chiffres ne mentaient pas et que la victoire était dans le sac pour Justin Trudeau. Aussi bien, dans ces conditions, concéder la défaite plutôt que de subir une humiliation au fil d’arrivée, le 14 avril prochain.
Et comme il se battait pour gagner, à quoi bon continuer quand il se savait lointain deuxième? Il se range à la volonté de la majorité des membres. «D’après une analyse interne, j’estime maintenant que le parti a fait son choix. C’est Justin Trudeau que les libéraux veulent comme nous chef de notre parti. C’est évident et je le félicite», a-t-il déclaré en conférence de presse.
M. Garneau dit maintenant appuyer Justin Trudeau, mais sa main tendue ressemble davantage au ralliement du «bon et loyal soldat» que l’ancien astronaute a toujours été. Et qu’il sera encore, promet-il.
Lui qui a maintes fois souligné le manque d’expérience et de contenu de son adversaire ne s’est pas dédit en conférence de presse, mercredi matin. Il a simplement préféré insister sur les talents de rassembleur de M. Trudeau. Et parler chiffres et froids calculs.
«Je ne peux pas mathématiquement gagné», a-t-il dit. «Je concède que je ne peux pas le battre», a-t-il ajouté. «Les chiffres ne mentent pas», a-t-il renchéri. Et de citer un sondage réalisé par son équipe auprès de 6000 membres et sympathisants. Ce coup de sonde ne lui accordait que 15 % des appuis alors que Justin Trudeau en récoltait 72 %. Joyce Murray en obtenait 7 % et Martha Hall Findlay, 5 %.
Le choix du moment étonne cependant car la machine bien huilée de Justin Trudeau connaît quelques ratés depuis un peu plus d’une semaine. En fait, depuis que les 294 002 membres et sympathisants doivent s’enregistrer pour exercer leur droit de vote à la mi-avril.
Le camp Trudeau se targue d’avoir recruté plus de 160 000 de ces partisans libéraux. Mais mercredi soir, à 24 heures de l’échéance pour s’inscrire sur la liste électorale, à peine un peu plus de 100 000 membres et sympathisants s’étaient exécutés. Inquiet, le camp Trudeau a demandé de prolonger la période d’inscription, prétextant des problèmes de différents ordres.
Un des principaux problèmes avait trait aux membres et sympathisants – 100 000, affirme-t-on – qui n’auraient pas fourni d’adresse courriel au moment de leur adhésion, forçant le parti à les contacter par la poste. Plusieurs risquaient ne pas avoir suffisamment de temps pour s’inscrire.
Or, le camp Trudeau reconnaît avoir le plus de sympathisants sans adresse courriel. Et il est aussi celui qui a le plus à perdre si les gens ne s’inscrivent pas puisque ça pourrait rogner son avance. Il a donc dû soupirer d’aise mercredi soir après avoir obtenu la prolongation qu’il souhaitait. Les membres et sympathisants auront une semaine de plus pour s’enregistrer.
La requête du camp Trudeau ne faisait pas l’unanimité. Deux camps, ceux de Joyce Murray et de Martin Cauchon, étaient contre. Chez Joyce Murray, on disait ne pas connaître les mêmes problèmes et on laissait entendre que l’équipe de Justin Trudeau était responsable de son propre malheur.
Le parti avait averti tout le monde que le mode de scrutin mis en place reposait sur un échéancier serré qui exigeait la collaboration de toutes les équipes. Pour faciliter les choses, on comptait sur elles pour fournir au parti les coordonnées les plus complètes des nouvelles recrues. Et si les gens n’avaient pas d’adresse courriel, le parti espérait obtenir leur nom plus tôt.
Selon Jamie Carroll, responsable de la campagne de Joyce Murray, il ne peut y avoir que deux raisons pour expliquer l’absence d’un nombre aussi important d’adresses courriel sur les bulletins d’adhésion. Ou les gens qui ont procédé au recrutement ont mal fait leur travail, trop pressés d’accumuler les sympathisants. Ou ils ont décidé délibérément de ne pas partager les adresses courriel avec le parti pour empêcher les autres camps d’y avoir accès.
Mercredi, Joyce Murray a émis une déclaration dans laquelle elle dit se ranger au raisonnement du parti qui dit vouloir favoriser la plus grande participation possible. Mais elle y réitère ses réserves.
Et elle n’a pas tort car cette prolongation ne profite réellement qu’à une équipe, celle de Justin Trudeau.
Marc Garneau, lui, n’a même pas attendu de connaître la décision du parti à ce sujet car il avait déjà conclu que ça ne changerait rien au résultat final, l’avance de M. Trudeau étant trop importante. Et sa victoire, «un fait accompli», a-t-il dit en conférence de presse, lui qui avait pourtant prévenu le parti contre les dangers d’un couronnement.
Mais ce dernier semble maintenant inévitable, même s’il reste sept candidats et qu’aucun ne semble vouloir imiter M. Garneau. Quant à Justin Trudeau, il a remercié Marc Garneau pour son appui et, surtout, son appel à l’unité du parti.
Comme je disais l’autre jour, Marc Garneau devrait aller au PCC avec des gens sérieux.
Cela dit, Garneau pourrait se ré-essayer après la raclée électorale que va recevoir de Pretty Boy.
Les dés sont pipés depuis le début.
On verra combien de militants et membres iront voter.
Pour fin de comparaison:
NPD – 2012 : 65,108 votes lors du premier tour
PCC – 2004 : 97,397 votes
La victoire de M. Trudeau semble en effet être un fait accompli.